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ARRÊTE-MOI SI TU PEUX (critique)

En 2002, les spectateurs jouent aux gendarmes et aux voleurs en compagnie de Leonardo DiCaprio et de Tom Hanks. Pour les 20 ans de sa sortie française, retour sur le vingt-deuxième long métrage de Steven Spielberg : Arrête-moi si tu peux.

Steven Spielberg s'essaie à la comédie entre deux tournages chaotiques (A.I et Minority Report). Le réalisateur récupère le projet abandonné de Gore Verbinski d'adapter au cinéma la vie de Frank Abagnale Junior, célèbre escroc américain ayant détourné des milliers de dollars. Une des dix personnes les plus recherchées par le FBI au cours des années 1960. Pour se faire, Spielberg s'entoure d'un casting 4 étoiles : le jeune et charismatique Leonardo DiCaprio campe Frank Abagnale, et Tom Hanks incarne Carl Hanratty, le redoutable agent du FBI à ses trousses (c'est sa 4eme collaboration avec le réalisateur). Mais un soin tout particulier est également apporté aux seconds rôles : Christopher Walken et Nathalie Baye sont les heureux et touchants parents tant idéalisés par Frank. Mais nous retrouveront aussi, Jennifer Garner, Amy Adams et Ellen Pompeo, toutes trois à l'aube de leurs carrières, et ici conquêtes de Frank Abagnale.


Le film s'ouvre sur un générique totalement réalisé en animation qui plante le décor et l'ambiance des 2h20 à venir. Sur des fonds aux tons colorés, deux silhouettes se détachent et se pourchassent sur une musique de John Williams inspirée des grands films d'espionnages des années 1960/70 (James Bond entre autres). Une création du duo français Florence Deygas et Olivier Kuntzel, mais surtout un travail graphique qui rend hommage à Saul Bass (lui-même créateur de génériques cinématographiques et de nombreuses affiches de films). Ce générique installe le spectateur dans l'ambiance des 60's chic recrées par Spielberg.


Peu de suspens dans les premières séquences du film, Spielberg nous présente son voleur de renom aux prises avec son geôlier. C'est là que réside le génie et la malice du réalisateur : un récit et une construction en flash-forward qui réussi à nous captiver et nous entraîner dans une course poursuite dont on connaît déjà l'issue. Pour se faire, le réalisateur présente la famille Abagnale comme heureuse et unie. Le jeune Frank, en admiration totale devant son père tout d'abord, puis devant le bonheur conjugal de ses parents. Le personnage s'épanouit dans ce cocon familiale et rassurant. Mais cette petite bulle éclate à mesure que le spectateur prend conscience du beau parleur et du flamboyant looser que se trouve être Frank Abagnale Senior. Le divorce de ses parents et la descente aux enfer de son père propulsent Frank dans le monde des adultes et une réalité qu'il ne peut supporter.

Refusant de quitter le manteau douillet de l'enfance, Frank se réfugie dans un monde illusoire entretenue par un décor et une mise en scène travaillés et colorés. Tantôt pilote de ligne, tantôt médecin... Plus Frank s'enfonce dans ses mensonges (grâce à son charme et son audace), plus le monde autour de lui devient chatoyant. Les décors sont superbes, et l'ascension de Frank y est totale. Il se place en véritable star au centre de son univers, tout en conservant la sympathie du spectateur grâce à sa candeur. Frank conserve cette innocence toute enfantine qui lui sert de refuge et de déni face à la réalité : il enlève et conserve les étiquettes publicitaires, il lit des comics books, et reproduit des scènes de ses films préférés (Goldfinger). Son personnage est en opposition totale à celui de Carl Hanratty, l'enquêteur du FBI à sa poursuite. En effet, Carl incarne la réalité adulte. Plongé dans la vraie vie, dure et terne, les spectateurs l'accompagne via une caméra portée à l'épaule, et donc un rendu plus brut et frontal à l'image. Moins stable et confortable que le cocon que s'est créé Frank, leur opposition est si bien entretenue que l'antagoniste du film en devient Carl Hanratty, pourtant détenteur de la vérité, qu'on ne veut surtout pas voir arrêter le bandit.


Avec Arrête-moi si tu peux, Spielberg signe un film très personnel. En effet, il a lui-même été très affecté par la séparation de ses parents étant enfant. La famille désunie est donc un thème récurrent de sa filmographie (E.T, Hook, Rencontre du Troisième Type, Indiana Jones et la Dernière Croisade, A.I.). De ce fait, ses personnages se cherchent des familles de substitution, il se créé ainsi entre Frank et Carl une relation spéciale, presque père-fils, lorsque tous deux se retrouvent esseulés dans leur fuite en avant, ou dans la poursuite de l'autre. C'est à chaque Noël, fête somme toute familiale, que les deux personnages communiquent et s'apprivoisent. Le charme du film repose sur un mécanisme de défense qui aide à s'évader de la dureté du monde pour se créer le sien. Une rêverie aussi touchante qu'elle est la prolongation de la figure même du réalisateur. Arrête-moi si tu peux est le portrait d'un jeune homme marqué par son parcours familial, qui se raconte des histoires - et les partage aux autres. Comme un petit air de ressemblance avec un certain Steven...

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