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Jofrey La Rosa

FARGO (critique S4)

Dernière mise à jour : 24 oct. 2021

Fargo revient avec une quatrième saison totalement décomplexée, mais aussi plus politique et très réussie.

Fargo fait trop peu de bruit à chaque saison. Mais il faut croire que des gens la regardent, puisque cette série anthologique en est désormais à sa quatrième saison. Et à chacune d’entre elle, cette adaptation sur petit écran du film éponyme des frères Coen prend en effet le parti de raconter une histoire différente, conclue au terme de la saison, mais se déroulant dans le même univers fictionnel, tout comme le font American Horror Story ou True Detective. Parce que oui, malgré la mention “tiré d’une histoire vraie” au début de chacun des épisodes, Fargo est une pure fiction. C’était déjà le cas dans le film de 1996 et ici, le créateur et showrunner de la série, le génial Noah Hawley (Legion, Lucy in the Sky) joue encore avec ces mentions de vraisemblances, pour donner un aspect réel à ces récits parfois bien over-the-top.


Si la première saison gardait la sève (et la réussite) du film des Coen, Hawley prend ensuite des distances parfois bien senties, parfois non, dans deux saisons en deçà, mais néanmoins qualitatives, avant de revenir très en forme avec cette saison 4, se déroulant cette fois à Kansas City en 1950. On y suit les luttes successives de pouvoir entre différents clans, dans un environnement qui sent bon l’Americana. Dans la séquence d’introduction de cette saison, on assiste à un ballet des traditions entre les clans mafieux de la ville, qui pour coexister paisiblement, s'imposent une étrange passation : ils échangent leur plus jeunes fils, pour garantir que l’autre famille se tiendra bien à carreaux, au risque que leur fils n’en payent le prix fatal. Cette tradition dont on verra très vite la limite quand se succèdent les familles juives, irlandaises, italiennes puis afro-américaines à la tête de la ville. C’est en effet ces dits-fils qui vont être à la fois le point d’orgue émotionnel et le nœud narratif d’une saison très réussie, la meilleure depuis la première.


Dans cette saison, nous suivons l’affrontement entre deux clans : les Italiens, nouvellement menés par deux frères en opposition (Jason Schwartzman et Salvatore Esposito) d’un côté, les Noirs de Chris Rock de l’autre. Ce jeu de pouvoir entre mafias est le centre névralgique d’un récit incluant aussi une famille mixte de croque-morts, une infirmière psychopathe et deux prisonnières en fuite. Et si l’écriture est précise et souvent étonnante, la mise en scène l’est tout autant, gorgée de moments géniaux, à l’éclairage soigné et au montage toujours bourré de trouvailles. Hawley expérimente une fois de plus les split-screens, après les nombreuses séquences de Legion, mais d’une façon beaucoup plus réflexive et lancinante ici, qui donne une vraie profondeur à certains passages. Mais c’est bien les personnages et les acteurs qui intéressent le showrunner. Pour mener cette tragédie, il prend notamment deux comédiens plus habitués aux comédies, Jason Schwartzman (The Darjeeling Limited, Funny People) et Chris Rock (Top Five, Grown Ups, Down to Earth). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’un comme l’autre tirent non seulement leur épingle du jeu, mais aussi le récit vers ce qu’il a de plus équilibré, entre l'âpreté des événements et leur côté plus pitoyable. Si le second degré est toujours présent, la saison a tout de même de réels moments tragiques. Les personnages sont toujours très finement écrits, et nous avons même le droit à de vrais épisodes en apesanteur. C’est le cas du premier, véritable ballet qui met parfaitement en place les personnages et intrigues du récit au long cours, et d’un magnifique neuvieme épisode, en noir en blanc, suivant deux fils en fuite, dans une relation de protectorat et d’échange qui prouve la bonté de certains de ces mafieux souvent sans foi ni loi. En prime, cet épisode prend le parti pris de referencer directement Le Magicien d’Oz, la saison se déroulant bien évidemment le Kansas, mais aussi pour son utilisation d’un superbe noir et blanc et par son passage à la couleur, sa tornade et la casquette rouge du petit Satchel rappelant les souliers de Dorothy. En outre, la conclusion de la saison prouve une fois de plus si c’était nécessaire que Hawley, son équipe et Fargo n’a pas dit son dernier mot. Une saison 4 géniale, plus politique et passionnée, belle et inventive. On n'en demandait pas tant.

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