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Jofrey La Rosa

LOVE (critique)

Dernière mise à jour : 11 juin 2021

Succès d'estime sur Netflix, Love est une série qui a eu le droit à trois saisons sur la plateforme de streaming. Une série menée par deux leads complexes et produite par Judd Apatow. À rattraper d'urgence ?

Quand commence Love en 2016, c’est la première (et pour l’heure la seule) fiction de Judd Apatow pour la plateforme Netflix. Cette série est créée par Apatow donc, mais aussi en collaboration avec le couple Paul Rust (I Love You Beth Cooper, Pee-wee's Big Holiday) et Lesley Arfin (Brooklyn Nine-Nine, Girls). En effet, Rust et Arfin sont mariés à la ville et s’inspirent de leurs propres expériences en tant que jeune couple à Hollywood pour dépeindre leurs protagonistes de Love. Et si Paul Rust interprète lui-même son alter-ego Gus, c’est Gillian Jacobs (Community) qui joue Mickey, le pendant féminin de cette comédie romantique sérielle. Et si elle est drôle, Love se veut aussi réaliste, dépeignant des personnages avec leurs failles certes, mais aussi de réelles tares morales. Gus est un roublard égoïste et menteur peu sûr de lui, tandis que Mickey est une addict au sexe et à l’amour, mais aussi à toutes sortes de drogues, en plus d’être elle aussi très autocentrée. La dépression est aussi un sujet traité frontalement par une série finalement pas si feel-good que ça, même si ça peut aussi faire partie de sa tonalité globale.


Durant ses 34 épisodes étalés sur trois saisons durant lesquelles la série se bonifie, les auteurs semblent ne pas avoir peur de rendre leurs personnages antipathiques - et pas seulement les deux principaux. En effet, les personnages secondaires sont nombreux, tous avec leurs attributs, bons comme mauvais. Prenons pour exemple Greg (Brett Gelman), le patron de Mickey, animateur radio qui se prend pour un psychologue de renom, et qui se fait fi des conventions en voulant coucher avec Mickey. Et quand il arrive à ses fins, il lui reproche ensuite de l’avoir utilisé, faisant jouer de son influence de supérieur puis se retrouve plus tard dans une situation en demande. Toutes ces dynamiques narratives, rondement menées, ne cessent de renouveler l'intérêt de cette série durant ses trois saisons réussies. Le fait que ça se passe à Los Angeles joue aussi beaucoup dans l’identité visuelle (peu marquée, très “filmée”) mais surtout caractérielle de Love : tous les personnages ont un rapport avec l’industrie du divertissement. Gus est prof de plateau pour des enfants-star, Mickey productrice de radio, leurs amis sont cascadeurs, monteurs, acteurs, scénaristes… Durant le cours de la série, on en apprend davantage sur ces personnages complexes, successivement adorables et détestables, parfois même dans la même scène. Finement écrite par des scénaristes de The Office, Parks and Recreation, Girls ou New Girl, Love est aussi réalisé par des personnalités intéressantes du paysage comique et audiovisuel américain : Dean Holland en premier lieu, ponte de la série comique US, mais aussi la regretté Lynn Shelton (Humpday, Laggies) Michael Showalter (The Big Sick), Maggie Carey (The To-Do List), John Slattery (Mad Men), Steve Buscemi (The Sopranos, Portlandia), Joe Swanberg (Easy, Drinking Buddies), Nisha Ganatra (Late Night, Transparent) et même Judd Apatow lui-même le temps d’un épisode.


Malgré son aspect au premier abord feel-good, cette série n’est pas aisée à regarder. Les plus ou moins grandes tares de ses personnages, que ce soit Gus et Mickey ou les personnages secondaires, sont en effet un peu un rollercoaster émotionnel pour le spectateur, qui ne sait qui “aimer” et peut même s’énerver. Comme Bertie (la coloc de Mickey), Randy (un ami de Gus qui sort avec cette dernière) ou même Syd, une de ses plus vieilles amies qui lui reproche ses addictions et son attitude ne correspondant pas à la sienne, jeune mère de famille. En effet, les addictions, la dépression, le narcissisme ordinaire de tous ces personnages réalistes et faillibles, transforment tour à tour nos protagonistes en antagonistes, dans un va-et-vient constant de point(s) de vue d’attachement, en fonction des rebondissements de cette histoire d’amour, une relation en construction. Toutefois, Love trouve un ton juste et propre pour raconter la complexité simple d’une relation toxique mais viable entre deux êtres en constante évolution, qui trouvent peu à peu un apprivoisement qui leur permettra de prétendre à une stabilité de couple. Et c’est dans cet endroit indicible que Love est une belle série, justement parce qu’elle est mal aimable et ambivalente.

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