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BOYGENIUS - THE RECORD (critique)

Cinq ans après un premier EP acclamé et des carrières qui n’ont fait que décoller, le supergroupe Boygenius se reforme pour un album sobrement intitulé The Record. Voici donc L’Article sur The Record par Noémie Contant pour PETTRI !

Je l’ai dit en long, en large et en travers, mon amour pour Julien Baker sur l’article consacré à son album Little Oblivions. Je n’ai pas forcément été aussi vocale sur mon amour, pourtant bien présent lui aussi - j’ai un très grand cœur -, pour Phoebe Bridgers et Lucy Dacus. Phoebe Bridgers, qui m’a explosé le cœur avec The Funeral tout comme elle a explosé une guitare en jouant I know the end au Saturday Night Live. Lucy Dacus dont le morceau Night Shift est une véritable merveille inattendue, tout autant que son couch tour (alias maintenir des concerts malgré deux hernies discales, en jouant allongée sur un canapé).


Maintenant que les pendules sont remises à l’heure, on peut entrer dans le vif du sujet. Celui d’une amitié très forte entre ces trois très grandes artistes, parfaitement complémentaires. Une amitié déjà à l'œuvre dans les 6 morceaux de l’EP éponyme, une parenthèse presque enchantée pour les fans de ces trois artistes prolifiques. On pensait ne plus avoir de nouveaux morceaux, condamnées - et quelle condamnation - à s’agenouiller en boucle sur le solo de Julien Baker sur Salt in the wound et à tenter d’harmoniser sur les voix de Ketchum, ID. Et pourtant nous voilà 5 ans plus tard (et quelques 4 nominations aux Grammy awards pour Phoebe Bridgers), à avoir non pas 6 mais 12 morceaux. L’humanité peut peut-être être sauvée finalement.


Et The Record reprend là où boygenius nous avait laissés. L’EP se finissait par les trois voix mêlées autour d’un micro sur Ketchum, ID : l’album commence par ce même aspect purement rétro via Without you without them, déjà représentatif de leur lien très fort : “Who would I be without you / Without them ?” se demande Lucy Dacus. Une belle question introductive pour nous envoyer tout droit dans leur univers.


Changement d’ambiance radicale cependant sur $20, mené principalement par Julien Baker. Si on la connaît principalement pour des chansons plutôt posées et déprimantes, on oublie qu’elle a commencé dans l’univers punk hardcore et a notamment réalisé un duo avec le groupe post-hardcore américain Touché Amoré. Je n’irais pas jusqu’à dire que $20 est hardcore : mais elle est parfaitement menée par des riffs bien placés et une batterie accompagnant à merveille la montée progressive, de la voix qui se casse, de la tension qui monte et explose. Tension apaisée par Emily I’m sorry de Phoebe Bridgers et sa mélancolie qui sait toujours bien toucher en plein cœur, qu’elle soit dans sa carrière solo (l’imparable Moon song) ou accompagnée par les voix de Dacus et Baker, soutenant doucement l’ensemble.


Si la complicité du trio n’a pas changé entre les deux albums, la notoriété, oui : couverture du Rolling Stone Magazine (avec une très belle référence à la couverture de Nirvana), programmation à Coachella… Mais aussi collaboration avec Kristen Stewart qui signe sa première réalisation avec un court métrage lié à l’album, appelé - eh oui -, The Film. Et c’est bien la partie sur le morceau True Blue, mené par Lucy Dacus, qui fera sans nul doute le plus parler d’elle et très probablement causer quelques AVC chez la communauté queer. Mais il serait dommage de spoiler…

Sorti un peu plus tôt, le clip de Not strong enough est plus sage et recèle de moments d’intimité et d’amitié entre les trois artistes. Et s’il y a des morceaux où il est assez évident de déceler quelle artiste a un lead (les arpèges de Revolution 0 : Phoebe Bridgers, les riffs plus francs de Satanist : Julien Baker, les entrelacements de voix et les arrangements soignés - et les références à l’astrologie - de We’re in love : Lucy Dacus), ce n’est pas si simple sur ce morceau. Il ne ressemble pas véritablement à un style caractéristique des trois : il est juste purement, simplement, un vrai bon morceau d’indie rock/pop. Le refrain reste en tête et - chose rare pour ces artistes - il met même presque de bonne humeur malgré ses paroles : I don’t know why I am / the way I am / Not strong enough to be your man. Il est la quintessence de boygenius (stylisé sans majuscule) : des bons gros riffs et une bonne batterie à la Julien Baker, une structure inattendue et progressive à la Lucy Dacus et une pincée d’humour à la Phoebe Bridgers.


Plus loin, Satanist reprend cette même marque : des bons gros solos, des voix qui se répondent, des cris (on soupçonne un recyclage des cris de I know the end de Phoebe Bridgers), une tension permanente… Puis un apaisement. Agrémenté par des réflexions sur le nihilisme et un certain engagement : “Will you be an anarchist with me ? Sleep in cars and kill the bourgeoisie”. Les membres de boygenius se retrouvent en effet sur des thématiques communes : Baker et Dacus ont toutes deux grandi dans le Sud des Etats-Unis dans une famille croyante, Bridgers a eu de la difficulté à faire accepter sa bisexualité à sa mère, toutes sont engagées sur des causes sociales. Satanist n’est bien sûr pas la chanson la plus engagée au monde, mais elle témoigne d’une certaine préoccupation envers le monde qui nous entoure et la problématique de vouloir être vue, entendue.


Après un récit d’expérience de mort imminente après avoir failli se noyer lors d’une session d’écriture en Floride sur Anti-Curse, c’est Letter To An Old Poet qui clôt l’album. Menée par Phoebe Bridgers, le morceau fait de nombreuses références à Me and my dog sur l’EP, que ce soit par une thématique similaire (une relation toxique avec une personne qui semble être dans le milieu artistique) ou plus frontalement dans les paroles : “I’ll go up to the top of our building / And remember my dog when I see the full moon”. De même, la tonalité sur le “I wanna be happy” est la même que sur le “I wanna be emaciated” de Me and my dog. Un clin d'œil qui n’est pas dû au hasard : après 3 minutes en tension, on entend des applaudissements qui clôturent le morceau et l’album. Il s’agit des applaudissements tirés d’un concert à New York lors de la première tournée, spécifiquement ceux sur Me and my dog. Ayant fait de la thérapie de trouple (eh oui) pour préparer l’album, les artistes ont dû citer un moment représentatif de ce qu’elles souhaitaient préserver de leur relation : c’était celui-là. Les lumières qui descendent, le public qui reconnaît le morceau aux premières notes et laisse exploser sa joie, les voix qui se mêlent parfaitement, l’intensité qui augmente.


Malgré les thématiques qui peuvent être dures, il y a une profonde énergie et une joie qui ressortent. De celles qui sont inouïes, qui découlent d’un lien pur entre trois personnes qui s’encouragent, se stimulent mutuellement et expérimentent. Not strong enough ne ressemble à aucun autre titre d’une des trois carrières solos. True Blue fait dire à la si polie Julien Baker “You fuck around and find out”. La mélancolie de Phoebe Bridgers sur Revolution 0 s’en retrouve encore plus forte accompagnée par ces deux voix de talent.


Nous n’avons pas besoin d’Avengers, nous n’avons pas besoin de multiverse. Le seul cross-over dont nous avons besoin, c’est Boygenius. Ou, à la rigueur, que Courtney Barnett décide de les rejoindre. Peut-être en 2028 ?


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