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Hugo Gadroy

STRAY (critique)

Sorti il y a à peine deux semaines, Stray est un événement dans le mondu du jeu vidéo. Évacuons tout de suite ce qui doit tout de suite être évacué : oui, dans Stray, on joue un chat. Un félin, un quadripède poilu trop mignon sur lequel on pourrait passer des heures à s’extasier sur Instagram parce que, je sais pas si vous avez remarqué, mais c’est hyper mignon un chat. Rien que le mot "chat" d’ailleurs, sonne comme un doux rayon de soleil rasant qui vient éclairer votre visage somnolant en plein été, allongé.e que vous êtes dans votre belle villa cannaise. Bravo, vous êtes riche.

C’est mia housse de couette

Mais revenons plutôt à nos chats et au setting original de notre jeu. Dans un environnement post-apocalyptique où la nature a repris ses droits et où la présence humaine ne semble plus faire loi, notre petit minou se réveille d’une sieste bien méritée (c’est faux, on sait tou.te.s que ça fout rien ces bêtes-là) et décide d’aller se promener avec ses copains. Pas de chance, un saut malhabile le fait tomber de très, très haut pour se retrouver au beau milieu d’une ville décrépite, ambiance cyberpunk, avec des robots effrayés par sa présence au premier abord. L’objectif est simple, il faut trouver le moyen de remonter à la surface, à travers des phases alternant énigmes (avec objets à dénicher et confier à la bonne personne pour avancer), et phases de course-poursuite dans lesquelles de vilaines créatures cherchent à nous faire la peau, le tout aidé par notre compagnon de fortune, B-12.

ET DONC, OUI, ON JOUE UN CHAT !!! On saute, on miaule (il y a une touche dédiée !!!), on se frotte aux jambes des robots, on peut faire des siestes (sérieusement, bouge-toi le cul un peu Félix), on est tout doux et hyper gracieux. Et franchement, ça le fait. Chat à l’air con hein (promis je fais pas ça jusqu’à la fin), mais incarner un tel avatar change vraiment les perspectives de jeu. On n’observe pas du tout les décors et le level design de la même manière lorsqu’on s’immisce pour la première fois dans cet univers. On ne s’accapare pas l’espace de la même manière non plus. Ici tout est grand, les rapports d’échelle sont atypiques, on lève souvent la caméra par réflexe pour avoir une vision d’ensemble… C’est assez inconfortable. On évolue dans un monde qui n’est clairement pas construit, pensé, fonctionnel pour nos délicates patounes de félin flemmard. Puis on se rend compte qu’on peut sauter. Partout. Toujours plus haut, en un rien de temps. Et le rapport d’échelle change alors, l’inconfort laisse place à l’adrénaline lorsque l’espace est maîtrisé, dominé, d’une manière jamais expérimentée en JV pour moi jusqu’ici. S’élever en quelques secondes au-dessus d’un immeuble de quatre étages puis sauter de toit en toit en miaulant comme un dératé a quelque chose de grisant (COMME LES CHATS LA NUIT, LOL) en soi. Rien que pour cette sensation, cette appréciation originale du level design, Stray est déjà une réussite.

L’ambiance, l’esthétique, c’est la seconde réussite du jeu. Les lumières, les couleurs, les tableaux sont absolument sublimes, toujours dominé par une teinte forte pour asseoir l’ambiance générale, tantôt bleutée, tantôt rougeâtre, toujours assumée dans la saturation pour flatter nos rétines nyctalopes. Les décors sont soignés, les environnements grouillent de vies et de détails, et le studio BlueTwelve est parvenu malgré la rareté des lieux à créer un univers convaincant et solide, sur fond de cyberpunk (léger), d’hyper surveillance répressive et de robots imitant sciemment ou non des comportements humains (je mets tout ça en vrac parce que c’est présent sans être approfondi, souvent à peine évoqué, mais ça suffit à donner une couleur à l’ensemble). Enfin, en dehors de son aspect esthétique, Stray excelle aussi par son ambiance sonore (composée par Yann Van Der Cruyssen), qui sait quand éveiller la tension, épouser la rythmique narrative ou se taire pour accompagner à merveille chaque action que l’on effectue. Beaucoup d’électronique, évidemment, cyberpunk oblige, mais dieu merci très peu (voire pas du tout ?) de synthwave typée 80’s fantasmée à l’envi et ad nauseam depuis quelque temps. Plastiquement et musicalement parlant donc : c’est un sans-faute. Chatpeau (shy five !).

Là où le chat blesse

Alors, évidemment, tout n’est pas que croquettes et pâtés de poisson frais, gratouilles sur le ventre et ronrons par milliers. Non. Un chat, ça chie aussi devant la litière quand c’est vexé en te regardant droit dans les yeux, et ça pisse sans vergogne sur le tapis si c’est stressé ou simplement parce que t’as eu l’infâme audace de ne pas répondre à ses exquises gratouilles incessantes et ses doux bruits de miaulement derrière la porte de ta chambre, à 5h30 du matin, après une nuit d’insomnie. Con.ne d’humain.e. Alors, qu’est-ce qui ne va pas dans Stray ? Le miaulement, justement. Parce que, oui, c’est rigolo d’avoir une touche dédiée, et on apprécie l’effort de motivation ludique : on nous explique que miauler permet d’attirer l’attention des ennemis. Dans les faits, ces derniers n’étant présents que lors des phases de course-poursuite, il est beaucoup plus naturel de recommencer les niveaux aux checkpoints façon die & retry et d’exploiter au mieux le level design pour les esquiver (celui-ci étant d’ailleurs construit pour nous pousser à la réaction-réflexe en changeant sans cesse notre trajectoire au dernier moment). Un gadget, du coup, passé les 15 premières minutes de : "Awwwwwwww miou miou potichat d’amour awwwwww" *bave bave. En soi, c’est pas grave d’avoir un jeu linéaire, classique mécaniquement parlant (j’en suis friand et ça fait du bien d’avoir parfois des enjeux, un scope moins denses et moins lourds). On ne peut demander à chaque œuvre de réinventer la roue, c’est sûr (j’aurai pu écrire « chat ch’est sûr » mais je l’ai pas fait !).

Mais dans le cas de Stray, j’en suis quand même sorti avec une petite frustration, vu l’originalité de son concept et le soin apporté au world building. J’aurai aimé que cette fameuse touche me permette de tisser des liens, de résoudre des énigmes, d’interagir. Pourquoi pas paraphraser l’interface classique des FPS moderne (la roue des armes), par exemple, avec différents types de miaulements, pour en faire un moyen de communiquer avec B-12 et les PNJ ? Il m’est souvent arrivé de me balader dans la ville et de miauler ici et là pour voir si des événements spéciaux avaient été prévus, toujours en vain malheureusement. Alors certes ça n’aurait pas été le même jeu, c’est plus de taf, et c’est sans doute une belle idée de merde qui aurait été irréalisable et incohérente avec le reste du jeu (va comprendre le langage animal déjà, au-delà de ce qu’on y projette). Puis c’était peut-être tout simplement pas l’objectif. Mais je ne peux pas m’empêcher de me dire que le studio aurait été au bout du concept (disons d’un concept) en allant dans cette direction. C’est quoi, être dans la peau d’un chat ? Comment se faire comprendre par des humains alors que les méthodes de communication et les langages sont si différents ? Mieux encore, se faire comprendre par des robots qui jouent aux humains ? Qu’est-ce qui se passe si soudainement on me retire des éléments élémentaires de game design auxquels je suis habitué (le simple fait d’appuyer sur un bouton par exemple pour interagir avec quoi que ce soit), simplement parce que je ne joue pas un être doué d’une conscience humanoïde ? Je me dis que ça aurait été chouette, plutôt que d’avoir un avatar original, admirablement animé, prometteur, mais fonctionnant finalement en jeu comme n’importe quel autre.


De toute façon, c’était mieux avant. Oups pardon, ça c’est la conclusion d’un article pour Le Figaro. Nan, malgré la petite frustration que j’ai ressentie en posant la manette (après avoir une dernière fois fait miauler ma créature virtuelle, faut pas déconner), Stray reste une expérience merveilleuse, mervilleusement soignée, milleusement attachante, miaousement léchée, miaou cool, miaou miaou miaou, miaou. Miaou.

[Merde, iels sont peut-être allé.e.s au bout de leur concept, en fin de compte.]

[Nourris-moi, humain.e].


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