Le 10 janvier 2016, David Bowie disparaissait. A l’occasion de ce triste anniversaire, Noémie Contant a tenu à vous parler sur PETTRI de l’album-concept (ou concept album en anglais), dont Bowie a été l’un des fers de lance via son célèbre personnage Ziggy Stardust. Un point de départ pour égrener d’autres concept albums marquants mais moins connus ou évidents, du punk au rap, de Green Day aux Casseurs Flowters en passant par Sufjan Stevens.
En 1972, après l’excellent Hunky Dory et ses emblématiques morceaux comme Changes ou Life on Mars, David Bowie sort The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars, une pépite glam rock avec de très nombreux morceaux imparables, marquant l’histoire du rock à jamais. Parmi eux, le bien évident Ziggy Stardust : au-delà de son riff de guitare emblématique, il marque car il nous présente le héros principal de cette histoire relatée par l’album.
Mais comme c’est Bowie, ce n’est jamais tout à fait limpide : on comprend que Ziggy Stardust est un musicien, qui joue avec les Spiders from Mars. Ça, ok. Puis petit à petit, on comprend qu’il est une sorte de nouveau messie. L’humanité n’a plus que cinq ans, comme le premier morceau nous l’annonce, et c’est à Ziggy de la sauver. C’est le Starman, sulfureux et androgyne, que tout le monde attend. Mais, comme c’est Bowie bis, cela ne se passera pas comme ça. À la manière d’une tragédie grecque, Ziggy n’a qu’une seule issue : la mort, qu’il atteindra à base de sex, drugs and rock’n’roll bien évidemment.
Le procédé n’est pas tout à fait nouveau : c’est ce qu’on appelle un concept album, soit des albums avec des morceaux qui suivent une trame commune, que ce soit une histoire élaborée, un concept se retrouvant dans tout l’album, des personnages, etc. Dans les grands classiques, on peut citer bien évidemment les opéra-rock Tommy et Quadrophenia des Who, The Wall des Pink Floyd, etc. Ici je vous propose de parler de cinq concept albums moins connus, ou moins connus en tant que concept album !
American Idiot - Green Day
On est d’accord, cet album-là tombe plutôt dans la seconde catégorie. American Idiot, et notamment son titre éponyme, est très connu, mais on ne sait pas forcément qu’il suit la trajectoire d’un personnage principal. Ce personnage, c’est le Jesus of Suburbia, révolté face aux années Bush junior et au consumérisme de l’Amérique, et qui décide de s’enfuir de chez lui lors d’un morceau décomposé en 5 parties. Dans son périple, il y rencontre la tête brûlée Jimmy (St Jimmy), l’amour avec Whatsername (She’s a rebel, Extraordinary girl) et, bien évidemment, la drogue (Give me novacaine). Hélas, l’herbe n’est pas plus verte qu’ailleurs et le Jesus of suburbia est bien contraint d’y retourner lors du morceau Homecoming, lui aussi décomposé en 5 parties. De loin le meilleur album de Green Day, depuis également devenu une comédie musicale jouée à Broadway depuis 2009.
Everybody down - Kae Tempest
Quel.le incroyable artiste que Kae Tempest. Très connu.e pour sa poésie et ses rap/spoken word, iel a également sorti son premier roman en 2016, Ecoute la ville tomber. Mais ce roman, acclamé par ailleurs, découle de son premier album, Everybody down, sorti en 2014 et nommé au Mercury Prize. On y suit plusieurs personnages vivant à Londres, évoluant parmi les fêtes, les galères et… la drogue, eh oui. Parmi eux, Becky, danseuse ne vivant pas de son art, contrainte de faire des massages avec parfois des happy ends pour survivre. On la suit dans tout cet album, parlant ainsi addiction, travail du sexe, relation toxique, etc. A écouter puis à lire, ou à lire puis à écouter, au choix.
Illinois - Sufjan Stevens
Après des thèmes plutôt durs, voici un peu de légèreté avec Sufjan Stevens et des titres si longs qu’ils feraient un chapitre à eux tout seuls (To the Workers of the Rock River Valley Region, I Have an Idea Concerning Your Predicament, and It Involves Tube Socks, a Paper Airplane, and Twenty-Two Able-Bodied Men - ceci est un seul titre -, A Conjunction of Drones Simulating the Way in Which Sufjan Stevens Has an Existential Crisis in the Great Godfrey Maze). Après Michigan en 2003, l’artiste continue sur sa lancée sur les États américains avec Illinois en 2005. Il y référence des lieux et personnalités emblématiques de l’État, que ce soit le tueur John Wayne Gacy, Jr ou le jour férié local Casimir Pulaski Day. En plus sobre, Chicago est clairement à écouter et est par ailleurs le générique de la série de Ryan Murphy The Politician. J’ai cependant le regret d’annoncer qu’il n’y a pas 48 autres albums-concept de Sufjan Stevens sur les États-Unis.
Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowters - Casseurs Flowters
Inutile de présenter Orelsan et, depuis le documentaire Montre jamais ça à personne, plus vraiment besoin de présenter Gringe non plus. Ami de toujours, c’est avec lui qu’Orelsan rappe pendant qu’il est encore réceptionniste de nuit. Ce que le documentaire de Clément Cotentin nous raconte, Orelsan le faisait déjà lui-même dans le film Comment c’est loin en 2015. Et un petit peu avant ça, dans l’album Orelsan et Gringe sont les casseurs flowters en 2013. Ils y posent les bases de ce qui deviendra le film, mais aussi la série Bloqués (en 2015 également) : une journée dans la vie de deux personnes qui ne font au final pas grand-chose. En attendant d’avoir Des histoires à raconter, ils sont juste Deux connards dans un abribus.
Rooms of the House - La Dispute
Moins fun, largement plus introspectif, Rooms of the house est un monument de la discographie de La Dispute. Classé dans le punk post-hardcore, le groupe américain emprunte à bien plus de musiques et d’arts : jazz, rock progressif, spoken word… Plusieurs styles et histoires s’entremêlent : l’histoire d’amour du narrateur déjà, sur Woman (in mirror), où seules de discrètes guitare et rythmique accompagnent un magnifique texte sur l’ordinary love. Plus loin, Woman (reading) nous fait penser à la même ambiance avant que la guitare s’accélère. La voix du chanteur se brise puis finit par hurler, nous faisant nous souvenir de la qualification de base du groupe. On comprend le destin du couple, la colère et la douleur du narrateur de façon saisissante. Entre ces deux morceaux, une autre timeline dans trois morceaux : HUDSONVILLE MI 1956, SCENES FROM HIGHWAYS 1981-2009, THE CHILD WE LOST 1963. L’avant-dernier morceau de l’album, Extraordinary dinner party nous donne une clé de compréhension : en faisant des références aux précédents morceaux, on comprend que le narrateur a probablement toujours vécu dans cette maison et qu’il s’agit de la maison familiale. Dont il décide de partir, rangeant ses affaires dans Objects in space. La boucle est bouclée.
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