Récit complexe des camps de "conversion" des homosexuel.le.s aux États-Unis, Come As You Are est-il une réussite ? Tentative de réponse par Jofrey La Rosa sur PETTRI.
Synopsis : Pennsylvanie, 1993. Bienvenue à God’s Promise, établissement isolé au cœur des Rocheuses. Cameron, vient d’y poser ses valises. La voilà, comme ses camarades, livrée à Mme. Marsh qui s’est donnée pour mission de remettre ces âmes perdues dans le droit chemin. La faute de Cameron ? S’être laissée griser par ses sentiments naissants pour une autre fille, son amie Coley. Parmi les pensionnaires, il y a Mark l’introverti ou Jane la grande gueule. Tous partagent cette même fêlure, ce désir ardent de pouvoir aimer qui ils veulent. Si personne ne veut les accepter tels qu’ils sont, il leur faut agir...
Le pitch de The Miseducation of Cameron Post (”traduit” chez nous par Come As You Are) peut séduire, car il invite à l’exploration d’un aspect (abject) de la société américaine. Celui de ces camps de "conversion" des homosexuel.le.s qui, aux yeux de tous, cherchent à changer la sexualité de la jeunesse américaine, où l’homosexualité est considérée comme une maladie – de fait soignable. De ce sujet coup de poing, la réalisatrice Desiree Akhavan tire pourtant un récit lisse et policé qui ne bouscule en rien ce système pourtant clairement contestable. La faute à un scénario trop sage et trop conventionnel, qui désamorce tout conflit et tout intérêt par une absence de réel point de vue. Là où un film comme Short Term 12, auquel ce film voudrait ressembler, prenait aux tripes par une mise en scène ultra réaliste et des émotions exacerbées, convenant parfaitement à ce genre de drame indépendant, Come As You Are n'offre rien de neuf et reste en surface.
Car le vrai problème est là : une mise en scène trop gentille, trop brouillonne, trop classique. Le film est à la fois et successivement un film Sundance calibré et un petit film voulant bousculer la narration par des scènes de flashbacks ou de rêves inutiles. Reste un drame lisse qui ne laisse aucune chance à ses acteur.rice.s de réellement briller. Chloë Grace Moretz fait ce qu'elle peut, mais il n'y a désespérément rien à faire pour élever un récit ankylosé. Et même Sasha Lane, l'incroyable révélation d'American Honey, n'a pas grand chose à se mettre sous la dent, tant les émotions de ce drame sont réduites à un encéphalogramme plat.
Avoir situé l'action du film dans les années 1990 n'apporte malheureusement rien au film. Pire, il le tire dans une espèce de dimension historique où il n'existerait plus de nos jours ce genre de colonie de vacances de l'hétéronormalité, où ces Évangélistes spécialisés dans le lavage de cerveau éduquent ces jeunes déjà marginalisés à une haine de soi répugnante. Et pourtant, le film n'en fait rien. Rien parce que les trois personnages principaux – et Cameron la première – n'apprennent rien au cours du film : du début à la fin, ils traversent le film en rebelles au milieu de ces jeunes qui, eux, semblent vouloir changer – ce qu'il aurait été intéressant de creuser, notamment la camarade de chambre de Cameron. De fait, cela crée un non-rythme bizarre, qui n'engage en rien le spectateur dans un réel conflit puisque on assiste à la fois à une absence d'évolution et à un non-pamphlet de son sujet (qui s'y prête pourtant). L'ennui s'installe, alors même qu'on voulait voir une plongée dans l'horreur de ces camps de “conversion” des homosexuel.le.s. Pour ça, on reparlera très vite de Boy Erased, film de Joel Edgerton...
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