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Jofrey La Rosa

NEWPORT BEACH (THE O.C.) (critique)

Dernière mise à jour : 17 août 2021

Le teen-drama Newport Beach est majeur ! Le premier épisode a en effet été diffusé pour la première fois il y a 18 ans jour pour jour sur la chaîne américaine Fox et il est bon de revenir sur cette série importante de l’âge d’or des séries qu'auront été les années 2000. Attention, spoilers.

Newport Beach est le nom français de The O.C. Sûrement parce que pour nous, O.C. ça ne veut rien dire. Et quand bien même on savait que ça signifiait Orange County, ça ne nous parlerait pas forcément plus. Newport Beach est une ville du comté d’Orange en Californie, et c’est cool, ça sonne ensoleillé, riche et sexy. Et ça l’est. Mais c’est surtout une communauté fortunée et côtière, majoritairement blanche et républicaine, qui roucoule sous le soleil californien dans de grandes villas avec piscine à débordement en sirotant un vin blanc dans des soirées mondaines où tout n’est qu’apparences. Une certaine idée de l’Enfer. Et en 2003, quand on a demandé à Josh Schwartz, jeune auteur d’alors 26 ans, de créer un drama adolescent, il s’est inspiré de ses propres expériences, pas si lointaines, pour dépeindre une jeunesse dorée, mais superficielle - mais avec un twist. Et ce twist, il a d’abord deux facettes : ses deux personnages masculins et ado. Ryan et Seth ne pourraient pas être plus différents. Pourtant, ils n’appartiennent pas à l’idée qu’on se fait de la jeunesse de Newport Beach. Le premier est un jeune délinquant de Chino, ville dépeinte comme malfamée et rude, entraîné dans des combines de vols par son grand frère, avec un père aux abonnés absents et une mère à la ramasse. Seth a certes été élevé à Newport, mais il s’y sent en décalage : il aime les jeux-vidéo, les comics et les films asiatiques, n’ose pas parler aux filles et se complait dans ses névroses. Fils d’un avocat juif SJW et d’une magnate très WASP, il ne correspond pas aux carcans de cette société très fermée. Et quand Sandy, son père, recueille un gamin dans le besoin à la porte de la prison, il s’ouvre et s’emancipe peu à peu. Ce gamin, c’est évidemment Ryan, qui après un vol de voiture capoté avec son frère Trey, qui va lui purger une peine de prison (et qu’on reverra plus tard à la faveur d’un recast), a le choix entre la prison pour mineurs ou la famille d’accueil que lui propose son avocat aisé.


Un conte moral s’il en est, ce début de série pour ados a tout pour déchaîner les foules, un Beverly Hills nouvelle génération avec un twist : la lutte des classes. Évidemment, rien de marxiste ici hein, mais du cœur et du conflit en pagaille, qui ne va cesser au cours des quatre saisons et 92 épisodes qui composent cette série qui fera date. Mais pourquoi a-t-elle tant marqué les esprits ? Parce qu’à l’instar de Beverly Hills ou Dawson, Newport Beach berça le quotidien de toute une génération d’adolescent.e.s, dans un mélodrame constant, mais où règne aussi parfois le sarcasme comique et le second degré, d’abord par le personnage de Seth, puis au fil du temps par d’autres ajouts ou divergences : Julie Cooper, Bullit, Che ou même Taylor. Si Julie comme Taylor commençaient par être des connasses de haut vol, leur personnages évoluèrent de façon significative pour devenir chargées de détendre l’atmosphère et ayant des sous-intrigues plus légères ou carrément comiques. Et pourtant, niveau personnages, il y en a pour tous les goûts. Que ce soit le rebelle mystérieux Ryan, le geek névrosé Seth, la populaire alcoolique Marissa, la bimbo complexe Summer ou même les figures parentales tour-à-tour douce (Kirsten), protectrice (Sandy), superficielle (Julie) ou à la ramasse (Jimmy), tous les personnages principaux ont des archétypes qui seront mis à mal durant près d’une centaine d’épisodes peu farouches en péripéties et retournements de situation, tantôt subtils et étonnants (la mort de Caleb), tantôt absurdes et aberrants (Johnny en saison 3 est probablement le pire personnage de la série).

Commande d’une série sur des ados sexy de Californie. Schwartz prend son point de vue de nerd de la East Coast venant à l’Ouest pour les études, et axe sa série sur les outsiders, Ryan le pauvre jeune homme d’un quartier défavorisé à la famille à problèmes, et Seth, le weirdo privilégié aux tendances sociales perturbées. L’un comme l’autre n’arrivent pas à s’intégrer, mais s’en sortent tout de même mieux à deux, même si c’est toujours compliqué. Donc au lieu de donner à la chaîne un pur Beverly Hills, Schwartz leur a vendu un hybride avec une bonne touche de Freaks & Geeks ou Angela, 15 ans. Toute la série semble s’articuler autour de la famille Cohen, les hauts et les bas du mariage entre Sandy et Kirsten, mais surtout la balance entre la sincérité du drame atwoodien constant et l’étrangeté pop de Seth : c’est là que The O.C. tirera sa qualité première, dans l’opposition et la fusion fraternelle de ces deux personnages antagonistes mais complémentaires. De plus, l’excellent pilote de la série, réalisé par Doug Liman (Swingers, La Mémoire dans la peau, Edge of Tomorrow) et produit par McG (Charlie’s Angels, Terminator Salvation), emprunte autant à Oliver Twist qu’à Cendrillon. Entre Chino et sa colorimétrie désaturée à la caméra portée et le glamour stylisé de Newport Beach, la série a déjà fait son choix. Mais le commentaire social est doux-amer, comme si Newport était à la fois le Salut et une certaine idée de l’Enfer. Complexe donc de saisir le véritable commentaire des showrunners sur leur sujet, tant The O.C. est ambivalent. Mais au fil du temps, on se rend compte que beaucoup de personnages s’enfuient de Newport, justement parce que la ville les corrompt (Anna, Jimmy, Lindsay, Luke). Et au final, les Cohen finissent par quitter Newport, pour devenir heureux à jamais… La réponse était donc là depuis le début. Newport a permis à Ryan de rencontrer les Cohen, mais ils étaient tous destinés à quitter cette terre maudite - et ce grâce à un acte quasi divin : un tremblement de terre.


Et en parlant de divin, parlons musique. C’est un des piliers de The O.C., si ce n’est LE pilier. Et la bande-originale est une extension de l’amour que Seth porte au indie rock, pop-folk du début des années 2000. Et même si Seth est l'élève le moins populaire de son lycée, la série le codifie comme le mec cool. Ce qu’il aime, c’est ce qui est bon. Du coup, on se retrouve avec une arborescence de chansons folles, où l’on a découvert pléthore de groupes géniaux, mais aussi avec certaines avants-premières (Coldplay, U2, Beck, Beastie Boys, Imogen Heap) à mesure que la série gagnait en popularité. L’influence de la série sur la scène musicale conduira les auteurs à créer un lieu entier dédié en saison 2, le Bait Shop, une salle de concert où Seth travaillera, y rencontrera Alex, une fille interprétée par ni plus ni moins qu’Olivia Wilde, avec qui il aura une relation, avant qu’il ne laisse sa place à Marissa. La série aura donc la bonne idée, dès 2004, d’ouvrir les yeux à l’Amérique à la bisexualité, et même de l’appliquer à un de ses personnages principaux. Dans le Bait Shop, on verra des lives de Death Cab for Cutie, Modest Mouse, The Killers, The Subways (entre autres) en plus que du live de Rooney en saison 1. Gérée par l’inénarrable Alexandra Patsavas, la musique de Newport Beach agit avec un génie sans pareil, et aura éduqué toute une génération de spectateurs à la bonne musique contemporaine.


On a déjà dit que les goûts de Seth étaient catalogués dans la série comme le must : c’est pourquoi son amour pour les comic-books et les films de ‘la marge’ (à l’époque) dans une série du début des années 2000, au moment ou les adaptations pointent à peine le bout de leur nez, marketé pour des jeunes filles de 16 ans, c’est assez incroyable. Seth Cohen aurait-il aidé à la popularisation de la nerd culture? C’est indéniable. D’autant plus si on se penche sur certains noms de scénaristes de The O.C., qui venaient ou iront en territoire bédéesque, où si l’on compte les digressions dialoguées ou narratives autour de l’univers, osant même un triangle amoureusement entre Seth, Summer et Zack, un brillant et beau geek jouant au water-polo, comme si Seth et Luke avaient fusionnés. Durant un épisode, on nous rejoue l’histoire de l'œuf de Risky Business ; George Lucas vient même passer une tête le temps d’un épisode et parle de… American Graffiti à Seth (pas de Star Wars, étonnant non?). Des choses bien loin de l’image de ce que l’on fait des préoccupations des jeunes filles ciblées par la série. Souvent, la série se permettra même des commentaires méta, allant jusqu’à créer The Valley, méta-série mimant The O.C. dont Summer est fan (et avant que les Lonely Island ne la parodie avec The ‘Bu). Il y a même un épisode à Miami où Sandy cite la chanson “Miami” de Will Smith alors que la chanson se joue, on ne peut plus pointu !

Chacune des quatre saisons a une couleur particulière. Elles sont toutes marquées par leur époque, leur(s) antagonistes, leurs personnages secondaires et sous-intrigues, les ados qui grandissent et évoluent - et leur épisodes de Chrismukkah. Et le défaut de Newport Beach aura été d’être à son meilleur lors de sa première saison. Durant les premiers épisodes, Schwartz et son équipe ont mis en place leur pions, fait leurs paires de personnages et à la fin de la saison, les couples sont formés. Évidemment, par la suite, tout ne sera pas rose et les séparations/réconciliations seront légions, mais le spectateur sait bien que chaque love interest ne sera qu’une étape passagère dans la progression amoureuse des personnages, qui reviendront ensemble à un moment donné. Du coup, la première saison s’articule entre l'acceptation de Ryan chez les Cohen, du point de vue du jeune adolescent, de la famille, mais aussi des instances sociales de la ville (le lycée, les amis et les voisins). On peut facilement cataloguer les époques de l’intrigue globale par des arcs narratifs, souvent liés aux antagonistes/amours de Ryan : l’arc Luke, l’arc Oliver, l’arc Theresa, l’arc Lindsay, l’arc Trey, l’arc Johnny, l’arc Sadie, l’arc Volchok.

Ce n’est que dans la très réussie saison 4 que les cartes sont redistribuées, suite à la mort de Marissa. En effet, à défaut d’antagonismes la concernant, Ryan se retrouve face à lui-même (et son deuil). Cependant, on y retrouve des traces de cet autopilotage narratif quand il sort avec Taylor et que celle-ci est en instance de divorce avec un français très archétypal. Le triangle amoureux est de retour, mais assez brièvement, et avec une légèreté qu’on ne connaissait pas avec Marissa. Parce que le grand problème de la série dans son ensemble aura sûrement été Marissa, un personnage qui tourne en rond, qui fait constamment des choix incompréhensibles et de mauvaises décisions, tout en étant englué avec les pires personnages. Bref, quand la série trouve sa rédemption en tuant Marissa, Newport Beach renaît de ses cendres. On est alors dans une belle comédie, avec des trouvailles, de l’entrain et de vrais rires, et pourtant saupoudrée d’un deuil certain pour tous ces personnages, qui ont perdu un être cher à un jeune âge. La saison 4 est très différente du reste de la série. Elle est déjà plus courte, 16 épisodes contre les 25 habituels. Chaque épisode semble motivé par une force propre, avec des concepts, des propositions visuelles, et des arcs narratifs moins dramatiques, plus digestes, plus fun aussi. En résulte une réussite plus douce, qui aime ses personnages et s’amuse avec, tentant de nouvelles choses, parfois pour le meilleur (Taylor, Che, Bullit, le finale), parfois un peu bancales (le tremblement de terre c’est sympa mais un peu abusé). Mais on a le droit à un braquage (pour sauver une marmotte), des hallucinations, des visions sexy, une réalité alternative, de la narration non-linéaire, un épisode-catastrophe… Ah oui, et nous avons le droit à un cameo de Michael Schur (The Office, Parks & Recreation, Brooklyn Nine-Nine, The Good Place) et d’une partition folle de la future star Chris Pratt (Gardiens de la Galaxie, Jurassic World). Incroyable saison.


Pour résumer, en plus d'être un teen-drama millénaire, Newport Beach est donc une comédie fine et une satire certaine. Les comédiens sont vraiment bons, Adam Brody et Rachel Bilson en tête chez les jeunes, Peter Gallagher et Melinda Clarke chez les parents. Et sa soundtrack, dotée de morceaux pop, folk et indie rock, est simplement folle. Revisiter la série une fois adulte, c’est avoir un tout nouveau regard dessus, sur ses personnages et ses intrigues, pour y découvrir des sensations moins vives mais plus réfléchies. Et même s’il est difficile d’arriver à bout d’une saison 3 morne, redondante et longue, les autres valent vraiment le coup d’œil, ou de s’y repencher, pour le fun, les personnages et le DRAMAAA. Une série importante, tout simplement.



Newport Beach (saisons 1 à 4) est disponible en streaming sur Amazon Prime Video et MyCanal, ainsi qu’en DVD chez Warner Home Video.


Et en bonus, une playlist comprenant toutes les chansons passées dans la série :


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