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BOY ERASED (critique)

On continue notre célébration du Pride Month avec un récit subtil nommé Boy Erased. Le comédien-réalisateur australien Joel Edgerton met en scène à son tour un fâcheux camp de "conversion" avec une réussite bien plus grande que Come As You Are.

On avait vu Come As You Are (The Miseducation Of Cameron Post) l’année précédente sur le même sujet : ces fameux camps de « réhabilitation » pour jeunes homosexuels. Aux États-Unis, dans ces centres de correction tenus par des religieux, des dizaines de jeunes hommes et femmes sont sommés de rentrer dans le droit chemin de l’hétérosexualité. Comme vous aviez pu le lire dans nos lignes publiées sur le film avec Chloë Grace Moretz, le film se perdait dans une complaisance du sujet, oblitérant ses enjeux par un aspect historique malvenu, sans réel point de vue parce qu’aseptisé – bien qu’on ne doute pas de la position de la réalisatrice vis-à-vis de son discours probablement très personnel. Et parce qu’il se prenait les pieds dans le tapis, le film était pire que mauvais : il était énervant, parce que raté. On attendait donc Boy Erased, ce deuxième long métrage de l’acteur Joel Edgerton (après le très bon The Gift), comme le réel bon film sur le sujet de ces camps immondes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que malgré de petits défauts de rythme, on est loin d’être déçu, tant le film est beau, intense et juste.


En choisissant une mise en scène et en image simple et centrée sur ses acteurs (lui y compris), Joel Edgerton adapte les mémoires à la fois touchants et sidérants de Garrard Conley, de façon si juste qu’on a du mal à le retrouver derrière son personnage pourtant antagoniste du thérapeute aux tendances gourous qui cherche à convertir tous ces jeunes gens homosexuels. En utilisant la technique éculée mais efficace de la narration en flash-backs consécutifs, éclaircissant les points d’ombre du récit de ce fils de pasteur qui, après une première expérience homosexuelle désastreuse, se sent obligé d’accepter cette thérapie dans laquelle il va être confrontée à d’autres jeunes qui ont tous les mêmes doutes que lui, à divers niveaux d’autoflagellation. Parmi eux, un certain Xavier Dolan, parfait, mais avec une storyline bien moins passionnante que d’autres jeunes de la thérapie comme les excellents et méconnus Britton Sear, Jesse LaTourette et Troye Sivan, qui excellent toutes et tous dans une poignée de scènes. Mais nous n’avons pas parlé du plus impressionnant : le reste du casting. Dans la peau de Jared, notre jeune héros, le magnifique Lucas Hedges, déjà vu (et excellent) dans Manchester By The Sea, 3 Billboards et Ben is Back, transperce l’écran, ses yeux faisant beaucoup à son jeu d’ores et déjà grandiose, toujours perdus et précis. Dans le rôle de ses parents, deux compatriotes australiens d’Edgerton : un Russell Crowe toujours au millimètre et une Nicole Kidman dans la grand lignée de sa superbe seconde partie de carrière.


Sans jamais perdre de vue son sujet polémique, Edgerton dresse un portrait parmi tant d’autres de ce fléau de l’hétéronormalisation d’un certain pan de la religion (américaine mais pas que) pour un résultat plus qu’effrayant, mais pas sans espoir. Et c’est avec son climax et son épilogue qu’Edgerton finit réellement de convaincre, avec un torrent d’émotion et de justesse. La faute à de jolies images, mais encore et surtout à ses comédiens, Hedges, Kidman et Crowe, tous au diapason. Pour conclure brièvement, Boy Erased est définitivement un très beau film, sur un sujet plus qu’important, en plus d’être une belle réussite formelle, portée par des acteurs au top.Et pour citer une phrase entendue en société par l’auteur de ses lignes il y a peu :

« les acteurs font rarement de mauvais réalisateurs »

À voir ce film, on pourrait difficilement la contredire.

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