Série-événement de cette rentrée 2022, la première saison des Anneaux de Pouvoir vient de toucher à sa fin sur Prime Video. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette série labellisée Le Seigneur des Anneaux a partagé autant les fans de Tolkien que les nouveaux.elles venu.e.s. Verdict de Jofrey La Rosa pour PETTRI.
Comme je l’avais plus ou moins fait entendre dans notre format hebdomadaire Fast&PETTRI à chaque sortie d’épisodes, je suis mitigé sur l’état actuel de The Rings of Power. Cela ne veut pas dire que la série est ratée, au contraire, ni même qu’elle n’est pas capable de résoudre ses soucis, puisqu’il ne s’agit que sa première saison. Apparemment, Amazon et le Tolkien Estate auraient tablé sur minimum cinq saisons pour mener à bien l’histoire de ce Deuxième Âge, et il semble limpide après les huit premières heures qu’on vient simplement d’assister aux prémices d’une aventure bien plus grande. Mais revenons un peu en arrière. Après les deux trilogies signées Peter Jackson (Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit), Jeff Bezos rachète les droits d’adaptation du Silmarillion pour en faire une série. Et voici qu’après un long et fastidieux développement coûteux (on parle de 465 millions de dollars pour cette simple saison 1), Les Anneaux de Pouvoir arrive enfin sur la plateforme Prime Video. Sorte de contre-programme à la série-évènement de HBO House of the Dragon, dérivée quant à elle de Game of Thrones, la série labellisée Le Seigneur des Anneaux essuie les plâtres de la comparaison.
Impossible en effet de ne pas se laisser tenter par le face-à-face entre les deux grandes séries du moment, diffusées en même temps, sur des plateformes concurrentes, toutes les deux dérivées et se situant avant l’action de matériaux bien connus du public, dans des univers de fantasy médiévale. On sait aussi que George R.R. Martin, l’auteur culte du Trône de Fer, n’a jamais caché son admiration et son inspiration pour le travail de J.R.R. Tolkien. De quoi mettre les deux séries en un-contre-un, quand bien même il n’y ait pas tant d’autres points de comparaison possibles. En effet, si la série de HBO se concentre sur la dynastie d’une famille au pouvoir, Les Anneaux de Pouvoir a la tâche ardue de présenter toute une galerie de personnages hauts en couleur, en diversité dramatique, et éparpillés partout en Terre du Milieu. En cela, The Rings of Power rappelle beaucoup les travers des premières saisons de Game of Thrones, dont l’éclatement narratif imposait au spectateur une certaine rigidité émotionnelle et un investissement proche du néant.
Mais cessons ici définitivement la comparaison malsaine entre un modèle sérielle et un modèle littéraire qui se répondent, pour nous concentrer sur les réelles qualités et les défauts certains de cette première saison de The Rings of Power. Vous préférez quoi, les qualités ou les défauts d’abord ? Je ne peux pas lire vos pensées à travers ce texte, mais comme vous êtes sur internet, je suis prêt à parier qu’assoiffé.e.s de sang comme vous êtes, vous voulez bitcher. Alors commençons par le pire. La série est ennuyante. Purement et simplement, on se fait chier la plupart du temps. On est au-delà des huit heures de métrage à l’issue de cette saison 1, et tout cela aurait pu rentrer dans un volet d’un film de Peter Jackson. La multiplication des personnages et des lieux n’aident pas à la fluidité narrative, qui stagne complètement en milieu de saison, notamment à Númenor, avant un sursaut, aussi furtif qu’inespéré, en épisode 6. Les personnages sont chiants. On a du mal à s’attacher à elles et eux puisqu’on nous raconte leurs histoires que par bribes, dans un systématisme de rétention d’informations rageant, hormis le fabuleux personnage de Galadriel, magnifiquement interprétée par la perle de cette série : Morfydd Clark, vue dans Saint-Maud et His Dark Materials. Mince, il faut que je garde des qualités pour plus tard, c’est pas comme s’il y en avait des pelletées… Revenons aux scories donc : la réalisation est plate au possible. On appréciera les percées de merveilleux et l’application à dépeindre l’univers, mais sinon c’est plan-plan, bien loin de la vivacité généreuse de la vision de Jackson, même dans les Hobbit, déjà pas jojo. Associée à un rythme mortifère et une narration assommante, on a pas de quoi rugir de plaisir.
Et pourtant, la direction artistique de la série est complètement irréprochable. Tant les décors que les costumes, les effets spéciaux numériques ou la lumière, tout semble beau à l’œil du spectateur, créant une immersion aisée dans une fantasy parfois un peu trop didactique pour ravir les besoins d’adultes venant chercher leur dose de nuance dramatique chez des personnages trop lisses. Les scénaristes ne peuvent pas trop bouger les lignes de personnages parfois installés dans un lore trop grand pour son bien. Pourtant, le casting assure plutôt globalement, même s’ils n’ont pas grand chose à se mettre sous la dent, mis à part l'interprète déjà citée de Galadriel, mais dont la mono-obsession du personnage (répétée ad-vitam) barbe à la longue. Autre point grandement positif, c’est la musique originale de Bear McCreary (Battlestar Galactica, Outlander) qui arrive à donner une dimension épique et une réelle profondeur à l’histoire se déroulant (lentement) devant nos yeux, dans une composition riche, qui arrive à rivaliser avec celle d’Howard Shore, qui œuvrait sur les films de Peter Jackson, et qui est ici crédité sur le thème musical du générique (très beau d’ailleurs, mais chiant, à l’image de la série).
En définitive, The Rings of Power est une série à combustion lente, et il faudra apprendre à être patient.e, quitte à se planter, pour apprécier toute la grandeur d’un récit dont on connaît pourtant l’issue (l’inconvénient perpétuel des prequels). Mais je pense qu’il ne faut pas en attendre trop, et savoir appréhender le forgeage d’un ensemble de saisons, représentées par les anneaux du titre, jusqu’à une apothéose probable, des soubresauts ça et là sur la route… L’espoir est permis en tout cas. Voilà donc une critique (il me semble) nuancée, qui ne vont pas se bousculer, puisqu’elles vont, je pense, se partager entre le dithyrambique et la détestation. Mais que voulez-vous, il semblerait que je sois plus subtil que Tolkien…
Je vous laisse avec en bonus, mes petits paragraphes hebdomadaires succincts (Fast&PETTRI sur nos réseaux) et consacrés à chacun des épisodes de cette première saison certes imparfaite, mais néanmoins digne d’intérêt. Je n’y ai pas retouché à posteriori.
1.01 : “A SHADOW OF THE PAST”
Étonnamment, ce premier épisode des Anneaux de Pouvoir est une grande réussite. Après un prologue des plus soignés et promettant un relatif moment de paix en Terre du Milieu, on prend le temps de nous présenter (à nouveau) toute une galerie de personnages, éparpillés autour de menaces plus ou moins persistantes. Dans un bel écrin à mi-chemin entre les deux sagas de Peter Jackson, la série semble toutefois trouver un style qui lui est propre, avec la construction des premières saisons de Game of Thrones, la qualité et le budget clinquant des dernières. Très très hâte de voir la suite.
1.02 : “ADRIFT”
On comprend déjà mieux où la série veut nous emmener avec ce deuxième épisode, plus fun et moins dans l’exposition. On identifie davantage les différents groupes de personnages, tous reliés par la menace qui rôde d’un retour de Sauron, et le tout reste non seulement digeste, mais divertissant. Attention, nous restons loin de la singularité de la saga du Seigneur des Anneaux de Jackson, mais pour un produit d’appel, Les Anneaux de Pouvoir fait pour l’instant le taf et assure le spectacle à tous les niveaux.
1.03 : “ADAR”
Un épisode de transition qui met en place beaucoup des pions et des enjeux pour la suite des événements, qui s’annoncent plus complexes qu’il n’y paraît, et surtout épiques par nature. La direction artistique continue d’être aussi soignée que classieuse, même si un peu impersonnelle et automatique. La musique de Bear McCreary fonctionne quant à elle à plein régime, tandis qu’on en découvre plus sur les personnages et les relations entre peuples, et que la menace grandit peu à peu. Certes la série est loin d’être parfaite, mais elle a les jambes pour devenir une réussite.
1.04 : “THE GREAT WAVE”
Un peu embêté de continuer la comparaison, mais c’est flagrant. Les Anneaux de Pouvoir a tous les travers des débuts de Game of Thrones, l’ennui et l’éclatement narratif, tout en ayant les avantages de sa fin, soit un budget pharaonique qui se voit à chaque image. L’ennui est donc bel et bien présent, et on peine à s’abandonner dans ces personnages et leurs sous-intrigues, dont l’implication dans la plus grande histoire pédale dans la semoule. La rétention d’informations et de spectacle à son paroxysme. Mais restons optimistes, j’ai bon espoir pour la suite !
1.05 : “PARTINGS”
À nouveau un épisode de transition, encore un peu bavard mais plus prenant que le précédent. Et si les auteurs temporisent, une impression de surplace à la clé, c’est pour mieux définir leurs (trop) nombreux personnages. Ils s'étoffent et gagnent en complexité, alors qu’ils apprennent les enjeux qui planent au-dessus de leurs têtes, que le spectateur connaît depuis le prologue. Pas fou donc. Mais les acteurs assurent le job et surtout Bear McCreary envoie du lourd côté musique originale, définitivement un des grands atouts de la série. Comme d’hab, hâte de voir la suite, mais avec de la retenue…
1.06 : “UDÛN”
Ça s’accélère un peu en Terre du Milieu ! Après un début de saison un peu timide et une mi-saison molle, Rings of Power prend davantage de poids en termes d’action et de spectacle. Les enjeux se mettent enfin pleinement en marche, les personnages se rassemblent et le récit devient ainsi plus digeste, plus intéressant et plus émotionnel. Le résultat est réjouissant, la musique de McCreary au top, Morfydd Clark (Galadriel) est géniale. Assurément le meilleur épisode jusqu’à présent. Et encore une fois, très hâte de voir la suite !
1.07 : “THE EYE”
Après une nette amélioration la semaine dernière, retour à une formule plus transitoire pour ce pénultième épisode de la première saison de The Rings of Power. On nous installe des choses, nous promettant monts et merveilles, mais l’attente est longue et l’ennui prédomine. Pourtant, la direction artistique et la musique ont de quoi nous faire patienter, mais le tout est trop sage, trop lisse, trop convenu. Et pas assez généreux. Cependant, on ne peut pas leur reprocher de ne pas savoir faire de cliffhanger, puisque comme d’hab, hâte de voir la suite, pour le grand (?) finale de cette saison…
1.08 : “ALLOYED”
Suite et fin pour cette saison 1. Un petit finale, à l’image d’une première fournée d’épisodes assez morne et ennuyante, même pas capable de livrer un climax correct et spectaculaire, quand bien même la direction artistique reste irréprochable. En guise de cadeau, nous n’avons que les non-révélations des identités de Sauron et d’un autre grand personnage du lore, qu’on avait deviné depuis un moment, tant l’ennui s’était installé. Reste la musique de Bear McCreary et la parfaite Morfydd Clark (Galadriel), deux piliers dont la série ne pourra se passer en saison 2, qu’on espère consistante maintenant que les antagonismes sont en place et les pions narratifs présentés. L’espoir n’est pas mort, mais pas de quoi célébrer pour l’instant.
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