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Hugo Gadroy

THE LAST OF US (critique S1)

Ça y est, le dernier épisode de la série est enfin sorti, après un peu plus de deux mois à attendre religieusement chaque lundi. Clap de fin donc pour une première saison ambitieuse qui aura fait moult émules dans nos cœurs, brisant enfin, peut-être, la malédiction des adaptations de JV.

THE LAST OF US : HBO MET LA MAX


HB Oh my God!

Bon, autant le dire tout de suite : j’ai dans l’ensemble bien kiffé cette aventure. J’y ai trouvé un matériau de base plus que respecté, de sublimes décors magnifiés par des jeux de lumière toujours plus spectaculaires et des acteurices montrant un jeu de très grande qualité (genre vraiment). Et puis, bon, moi j’y connais pas grand-chose au 7ème art, mais il y a quelques plans très graphiques qui forcent le respect (des plans que j’ai voulu prendre en screenshot mais, comme je suis né de la dernière pluie, je me suis rendu compte qu’on ne pouvait pas…). Si je devais résumer mon ressenti : c’est tout simplement une œuvre splendide que j’ai adoré découvrir au fil des semaines, qui plus est via un mode de consommation que je n’avais pas réalisé depuis longtemps. Plutôt adepte de l’épisode quotidien with le plat de pâtes, j’ai pu ici mieux digérer le récit et me reconstituer une petite hype chaque semaine.


Niveau récit justement, je trouve que Craig Mazin et Neil Druckmann (le papa du JV qui a épaulé Craig à l’écriture de la série) s’en sortent très bien. Il y a des ajouts bienvenus qui approfondissent les personnages et le lore, des clins d’œil peu appuyés (mais pas toujours : coucou le colosse de l’épisode 5), des scènes-clefs du jeu vidéo (tantôt reprises à l’identique, tantôt réimaginées), et une bonne gestion du suspense et de la progression narrative… malgré un rythme en deçà, avec trop d’épisodes qui placent le récit en parallèle de l’aventure principale (globalement : un épisode sur deux). Je n’irai pas jusqu’à dire que sont des épisodes filer car ils servent tous, à leur manière, la narration, la compréhension de ce monde et, surtout, la relation Joël-Ellie. Sauf que, paradoxalement, ce choix structurel provoque un rythme tellement haché que j’ai eu l’amère sensation de ne pas assez voir Joel et Ellie à l’écran, alors que toute l’intrigue tourne autour d’eux. Début de l’épisode 7 (un long flashback qui correspond au DLC du jeu), j’ai même ouvertement gueulé devant mon écran parce qu’on m’arrachait à mon duo préféré, again. Mais c’est une pirouette structurelle que j’imagine nécessaire pour ne pas aller trop vite sur le récit global, vu que l’enjeu essentiel du JV est de vivre l’avancée de cette relation sur des dizaines d’heures, et notamment à travers des scènes de gameplay qu’on ne peut pas avoir ici, par définition.

« OK super ta vie, et par rapport au jeu vidéo ? » est la question qui brûle les lèvres d’au moins un.e Français.e sur mille. Eh bien, c’est très solide, même si le premier épisode m’a laissé froid. Une installation longue, des dialogues et une mise en scène reprises à l’identique, ou des nouveautés peu inspirées qui repompent trop largement les poncifs du cinéma d’horreur : autant d’éléments qui m’ont fait regretté instantanément l’incipit du jeu vidéo (qui pour moi reste une sommité en termes de rythme et d’écriture), tout en me laissant perplexe face aux ambitions de la série. J’ai repris ensuite des couleurs avec le deuxième épisode qui se permet quelques sorties de route, notamment en prenant le temps d’approfondir le lore et d’imaginer des flashbacks pré-pandémie pour expliquer pourquoi c’est le zbeul (une caractéristique de la série très cool qu’on retrouvera quelques fois, mais pas assez à mon goût).

Infect me with your lovin'

Et puis vint l’épisode 3, celui qui a gagné mon cœur. Un épisode qui se concentre exclusivement sur deux personnages secondaires du jeu, Bill et Franck, dont la relation était à peine brossée, mais qui jouissent ici d’une relecture merveilleuse (et je pèse mes mots). 1h15 pour un épisode-film en huis-clos qui va retracer toute la relation amoureuse de ces deux personnages, sans jamais en faire trop, sans être lourdingue, en réémaginant avec une justesse confondante des pans de vie entiers du personnage de Bill, et ce sans jamais le trahir. Franchement, j’étais sur le cul au générique (et j’ai mis du temps à sécher mes larmes) devant tant de flow : Nick Offerman déjà, grandiose, qui campe extrêmement bien le personnage de Bill jusque dans des mimiques hyper crédibles ; le setting ensuite, doux, intime ; l’aspect contemplatif et la lente rythmie enfin d’un épisode qui met toute la série sur pause, après deux épisodes seulement… Clairement l’une des œuvres audiovisuelles les plus fortes de ces derniers temps, pour ce qu’elle représente en elle-même, mais aussi par rapport au jeu vidéo. Car c’est par cet épisode que la série prend sens, qu’elle s’assume enfin, comme étant davantage une relecture qu’une adaptation +++.

Une ambition qui connaîtra dans les épisodes suivants des hauts et des bas, avec des personnages revisités plus sobrement (le duo Henri et Sam, ici pensé comme étant sourd), un flashback avec la mère d’Ellie (jouée par Ashley Johnson, l’actrice du JV), un Joël humanisé (j’y reviens bientôt) et… un personnage inédit à l’utilité franchement discutable (big up Kathleen). Si on met de côté ce personnage de méchante froide et sanguinaire qui tient des discours de méchante froide et sanguinaire tout en cherchant à avoir de la couleur (avec l’affreuse scène de sa chambre d’enfant, grrr) : oui, les modifications et ajouts font mouche. Je note quand même une tendance globale à vouloir humaniser tout le monde, surtout Joël comme dit : il use de légitime défense face au sniper de l’épisode 5, exprime des doutes sur ses capacités à protéger Ellie, explique ne pas aimer tuer, etc. Autant d’éléments complètement absents du JV qui préfère lui dresser une courbe exponentielle dans la violence et la dégénérescence progressive du personnage. Le hic, c’est que la série parvient à la même conclusion, et j’aurai préféré, comme pour le reste, qu’elle amène une alternative plus personnelle.


The Last in Translation

La question à poser maintenant, c’est : combien de litre d’eau pour le boulghour ? Ah non pardon, c’est pour autre chose, ça. La vraie question : est-ce que la série pouvait traiter autrement ses personnages (excepté Kathleen, tu peux rentrer chez toi) ? J’évoquais plus tôt l’évincement des séquences de gameplay, qui fait perdre beaucoup de la relation infraordinaire de nos deux héros, via les petits dialogues qui ponctuent notamment certaines scènes de shoot ou d’exploration. Cette disparition détruit aussi un principe inhérent au JV : celle de la déconnexion entre l’action et le dialogue, entre ce qui est dit et ce qui est joué (pour le dire pompeusement : la fameuse suspension d’incrédulité qui fait que l’on peut dézinguer des ennemis à tour de bras tout en étant un cool kid). Impossible alors de montrer des séquences de shoot interminables avec un Joël déterminé à protéger sa fille adoptive coûte que coûte sans que ce soit perçu comme too much et incohérent, dans cet univers comme vis-à-vis des personnages en eux-mêmes.

Et ce qu’on perd dans cette relation et ce traitement, on le gagne logiquement dans la cinématographie des lieux et événements. Dans la contemplation de la ville de Jackson dans l’épisode 6 par exemple, avec ce côté très western autarcique d’une part, et de l’autre l’intégration d’éléments très crus avec la cup menstruelle qu’Ellie manipule à l’écran. Même chose plus globalement dans les différents modes de survie et de corporation avec les personnages croisés : le survivalisme isolant de Franck et Bill, le fascisme tyrannique de la Fedra avec Kathleen (bouuuuuuh), le communisme de Jackson, autant d’éléments qui approfondissent le lore de cet univers tout en conférant une vision plus sociologique que dans le jeu vidéo, où ce matériau était davantage utilisé à des fins narratives (pour relancer l’intrigue) ou de gameplay (en offrant des variations de level design par exemple).


The Last of Us en série, c’est un grand oui. Avec ses acteurices de talent, ses décors sublimes, ses plans grandioses (ça se voit que je ne sais pas parler de cinéma ou bien ?) : le show montre de très beaux atouts malgré un rythme global en dents de scie. Osef, le show a surtout le bon goût de dresser une jolie relecture du jeu vidéo jusqu’à en devenir sa complémentaire-santé, créant une cosmogonie qui plaira à tout fan de l’univers. Je sais pas vous, mais moi j’ai hâte d’avoir mon jeu de société The Last of Us, mon parc d’attraction The Last of Us, mon jeu vidéo tiré du film tiré du jeu vidéo The Last Of Us… Foutu capitaliste. Une bonne pandémie ça nous ferait du bien aussi tie… Ah, fuck.


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