Un des meilleurs jeux vidéo de la décennie a le droit à un remake sur PS5. L'occasion pour Hugo Gadroy de revenir sur ce chef d'œuvre qu'est la première partie de The Last of Us.
L’un de mes premiers papiers sur PETTRI concernait la deuxième partie de TLOU qui m’avait ébloui alors. Surprise, le premier épisode vient d’être remis au goût du jour selon les nouveaux standards de la PS5. J’étais forcément obligé de m’y replonger, hein, puis comme ça, la boucle est bouclée (c’est faux, je ne vais pas réécrire mon premier papier).
The Last of Hess
Sorti en 2013 en toute fin de vie de la PS3, The Last of Us n’en finit pas de faire parler de lui : il a déjà connu un remaster sur PS4 en 2014, le deuxième épisode est sorti il y a deux ans, un projet multijoueur est en cours de développement et une série télévisée chez HBO va bientôt voir le jour. Pour remettre de l’huile dans la machine et préparer la sortie de ladite série, il fallait bien sortir un remake, cette fois-ci (je pourrais ici me lancer dans des diatribes infinies pour jouer au jeu des sept différences entre un remaster et un remake, mais je ne vais pas le faire parce que c’est un sujet qui me saoule, déso), d’un jeu qui n’a pourtant presque pas pris une ride. Faut dire que sur PS3, et après trois jeux de la série culte Uncharted qui a remis Naughty Dog dans la lumière et l’a propulsé au rang de fier étalon de l’écurie PlayStation, la production a fait l’effet d’une bombe. D’une beauté saisissante, le jeu reprend de son grand frère la science du rythme maîtrisé quasiment de bout en bout, les ruptures et effets de surprise qui viennent sans cesse bousculer nos habitudes de jeu, en y ajoutant une histoire plus sombre et plus sérieuse, et une qualité d’écriture assez rare alors dans le triple A. Qu’en est-il neuf ans après ? La même chose. Ah tchao bonsoir.
Ellie c’est Moon
C’est fou parce que j’ai pris une claque la première fois que j’ai fait le jeu. C’était la première fois qu’on m’en mettait plein les yeux, façon blockbuster américain spectaculaire qui n’a aucune limite pour aligner les effets et peaufiner ses graphismes (j’ai été élevé par Nintendo, qui n’est pas maître en la matière n’est-ce pas, même s’il sait chatoyer ses directions artistiques comme personne). Sans doute la première fois aussi qu’un jeu de cette trempe ne me prenait pas pour un con et osait me raconter une histoire dramatique, avec des personnages intéressants, non manichéens, sans chercher à dresser une morale bienpensante. L’histoire c’est quoi, d’ailleurs ? Une pandémie a décimé l’humanité, des infectés foutent le zbeul et les derniers humains tentent de survivre dans tout ce merdier. Au début de la catastrophe (narrée dans une introduction bluffante niveau justesse de ton et symbolisme), Joël, notre héros, perd sa jeune fille. Quinze ans plus tard, un groupuscule de résistants nommés les Lucioles lui demande de conduire une adolescente, Ellie, dans un laboratoire à l’autre bout du pays, et ce dans le but de développer un vaccin (COMPLOTISTE, pardon). Car oui, Ellie est la seule infectée à ne pas s’être transformée, elle est immunisée (LES DÉCIDEURS, oh ta gueule). S’ensuivent moult et moult péripéties (mais genre vraiment beaucoup), dans lesquelles nos deux compères vont apprendre peu à peu à se connaître, à faire tomber les masques, à digérer leurs peurs et traumatismes, à s’apprivoiser… souvent coûte que coûte en dézinguant à tour de bras humain.e.s et infectées (dont les emblématiques clickers, couverts de pustules, qui réagissent au son).
Rien de bien original vous me direz jusqu’ici (surtout depuis 2019 ah ah…). En effet. Car la grande spécificité de ce jeu ne tient pas tant dans son enveloppe que dans sa capacité à raconter, par le gameplay : une animation du personnage, de l’hors-champ, des phases d’exploration qui se retrouvent chahutées dans leur déroulement habituel parce qu’un personnage est sous le coup de l’émotion, etc. Ces petits détails qui disent beaucoup plus que n’importe quel mot ou cinématiques. Tout transpire ici un narrative design intelligent et cohérent, cette manière de raconter par tous les moyens possibles : textuels, visuels, auditifs, interactifs, environnementaux, etc.
Joël Tonpère
Et donc, 9 ans après ? Bah ça tue. J’ai pris une deuxième claque, clairement. Déjà parce que j’avais un peu oublié le jeu dans ses détails, ensuite parce que la réhausse graphique (et le changement de direction artistique qu’elle implique vers une esthétique réaliste abandonnant les atours cartoonesques du jeu original) renforce énormément tous les éléments narratifs disséminés ici et là : Ellie qui ramasse un jouet, lequel aura une charge émotive quelques scènes plus tard, Joël qui tripote sa montre cassée (que sa fille lui avait offerte) après avoir écouté un audiolog, la démarche et les différentes animations de l’un ou l’autre selon les situations, les expressions de leur visage et j’en passe. J’ai juste redécouvert au plus près et dans les moindres recoins chaque élément de ce road trip infernal et de cette relation père-fille qui se développe sous mes yeux. Alors c’est sûr, 9 ans après, j’ai grandi, j’ai pris du galon, des histoires de bras longs. Je n’ai pas le même regard qu’à l’époque, je suis plus attentif, plus minutieux dans mon rapport et dans ma réception de l’œuvre. Mais j’ai quand même la sensation que ce toilettage XXL a fait le plus grand bien à ce jeu intemporel, qui semblait pourtant bien propre encore.
Eh bah ouais je n’ai pas parlé des 80 euros nécessaires pour profiter de cette merveille, je laisse ce « débat » à d’autres, comme celui de l’utilité ou non de ce remake, comme celui de la différence entre remake et remaster, comme toutes ces marottes fatigantes et irrésolvables (sauf celui du prix si votre budget est limité, mais c’est un débat beaucoup plus large que celui qu’on entend en général au niveau JV). Ce que je retiens donc, c’est l’aboutissement d’une merveille vidéoludique, une version gonflée à bloc, idéale pour (re)découvrir un récit tout aussi intime que violent, qui a profondément marqué et qui marque encore le jeu vidéo. Entre TLOU : Part I et moi, ça a cliqué.
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