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TROIS MILLIARDS D'UN COUP (critique)

Ce mercredi 14 juin, la société de distribution Lost Films fait honneur à son nom en ressortant en salles Trois milliards d'un coup (Robbery en VO), un film de braquage ferroviaire de 1967 injustement oublié signé Peter Yates, le futur réalisateur de Bullitt.

C'est peu de le dire : l'histoire du cinéma et de la cinéphilie a une mémoire sélective. Certains films parviennent à s'y creuser une place immuable, avec plus ou moins de mérite ; et d'autres loupent le coche et tombent dans l'oubli, parfois incompréhensiblement. Ainsi, tout le monde connaît Bullitt, film culte de Peter Yates (1968) qui a su se forger une renommée définitive, au point d'intégrer à grands coups d'accélérateur de Ford Mustang le National Film Registry de la Bibliothèque du Congrès états-unien en 2007. Mais qui se souvient encore du film précédent du réalisateur, Trois milliards d'un coup (Robbery de son titre original, plus pertinent aujourd'hui), tourné au Royaume-Uni un an plus tôt ? Et pourtant, c'est bien en découvrant ce dernier, heist movie à la réalisation ciselée -et qui comportait déjà une scène de poursuite en voiture absolument époustouflante-, que Steve McQueen décida d'engager Yates sur Bullitt.

Par chance, Studio Canal vient de restaurer ce film, qui retrouve en ce début d'été l'espace de diffusion qu'il mérite : le grand écran !

Inspiré de faits réels survenus en Angleterre en 1963, Robbery raconte le braquage d'un train postal par un gang de truands experts, en suivant le déroulé classique d'un film de casse tels qu'on les fait encore aujourd'hui : ouverture sur une longue et éclatante scène mettant le gang en action sur un coup précédent, recherche d'une nouvelle équipe, préparatifs, et enfin le braquage en lui-même. Le film a cependant la spécificité de partager la narration entre les malfaiteurs qui se préparent, et un policier qui mène l'enquête sur eux et tente de leur mettre les bâtons dans les roues ; le suspense en est renforcé d'autant, car le spectateur sait alors que la police est déjà sur les traces des bandits avant même que leur opération ne commence. Réussiront-ils leur coup malgré tout ? (Bien sûr, on n'en dira rien ici !)

Plus encore que par sa trame narrative, prenante mais relativement classique, ce film brille par son esthétique très travaillée, pur produit britannique des années 60. Si le montage peut par moments sembler un peu lent (le film aurait peut-être gagné à être légèrement plus court et dense), il permet en revanche d'admirer à volonté la magnifique photographie du film signée Douglas Slocombe, collaborateur d'Alexander Mackendrick et Joseph Losey (et plus tard de Polanski, Norman Jewinson, ou encore Spielberg sur les trois Indiana Jones -excusez du peu). Celle-ci est en effet prodigieuse de dynamisme et d'inventivité, entre caméras portées à la violence assumée, plans en grand angle/fish eye, et longs zooms/dézooms de plans très plongeants, qui révèlent des morceaux de scène à une distance insoupçonnée. Tous ces effets donnent au spectateur l'impression d'être toujours à la meilleure place pour admirer l'action, et renforcent ainsi son implication dans chaque scène. Ils mettent également bien en valeur les incroyables cascades humaines et mécaniques de certaines scènes, notamment dans la poursuite de début (pardon d'y revenir, mais quel sacré moment de cinéma d'action !).

L'aspect très réaliste du film tient aussi au choix des décors, qui vont du cœur de Londres à ses quartiers résidentiels et ouvriers, puis se décalent dans des cités plus industrielles, un stade de foot (des parties du film ont apparemment été tournées au cours d'un vrai match !), et enfin en pleine campagne, pour l'attaque du train et la partie dans la base aérienne désaffectée.

La musique jazzy de Johnny Keating, utilisée avec parcimonie, rythme agréablement et élégamment l'ensemble ; espérons qu'elle aussi aura prochainement les honneurs d'une réédition purement musicale, afin d'en saisir toute la finesse.


Alors, amateurs de belles mécaniques, de cascades et de travail d'équipe : aux énièmes resucées de Fast & Furious ou de Transformers dont regorgent actuellement les salles obscures, préférez le charme plus sophistiqué et néanmoins toujours efficace d'un bon film de répertoire : filez voir Trois milliards d'un coup !


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