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Jofrey La Rosa

THE WHITE LOTUS (critique S1)

Série HBO diffusée chez nous sur OCS, The White Lotus est une dramédie étonnante créée par Mike White (Rock Academy, Brad’s Status, Enlightened), qui met en scène le séjour mouvementé d’une poignée de vacanciers dans un hôtel hawaïen. La critique enthousiaste de cette première saison est évidemment sur PETTRI.

Dès la première scène, The White Lotus accroche et intrigue. On était venu pour voir des vacanciers dans un hôtel à Hawaii, on restera pour le suspense, instauré dans une scène d’introduction simple mais d’une efficacité redoutable. Dans un aéroport, un bel homme d’une petite trentaine d'années attend seul son avion. Il semble soucieux. Quand un couple plus âgé l’aborde pour faire la conversation, on apprend que l’homme était en lune de miel, mais aussi que quelqu’un est mort dans son hôtel. Nous n’en saurons pas plus pour le moment. Retour une semaine plus tôt, alors que tout un panel de personnages débarquent au White Lotus, complexe hôtelier ultra cossu de l’île de Maui, dans l’archipel d’Hawaii. Parmi nos protagonistes, nous avons tout ce qu’il faut : une femme vieillissante et célibataire venue disperser les cendres de sa défunte mère, deux jeunes mariés donc, une famille comprenant les parents avec deux adolescents, accompagnée d’une amie de la fille. Aussi, dans le staff de l’hôtel de luxe, nous nous intéresserons particulièrement au directeur, un peu dépassé, et à la responsable du spa, qui aspire à plus. En voici une belle brochette de personnages hauts en couleurs !


Et grâce à cette première scène à la whodunit, dont l’adage en flash forward accompagné du fameux “une semaine plus tôt” est très classique, l'intérêt de la série prend une toute autre dimension. Non pas que ce soit l’aspect le plus intéressant de la série, mais en est une accroche efficace et réellement bien gérée. En effet, comme tout adage, il aurait pu être malvenu ou pire, cheap, mais il n’en est rien. Ne vous détrompez pas, on est pas tout à fait chez Agatha Christie, d’autant que la fameuse mort n’est qu’accessoire à un récit qui ose parler de sujets complexes avec toute une galerie de personnages qui le sont tout autant. Quasiment tous sont blancs, hétéros, fortunés et beaux. Privilégiés, en soi. Et en bonne série de 2021 parfaitement écrite, The White Lotus évoque des sujets riches tels que le colonialisme, l’appropriation culturelle, les addictions, la place de la femme dans la société, les interdépendances, un questionnement sur les sexualités… Tout cela sans pour autant que ce soit plombant. Parce que la série se veut avant tout un divertissement situé quelque part entre le drame et la comédie, dans ce qu’on peut vulgairement qualifier de dramédie. Mais ce qu'accomplit cette série est assez prodigieux, toujours sur le fil d’une sensibilité exacerbée et de situations redondantes et passionnantes. Ce fil (d’Ariane), c’est son ton savoureux, parfaitement maîtrisé, avec des percées tragiques et des questionnements plus terre-à-terre, mais toujours du feel-good et un mal-être occidental mal placé.


Située sur l’île de Maui, empreinte de croyances millénaires et d’une nature toute puissante, qui contrarie parfois les activités de privilégiés de nos protagonistes, The White Lotus bénéficie d'un rythme enlevé, sans temps mort, grâce à une construction particulièrement fluide et astucieuse. L’écriture est en effet opérée par un seul auteur, Mike White, à qui l’on doit les scénarios de Rock Academy et la série HBO Enlightened, mais aussi le film Brad’s Status avec Ben Stiller. Auteur qui officie dans le milieu de la comédie hollywoodienne depuis une vingtaine d’années, White touche avec cette série son œuvre-phare. Il réalise également l’ensemble des six épisodes qui constituent cette première saison (c’était censé être une mini-série, mais le succès a poussé HBO à commander une seconde saison) et s’entoure d’une distribution classieuse : Steve Zahn (Treme, Reality Bites), Connie Britton (Friday Night Lights, American Horror Story), Jennifer Coolidge (American Pie, 2 Broke Girls), Alexandra Daddario (True Detective, Baywatch), Jake Lacy (The Office, Girls), Murray Bartlett (Looking, Tales of the City), Sydney Sweeney (Euphoria), Brittany O’Grady (Star, Little Voice), Natasha Rothwell (SNL, Insecure) et Fred Hechinger (The Woman at the Window, Fear Street).

Mais la véritable star de The White Lotus, c’est Hawaii. Son environnement, sa lumière, ses couleurs, son aura, son histoire, tout est fait ici pour créer une atmosphère hypnotique, sans jamais faire carte postale. Pourtant, avec un regard continental, c’est souvent le cas. Mais le discours de la série, engagé et complexe sur le colonialiste de l’Américain blanc sur les locaux, qu’on déposséde de leurs terres, dénature avec des complexes de luxe, avant de les obliger à travailler sur ce qui en réalité leur terre ancestrale, sacrée même. C’est la force de la série, être woke sans trop en faire, s’auto-critiquer en posant un regard riche sur une certaine idée de sa propre condition, de blancs riches du continent, venant tourner une série sur une île qui ne leur appartient finalement pas. Et les nombreux plans de coupe qui parsèment la série, naturels et organiques, ont une qualité hypnotique, presque panthéiste, sur l’archipel, magnifié par une photographie chaude et toujours bien sentie signée Ben Kutchins (Ozark). Mais ce qui donne à la série son ton, sa fluidité, son identité, c’est bel et bien la musique, tantôt tribale et locale, tantôt atmosphérique et inspirée, par ce génie de Cristobal Tapia de Veer, qui avait composé la musique si reconnaissable d’Utopia. Une partition envoutante qui donne à The White Lotus une dimension folle, alors même que les drames personnels de nos protagonistes se distillent sur six heures de fiction d’une qualité toujours enthousiasmante. Un des highlights sériels de l’année, pour sûr.

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