Alors qu’on fête le premier anniversaire du raz-de-marée qu’a été Elden Ring, il est temps de réparer une injustice cruelle de laquelle le monde va enfin pouvoir se remettre : voici pour vous, chez PETTRI, un papier sur le mastodonte. Même si tout a été dit.
Elden Ring : j’irai danser le Miyasaki
Elden Ringo Starr
Après quatre ans d’attente depuis son annonce, après un très bon Sekiro en 2019 qui faisait office d’amuse-bouche en attendant le lourd, Elden Ring s’est imposé en maître. Dans les tests, sur Twitch, sur les touches des claviers, il a bouleversé Internet tout entier (si si) et trusté les conversations des mois durant. Résultat, quelque 20 millions d’exemplaires vendus (chiffre tout juste annoncé), carton plein et aucun doute possible désormais : Elden Ring a fait date comme un certain Dark Souls en 2011, marquant au fer rouge une industrie et une palanquée de jeux revendiquant une philosophie similaire. Miyasaki, instigateur des soulslike, a trouvé son haricot magique, et a fait de From Software une véritable poules aux œufs d’or. Welcome, good hunter.
J’ai connu à peu près Demon’s Souls vers 2010, et découvert la formule en 2011 avec vous-savez-qui si vous avez suivi. J’ai accroché très rapidement, et j’attends fébrilement chaque nouveau jeu de la firme depuis. Le contexte est posé, reste plus qu’à dire que, comme beaucoup, j’ai pris ma claque le 25 février 2022 en découvrant le gigantisme du monde qui s’offrait devant moi. J’en ai pleuré. C’était trop beau, trop grandiose, toutes les attentes étaient comblées. Toutes ? Non, quelques irréductibles résistaient à l’envahisseur, mais on y reviendra. Pour le moment, il me faut insister sur la DINGUERIE de cette direction artistique, qui offre à chaque seconde des panoramas époustouflants, des couleurs chatoyantes, des ambiances marquées, des waow, des « mais nan ? » et des « … ». Tout est beau, le world building fouillé… la créativité déborde de partout. Un an après ? Je pense que c’est ça qui le plus marqué. Je me souviens de chaque zone comme une multitude de tableaux qui me hantent encore par leur atmosphère, par leur couleur criarde. Toute ses architectures qui me toisent de leur grandeur. Je revis à l’envi l’une de mes plus belles expériences vidéoludiques : la fameuse descente interminable d’un ascenseur d’apparence lambda, quasi gagesque, jusqu’à découvrir une immense zone souterraine offrant à perte de vue des édifices antiques, le tout sous un splendide ciel étoilé qui m’a laissé scotché comme rarement. C’est ça, Elden Ring. Des surprises esthétiques, de l’inattendu, tout le temps, partout.
C’est aussi une magnifique transposition de la formule des Souls en open world, avec moult activités, sans doute très vite canonisées (des grottes, des catacombes, des tours magiques, des églises en veux-tu en voilà), permettant d’augmenter ses stats, de trouver des sorts, d’upgrader ses armes, etc. Avec un très fort accent mis sur l’exploration (beaucoup plus que dans les autres Souls qui aimaient déjà les ramifications et détours pour trouver des objets) et surtout, surtout, une approche recentrée sur le.a joueur.euse, en ne distillant aucune info, en le.a laissant se faire sa propre expérience et ses propres découvertes, à l’instar d’un certain Breath of the Wild. 5 ans après ce dernier, et toujours aujourd’hui, Elden Ring est peut-être l’une des rares grosses productions qui a cherché à reproduire une expérience entièrement détournée des poncifs de l’industrie, pour se recentrer sur le jeu actif (au contraire des ubisofteries qui mâchent le travail et demandent d’accomplir objectifs sur objectifs pour remplir des jauges : je ne juge pas, c’est simplement pas le jeu vidéo que j’aime).
Il faut rester From Software
Elden Ring, c’est aussi le premier From Soft à aller dans le sens de l’accessibilité, à vouloir accueillir le plus grand nombre (les chiffres parlent d’eux-mêmes). Alors oui, le scénario reste obscure, c’est la marque de fabrique (sortez votre bac+6 en cryptologie ou une vidéo de 4 heures pour bien comprendre que de toute façon, tout se résume à perpétuer un cycle ou le briser, comme d’hab). Autres marques de fabrique : les surprises qui nous mettent en danger, certains boss bien retors, les pièges ou encore les rires démoniaques des PNJ à l’accent so british. Mais plusieurs choix de game design, comme la possibilité d’invoquer des bêtes pour nous épauler, la multiplication des checkpoints, ou encore l’ouverture du monde et l’exploration suppriment pour beaucoup la notion d’obstacle, en permettant toujours d’aller voir ailleurs si j’y suis pour se renforcer. Ce dernier élément m’a d’ailleurs quelque peu déstabilisé, et m’a fait regretter une partie de l’intérêt que je porte à cette formule : le choix du monde ouvert rend en effet l’équilibrage et la courbe de difficulté quasi impossibles à contrôler, rendant le tout un peu moins éprouvant lorsqu’on est atteint de collectionnite comme moi. J’ai ainsi régulièrement eu l’impression d’être dans un rapport boulimique avec le jeu, me gavant de contenu en roulant sur les zones, tant j’avais largement de quoi faire niveau potions de soin, efficacité des armes et armures, etc. (attention, je ne suis pas en train de dire que je suis un crack, hein). Autres déceptions : ces nombreux boss trop peu intéressants, ou ce gameplay trop proche des Dark Souls car, l’une des raisons pour lesquelles j’adore ce studio, c’est qu’il cherche en général à instiguer, dans chacun de ses jeux, une grammaire vidéoludique originale, nous demandant de déconstruire des habitudes de jeu pour mieux réapprendre : Bloodborne, Sekiro, je pense à vous les frérots. Mais soit. Vous savez quoi ? Peu importe mon ressenti et ces déceptions, alors que j’ai pris un pied fou à parcourir ces lieux. Un an après, j’ai pardonné, fermé les yeux et appris à rêver, j’ai accepté qu’on avait là affaire à quelque chose d’autre. Surtout, peu apporte mon ressenti quand des millions de gens ont pu découvrir cette potion magique. Quand on se retrouve face à une œuvre qui pose de nouvelles bases, pour From Software comme pour les autres.
Un an après, c’est un jeu qui continue de faire parler de lui (au moins jusqu’à la sortie en mai de Tears of the Kingdom, la suite de Breath of the Wild, de la licence The Legend of Zelda… bref, cette phrase est interminable juste parce que je viens de me rendre compte qu’il y avait un pattern dans la nomenclature des jeux chez Nintendo). C’est un jeu qui a happé tout le monde, avec sa DA, son univers, sa liberté d’exploration. Il a été pour certain.e.s une porte d’entrée formidable dans cette philosophie de game design, pour d’autres une jolie transposition de cette même formule en monde ouvert. Pour tou.te.s, le plaisir de gambader et de s’émerveiller, malgré ce côté un brin too much à bien des égards tant il est interminable, tant il multiplie les activités, les zones, les boss, le stuff, etc. (je suis une streameuse qui n’a toujours pas terminé son let’s play, un an après). Et à présent que cette formule n’est plus de niche, maintenant que tous les yeux seront portés sur le prochain move du studio, peut-être qu’on aura une suite un peu plus recentrée niveau gameplay et équilibrage, tout en conservant cette logique d’inclusion. Peut-être qu’on aura un jeu de moins grande envergure, à la Sekiro, sans concession. Ou peut-être quelque chose de radicalement différent. J’en sais absolument rien évidemment, mais j’ai hâte.
Elden spleen et conclusion
Déjà le premier anniversaire et pourtant, c’était comme hier. À toi, Elden Ring, qui a mis tout le monde KO sur le ring, je dédie ce poème à la gloire de tes magnifiques paysages, à ta chevauchée sans fin parmi monts, marais et rivages. Toi qui malgré l’âge de ta formule, s’érige en véritable émule d’un certain Zelda, au péril certain de porter ta croix. Déjà un an que mes yeux et mon temps tu as ravis, provoquant en moi les plus ravissants émois. Bref, quelques mots saints mais moisis pour te dire mille mercis, Miyasaki-san.
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