Un des grands favoris de la saison des Awards sortira chez nous le 22 février. The Fabelmans nous conte l’enfance de son réalisateur, le légendaire Steven Spielberg, dans un récit autobiographique aussi sincère que touchant. Critique par Jofrey La Rosa.
Le cinéma. Quand le plus grand cinéaste actuel revient sur son enfance ainsi que sa découverte et son amour de son art, ça donne The Fabelmans. Un (humble) cinéaste millénaire, qui a forgé la cinéphilie de beaucoup depuis une cinquantaine d’années, nous raconte sa jeunesse, sa famille, son goût pour le cinéma, dans une fresque à la limpidité folle. Tel un esthète rôdé, tonton Steven se livre comme jamais, et en même temps n’étonne pas, tant il a dilué toute sa personnalité dans une impressionnante filmographie. On ressent de fait les mêmes thématiques que dans E.T., Jaws, Rencontres du Troisième type ou Arrête-moi si tu peux. Mais ici, tonton Steven en dépouille les artifices pour livrer un récit plus qu’honnête sur ses jeunes années, entre la sidération du grand écran dans les années 1950 face à Sous le plus grand chapiteau du monde (Cecil B. DeMille), puis aux premiers émois où il met les mains dans le cambouis en filmant sa famille et ses amis en 8mm, et en s’expérimentant au montage.
On a alors le droit à un plaisir coupable de passionné.e.s qui découvrent un semblable nous confier toutes les facettes de sa passion - et c’est passionnant. The Fabelmans est aussi bien ouvragé qu’il est foncièrement sincère et touchant. Une petite bulle (a)temporelle où la passion se découvre, se teste, s’affine, fait douter et est inspirée par celles et ceux qui nous entourent. Évidemment, le titre du film aurait très bien pu être The Spielbergs, tant on sent la patte autobiographique de son auteur aussi anxieux que malicieux. Mais le nom Fabelman permet un jeu de mots astucieux sur la position du métier/rêve de Sam, ce garçon alter-ego de tonton Steven : celui de raconteur d’histoires. De filmmaker aussi. Dans le film, ce jeune homme rêve, désespère, s'émeut et rencontre toutes les difficultés qui font de l’expérience adolescente américaine une épreuve. Mais il fait aussi face à l’antisémitisme à l’œuvre dans les années 1960, et s’éprend même d’une jeune femme qui n’est pas réelement sur la même longueur d’onde que lui.
Mais le cœur du film reste la famille. Sam a des sœurs, mais c’est bel et bien la relation qu’il entretient avec ses parents, de son père qui veut bien faire mais reste un peu froid et réticent, à sa mère aimante et dévouée. Mais l’attrait du film réside aussi dans la vision de ce garçon à la relation contrariée entre sa mère, qui sombre peu à peu, et du meilleur ami du couple, celui qu’ils appellent tou.te.s oncle Bennie. Leur amour s’immisce dans la passion de notre protagoniste, et il est rongé par le secret qu’il détient, tout en devant gérer un quotidien lycéen peu glorieux. Gabriel LaBelle porte le film par son charme discret et sa bravoure feinte, tandis que Michelle Williams brille à chaque plan, magnifiquement éclairée par un Janusz Kaminski très en forme. Paul Dano et Seth Rogen sont assez nuancés pour réellement marquer et émouvoir, tantôt par le rire, parfois franc, tantôt par les larmes, souvent sur le point de tomber sur nos joues qui n’en demandaient pas tant. Mais c’est bien John Williams qui parachève d’arriver à cet exploit, dans une partition subtile et sublime, probablement sa plus belle depuis un petit moment. Et c’est l’association de ces talents, où l’on peut rire d’émotion et s’attrister de beauté, que The Fabelmans semble trouver un équilibre délicat, passionné et passionnant, jusque dans ses derniers instants, marquants à jamais. De sa chronique autobiographique simple et sincère, Spielberg touche aisément au chef-d’œuvre.
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