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Jofrey La Rosa

THE UNDERGROUND RAILROAD (critique)

Après Moonlight et Si Beale Street pouvait parler, Barry Jenkins s’attelle à une adaptation du roman éponyme en série : The Underground Railroad. Une œuvre importante et violente sur une quête de liberté et une échappatoire à la servitude. Disponible sur Amazon Prime.

Après trois longs métrages dont un oscarisé, Barry Jenkins cède à l’appel de la série. C’est en adaptant un roman de Colson Whitehead, nommé The Underground Railroad, que le réalisateur de Moonlight passe au format sériel, pour la plateforme d’Amazon, Prime Video. Si son premier long métrage, Medicine for Melancholy (2008) est resté inédit en France, Moonlight a remporté trois Oscars en 2016, dont celui du meilleur film (face à un La La Land qu’on a littéralement annoncé vainqueur au premier abord). Deux plus tard, c’était au tour de son adaptation de James Baldwin, Si Beale Street pouvait parler de faire des étincelles. Jenkins l’a prouvé, c’est un grand cinéaste. Plus que ça, c’est un grand cinéaste noir-américain qui s’interesse profondemment aux questions sociales et raciales de son pays, au travers d’un cinéma ultramoderne mais jamais dénué de classicisme, dans lequel l’amour dépasse toutes les barrières. Place à la mini-série qui nous intéresse ici : The Underground Railroad. Le titre du roman dont est adapté la série éponyme fait référence à un réseau théorique de routes clandestines et d’itinéraires qui avait pour but durant le XIXème siècle de mener des esclaves afros-américains en terre libre, à l’aide d’abolitionnistes adhérant à leur cause.


Dans le roman comme dans la série, le nom de chemin de fer clandestin et souterrain est pris au pied de la lettre. Un réseau souterrain de chemin de fer finement organisé par des abolitionnistes blancs et noirs mènent des esclaves en fuite hors des États du Sud. Allégorique et mystérieux, ce train illustre une légende par un prisme fantasmé et figuratif, mais sans pour autant faire perdre de la puissance évocatrice de son sujet. Car l’esclavage et les ravages de ce système dominants-dominés sur les Afros-Américains s’en ressent à chaque plan, parfois déchirant de violence physique, souvent dérangeant par la violence mentale, toujours sidérant de voir tant de cruauté de la part d’humains - qui plus est sur d’autres humains. En cela, The Underground Railroad est évidemment édifiant, mais ne s’y contente pas seulement. Jenkins explore ainsi durant les dix heures de sa mini-série tout un panel d’émotions et de points de vue sur la violence systémique d’un gouvernement ségrégationniste qui ne voulait pas voir les inégalités se réduire, jusqu’à ce que cette souffrance soit à jamais inscrite dans le sang des Afro-Américains. Et le point de vue d’un Afro-Américain sur cette période honteuse de l’Histoire américaine ne se contente pas simplement de juger ou de constater, c’est en lui-même un acte politique - important et nécessaire. C’est sûrement pourquoi Jenkins décide de conclure chacun de ces épisodes par des chansons modernes, d’artistes afros-américains, ayant toutes un propos politique certain - allant de Marvin Gaye à Michael Jackson, en passant par Kendrick Lamar, Childish Gambino ou Outkast.

Barry Jenkins accomplit quelque chose de grand avec The Underground Railroad, où sa maîtrise audiovisuelle est retranscrite, là, puissante et dure, partout sur l’écran et s’échappant des enceintes. Le résultat de cette mini-série fait forcément penser à la découverte d’un roman. Jenkins aborde son adaptation sérielle de façon très littéraire, donnant une grandeur et une saveur à chaque chapitre - chaque épisode est nommé tel un chapitre. Et c’est là qu’il faut vous déconseiller de binger cette œuvre immense. Laissez reposer chaque chapitre, respirez, réfléchissez, soufflez, retrouvez vos esprits et vos émotions, avant de vous plonger dans le prochain. Chaque épisode étant un monument à lui-seul, qui sidère par sa beauté autant que par la précision de son propos, toujours pointu. Et si la série se permet des digressions de points de vue, en flash-backs épisodiques, on suit durant toute la série l’histoire tragique de Cora, jeune esclave de Georgie, qui s’échappe de sa plantation avec sa meilleure amie Lovey et avec l’aide de Caesar, un puissant jeune homme foncièrement bon et très intelligent. Cora est interprétée par la sud-africaine Thuso Mbedu, véritable révélation de cette série grandiose, là où Aaron Pierre prête ses traits à Caesar. Et on remarque une nouvelle fois la beauté des acteur.rice.s de Barry Jenkins, toujours parfait casting méconnu, dont la splendeur émane à chaque plan, comme toujours soignés venant du réalisateur de Si Beale Street pouvait parler. Sa mise en scène, tout en mouvements lents, ralentis appuyés, jeux de lumières, clairs-obscurs, sombreur assumée, accompagne souvent des plans face caméra d’une beauté esthétique sans pareille, qui contrastent avec la dureté du récit. Cette élégance du geste esthétique, on la connaissait chez Jenkins, mais c’est dans le propos, entre le fantastique et le drame historique, mais dans une forme romanesque magnifique, qu’on le connaissait moins. Ce qui en résulte est immense

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