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WHITE NOISE (critique)

Après la réussite de son Marriage Story, Noah Baumbach revient sur Netflix avec un film adapté de Don DeLillo : White Noise. Il y retrouve Adam Driver et Greta Gerwig, demain sur la plateforme de SVOD.

Ça fait maintenant un petit moment que je suis la carrière de Noah Baumbach avec un intérêt certain. Fleuron du cinéma indépendant new-yorkais, l’auteur-réalisateur semble avoir un style à la fois très adaptable et personnel. On se souvient surtout de ses grandes dramédies, telles que Les Berkman se séparent, Greenberg ou Frances Ha, mais il est aussi un collaborateur régulier de Wes Anderson (La Vie Aquatique, Fantastic Mr Fox), en plus de cachetonner en co-écrivant Madagascar 3. Depuis 2014, il semble davantage se tourner vers une carrière à la Woody Allen, explorant des trajets de vie dans la Grosse Pomme, à grand coup d’humour dans des récits marqués par l’élite new-yorkaise : While We’re Young, Mistress America, The Meyerowitz Stories. C’est à l’occasion de ce dernier que Baumbach saisit le train en marche dans les productions indépendantes américaines : le géant Netflix va distribuer tous ses films jusqu’à aujourd’hui, y compris celui qui nous intéresse ici. Mais si cette soupape à l’économie du film indépendant laisse respirer des auteurs tels que Baumbach, ses films restaient jusqu’à maintenant dans des budgets raisonnables voire réduits. Son récit d'autofiction Marriage Story, il le produit avec David Heyman, le génial homme derrière les Harry Potter, Paddington, Gravity ou Once Upon A Time in Hollywood. Et les deux hommes semblent s’apprécier, puisqu’ils se retrouvent pour cette adaptation du romancier postmoderne culte Don DeLillo. Un projet autrement plus coûteux et ambitieux, porté par Adam Driver et Greta Gerwig.


Il est difficile de résumer l’intrigue d’un tel film. Je vais m’y risquer tout de même, tout en restant assez évasif pour vous réserver les surprises qui assaillent le spectateur ignorant. Dans l’Amérique reaganienne, une famille recomposée en apparence très normale, une banlieue universitaire. Jack est un éminent professeur d’études hitlériennes, qui s’est mis à l’allemand que récemment. Babette est une femme au foyer désespérée qui semble secrètement accro à un obscur médicament. Leurs enfants sont issus de leurs précédentes unions, sauf le petit dernier. Tout se passe bien jusqu’au jour où un accident de train de marchandises provoque la création d’un nuage de produits toxiques. La famille décide de fuir. Voilà pour un synopsis qui ne fait qu'effleurer la couche superficielle d’un récit à tiroirs aussi sinueux qu’étonnant, à tous les niveaux. Adam Driver et Greta Gerwig, fascinants, arborent des styles très 80’s pour mener cette petite troupe dans un film qui convoque parfois les fantômes des films de Steven Spielberg (Rencontres du troisième type, E.T., War of the Worlds), tantôt la normalité banlieusardes des films de Joe Dante (Gremlins, The Burbs) ou de Tim Burton (Beetlejuice, Edward aux mains d’argent). Étrange pour un film d’un des fers de lance d’une mouvance indépendante très proche du réel. C’est pourtant oublier les incursions oniriques et surréalistes du travail de Baumbach avec Wes Anderson, dont on reconnaît aussi certaines influences ici aussi.


Mais ce ne sont pas les seuls cinéastes convoqués par la mise en scène de Baumbach : on pense souvent à Ingmar Bergman, notamment dans le rapport à la mort qu’ont les personnages de Driver et Gerwig, mais aussi sur les questionnements amoureux du couple, qui rappellent autant Le Septième Sceau que Scènes de la Vie Conjugale. Parce que le film part aussi explorer des thématiques plus pointues, comme l’addiction, le consumérisme, la mortalité, la spiritualité, le complotisme, la saturation médiatique, l’intellectualisme académique, la violence ou simplement l’état de la cellule familiale. Tout un programme satirique donc, pour ce qui semble pourtant être une simple comédie avec beaucoup de gueule. La reconstitution de l’époque est bluffante, alors que gags et dialogues fusent, accompagnés d’une mise en scène inventive et enthousiasmante. Les thématiques abordées résonnent évidemment avec notre époque, en aucun cas éloignée de celle dépeinte, et le film ne cesse de surprendre le spectateur, dans un divertissement aussi exigeant que passionnant. Entre la musique de Danny Elfman (ainsi qu’une super chanson originale de LCD Soundsystem) et la superbe photographique argentique de Lol Crawley (Utopia, The OA), Noah Baumbach arrive à proposer un film singulier et dense, qui ne plaira pas à tout le monde certes, mais qui porte en lui une force folle, le rapprochant de titres cultes tels que Donnie Darko ou Under The Silver Lake. Le dernier grand film de 2022.


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