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CASSE-TÊTE CHINOIS (billet d'humeur)

À l’occasion de la sortie de Salade Grecque aujourd'hui sur Prime Video, suite en série de la saga ciné de Cédric Klapisch, nous avons invité Yohan Faure à écrire sur cette trilogie culte. En résulte des papiers éminemment personnels - mais tout comme le sont ces films finalement. Place désormais au troisième volet des aventures de Xavier & compagnie : Casse-tête Chinois.

Putain c’est vrai ! Merci Schopenhauer !


Cherbourg en 2007, c’était une année décisive. J’avais enfin trouvé ma voie, après une année en perdition à la fac, à déambuler dans les couloirs comme Xavier. Je me retrouvais dans une école de cinéma pour apprendre à écrire et à faire des films. D’où le fait que je me retrouve dans une salle de montage à monter mon exercice de pub, mais surtout à remettre en question tous mes choix de vies, lorsqu’on toque à la porte. Quelques jours auparavant, j’étais comme Xavier au début de la troisième suite de ses aventures. Devant un écran de Mac à tenter d’écrire un texte. Si le jeune gars de 21 ans que j'étais à l’époque savait que 16 ans plus tard il serait toujours en train de faire ça, tenter d’écrire, comme Xavier...


Cette fois-ci, ce n’est pas le 4 décembre 2013 que j’ai vu Casse-tête Chinois. C’est des années plus tard, sur une plateforme de streaming, que je découvre enfin ce film. Je ne sais pas pourquoi je l’ai évité. Le précédent opus était une excuse pour le vrac de ma vie. Regarde, mes choix de merde, c’est comme Romain Duris dans Les Poupées Russes, je n’y peux rien. Comme le train qui avance.

C’est donc en 2016 que je l’ai finalement vu, après des relations plus ou moins sérieuses, et surtout juste après une grosse relation sérieuse. Ça venait de se terminer et j’étais dans un nouvel appartement, seul. Maintenant en région parisienne, maintenant dans le métier, avec plusieurs films sortis et en transition émotionnelle. Encore une fois comme Xavier, plusieurs bouquins sortis, en transit entre l’Amérique et la France, entre Martine et Wendy. Xavier et Wendy ont depuis eu deux enfants, mais ça ne marche plus entre eux. Ils sont devenus ce couple parfait qu’on immortalise en photo.

Le désir s’est estompé. Ce moment de rien où on regarde l’autre s’habiller, juste pour pouvoir apprécier le corps de son amant, de sa maîtresse, de son amour. Ces moments futiles qui sont l’essentiel d’une relation. Envolés, disparus.

Quand Wendy le regarde, il lui demande ce qu’elle a et Wendy répond « nothing ». On comprend au final qu’elle profite de ce dernier moment, ce dernier regard de désir avant de lui dire. Elle veut le quitter, elle a rencontré quelqu’un d’autre. C’est terminé.

"On s’aimait et puis… on s’aime plus."

Dans ce troisième film, il est question d’amour. Le véritable, celui qui est compliqué. Celui d’un adulte qui en a connu plusieurs. Xavier a connu plusieurs amours et c’est le premier qui revient.

Maintenant que l’Union Européenne s’est construite, la mondialisation a avancé, le capitalisme a gagné. Même Martine s’est faite avoir, on ne lutte plus contre, on vit dedans - et maintenant qu’est-ce qu’on fait ? On travaille pour la Chine ! Martine est à New-York pour le boulot et passe voir un de ses plus vieux amis, qui se trouve aussi être son ex. Parce que maintenant Xavier est aux États-Unis, tout comme Isabelle.

Martine rend service à Xavier et lit le premier jet de son nouveau livre. Elle est surprise qu’il trouve la vie si compliquée. Il lui répond « bah regarde ta vie, regarde la mienne ! » puis Martine rétorque une phrase si Martinesque « bah c’est compliqué normal ».

Xavier passe sa vie à compliquer les choses alors qu’en fait, Martine accepte juste et fait avec. L’auteur se prend le chou et râle, la lectrice apprécie tout de façon enthousiaste. Et si c’était Martine qui avait raison depuis le début ? Ils vont prendre l’air et rigolent ensemble, puis d’un coup on arrive à LA scène du film. Xavier fait la vaisselle, Martine se rhabille dans la chambre et là… on voit un homme re-tomber amoureux. Tout est là, quand Xavier regarde Martine s’habiller. Il la trouve belle, il profite à nouveau d’un moment de rien, ce qu’il a perdu avec Wendy.

Niveau artistique, c’est avec deux nouvelles collaboratrices que ce film se fait : Natasha Braier à la photo et Anne-Sophie Bion au montage, tout juste césarisée pour The Artist. Un simple champ/contre-champ en pellicule, sans fioritures, juste nos personnages qui se regardent, et on prend le temps de bien les voir s’aimer à nouveau. Parce que la vie c’est ça, c’est aimer, peu importe comment, on aime des tas de gens, la famille, les amis, les copains, les copines, on aime, les mauvais films, les bons films, comme moi j’aime ces films, le travail de toutes les équipes, les comédiennes et comédiens, Audrey, Cécile, Kelly, Romain et les autres : bravo à vous. Dans ce troisième film, Xavier retrouve son amour de toujours après avoir vécu une vie incroyable, une vie normale pour Martine - puisque c’est la vraie vie.


On était donc en 2007, à Cherbourg, quand j’ai su que j’allais faire ce que je voulais faire. Le raccord sur Final Cut 7 Pro est enfin fait, la souris du Mac tourne dans un rond arc-en-ciel… le Macbook Pro gris rame mais j’ai battu Xavier niveau tech.

On toque à la porte : entrent alors Jean-Pierre Jeunet et Cédric Klapisch.

Mes idoles, diamétralement opposées, mais deux références en vrac dans ma tête. On échange sur mon exercice de pub. Les deux réalisateurs multi-récompensés me conseillent et m’encouragent. Et là, comme Xavier qui parle à Schopenhauer, mon cerveau part loin. Je me revois au tout début, dans la salle obscure le jour de la sortie de L’Auberge Espagnole et cette phrase de Xavier enfant :

"Quand je serai grand, j’écrirai des livres."

Et ma mère à côté de moi qui imite le son du gosse et prononce cette phrase en me taquinant :

"Quand je serai grand, je ferai des films."

Et c'est là que tout s'illumine dans ma tête. Je fais la connexion que je suis en train de réaliser mon rêve de gosse. Le cinéma, ça va être une aventure tumultueuse, mais que ce sera ma vie. C’est pour tout ça que cette trilogie a une place si particulière dans mon cœur. Pourquoi elle a été un véritable déclencheur dans ma vie. Elle m’a libéré et donné envie d’écrire des histoires ; voilà pourquoi je me retrouve aujourd'hui à écrire ces lignes, en remerciant Cédric Klapisch d’avoir créé une œuvre si inspirante et décisive.


Cédric, grâce à vous, j’ai pu poser mes valises, et je serai au rendez-vous le 14 avril pour Salade Grecque.


NDLR : Yohan Faure est un réalisateur et scénariste français, qui a notamment signé deux courts-métrages multi-primés en festivals : Orage par Ciel Clair (2018) et The Fall of Men (2015). Le second a d'ailleurs connu un succès fou sur internet, avec plus de 50 millions de vues à ce jour. Il donne aujourd'hui des cours de mise en scène dans une prestigieuse école de cinéma parisienne, tout en continuant de monter des projets de films et séries.

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