Tous les ans, nous vous proposerons nos tops culturels : commençons ici par le cinéma et une année 2020 bien particulière, mais néanmoins riche en très beaux films !
Jofrey La Rosa
The King of Staten Island : sûrement le film d’Apatow - dont je suis friand - le plus immédiatement abouti. Pete Davidson est une réelle révélation, tandis que le film déroule un récit ambitieux et subtil. Une petite perle de dramédie sensible.
Tenet : le blockbuster de l’année est d’une radicalité qui en chiffonne(ra) plus d’un.e. Nolan pousse ses obsessions au max dans un film d’espionnage plein de moments de mise en scène et de narration fous. John David Washington, Robert Pattinson et Elizabeth Debicki crèvent l’écran. Grosse expérience de salle, gros film, grosse deuxième place.
Jojo Rabbit : Taika Waititi réalise un film prodigieux de justesse, en jouant avec les tonalités et une sensibilité de tous les plans, dans un sujet casse-gueule au possible. La faute à des comédiens toujours au poil et son écriture si précise et néanmoins fofolle. Énorme coup de cœur.
Palm Springs : Andy Samberg et Cristin Milioti coincés dans une boucle temporelle, revivant sans cesse la même journée barbante de mariage. En plus d’être une petite perle de (rom)com, c’est le film le plus 2020 ever.
Uncut Gems : un film bruyant et au profond sentiment étouffant. Voilà ce que nous proposent les frères Safdie, devenus orfèvres du malaise urbain, où la bassesse de l’âme humaine trouve un sérieux interprète en la personne d’Adam Sandler. Un pressoir métaphorique géant, dans lequel on glisse sans jamais réellement en ressortir. Grosse claque.
Lovers Rock : Steve McQueen signe un film d’une énergie sans pareille, dans une fête de quartier aux accents soul et dancehall, avec toute une tripotée de sublimes Noirs-caribéens dans un West London 80’s. C’est beau en diable - et d’une douceur âpre mémorable.
Les Filles du Docteur March : Greta Gerwig s’approprie le classique d’Alcott pour en faire une petite bombe actuelle ultra moderne et habitée par des comédiennes toutes plus géniales les unes que les autres, ainsi qu’un excellent Timothée Chalamet. Grosse surprise.
Mank : un film de cinéphile, pour les cinéphiles. David Fincher revient au cinéma après six ans d’absence, pour raconter l’histoire de l’écriture de Citizen Kane, sur les mots de son défunt père. C’est beau, totalement hybride tant par la forme que par le fond, et un incontestable must de l’année.
Soul : après Vice-Versa, Pete Docter remet le couvert avec un superbe nouveau film conceptuel jusqu'au boutiste pour Pixar, terrassant d’émotions son spectateur… Grandiose.
The Hunt : peut-être un “film de petits malins”, mais un film d’une intelligence folle, engagé et nuancé, dans un récit passionnant et surprenant, bousculant toujours son spectateur. Lindelof, Cuse et Zobel distillent leur propos dans un thriller jouissif où tout semble écrit à l’avance, et pourtant...
The Vast of Night : pour ce premier film plein d’idées, Andrew Patterson met en scène deux jeunes gens en 1959, accro à la technologie, qui enquêtent sur la provenance d’un son étrange. Un long-métrage ultra maîtrisé, qui a bien révisé son Spielberg, et qui impose un rythme lancinant assez fascinant. Petite claque.
Adolescentes : Sébastien Lifshitz a tapé fort cette année, puisqu’en plus du succès de son documentaire Petite Fille sur Arte, il a sorti Adolescentes, projet au long cours, sur deux jeunes filles de leur 13 à 18 ans. Incroyable de justesse, la mise en scène et le montage fascinent. Les héroïnes, elles, sont magnifiques, devenant femmes sous nos yeux, au rythme des événements ayant marqué le pays l’espace de ces six ans. Ambitieux, maîtrisé et tendre.
Terrible Jungle : un premier film, dans lequel on retrouve Deneuve, Dedienne, Belaïdi et Cohen, casting de choc d’une comédie hilarante : rythme au cordeau, réal soignée, vannes à foison. J’en demandais pas tant.
Big Time Adolescence : Pete Davidson en remet une couche dans l’auto-fiction, car en complement de The King of Staten Island, il propose ce film où il babysitte un ado de 13-14 ans avec qui il a plus accointances que leur écart d’âge ne le laissait supposer. C’est très drôle et décomplexé, convoque beaucoup de rappels à des classiques de la comédie US, et touche pil-poil là où il faut : au cœur.
The Climb : un petit film indé sur la toxicité des amitiés masculines, ça vous dit ? Dans une succession de longs plans assez prodigieux d'exécution, deux comédiens géniaux (Kyle Marvin et le réalisateur Michael Angelo Covino) se tirent dans les pattes, dans un film juste et un peu effrayant. Petite surprise.
Pauline Lecocq
Les Filles du Docteur March (Little Women) : immense film sur l'émancipation féminine et la sororité, tout en rétablissant certaines volontés ou pensées de l'autrice du roman Louisa May Alcott. La distribution est excellente, on retient surtout les merveilleux Saoirse Ronan, Florence Pugh et Timothée Chalamet. Tout sonne juste et extrêmement vivant (les sœurs qui parlent en même temps quand elles sont ensemble) et confère au bouleversement que nous ressentons lors de certaines scènes. Greta Gerwig, en plus d'être une super actrice, est une géniale scénariste et réalisatrice. Le plus beau et grand film de l'année pour nous.
Jojo Rabbit : très grand film sur le conditionnement idéologique et fanatique et comment en sortir, le long-métrage de Taika Waititi est aussi très drôle et bénéficie d'un casting étincelant (on tient à mentionner Scarlett Johansson et Sam Rockwell, tous deux magnifiques) et d'une mise en scène remarquable (un plan notamment vous marquera à jamais).
Eurovision Song Contest: The Story of Fire Saga : alors certes c'est trop long mais qu'est-ce qu'on aime le côté positif du film qui déroule son histoire sur les sirènes de la célébrité et la réflexion sur le talent ! Si vous aimez Will Ferrell, vous le retrouverez égal et lui-même mais surtout secondé par l'incroyable Rachel McAdams et par le voleur de scènes de l'année : le génial Dan Stevens (Matthew Crowley dans Downton Abbey, puis la Bête dans le remake live-action de Disney La Belle et la Bête et David Haller dans la série Legion) en chanteur russe sexy et très sûr de lui ! La bande-originale est excellente et l'humour fait mouche (les elfes !) ! Grosse recommandation.
Dans un jardin qu’on dirait éternel : ce film japonais sorti en 2018 est arrivé dans les salles françaises en 2020 et raconte l'histoire de Noriko qui suit des cours de cérémonie de thé pendant plusieurs années. Par sa description précise et jamais ennuyeuse d'une jeune femme "lente et maladroite" (comme elle se décrit elle-même) qui ne trouve pas sa place dans la société, le film nous enveloppe de sa douceur hors du temps puis vient nous toucher droit au cœur. Et c'est immense.
The Climb : magnifiquement réalisée en une série de longs plans d'une grande maestria, cette histoire d'amitié douce-amère et cruelle est souvent drôle, parfois émouvante, toujours juste. Multi-récompensé, c'est LE film indé US qu'il ne fallait pas louper en 2020 !
Les 7 de Chicago (The Trial of the Chicago 7) : brillant film de procès à la mise en scène classique mais avec des dialogues aux petits oignons (on est chez Aaron Sorkin après tout, qui réalise ici son deuxième film), un montage plutôt malin (on ne découvre ce qu'il s'est réellement passé qu'au cours du procès via des flashbacks). Le long-métrage interroge sur les idéaux et fait caisse de résonnance avec les événements aux Etats-Unis mais également en France avec les contestations violemment réprimées. Parmi l'excellente distribution, on retient les deux Hoffman (sans lien de parenté) : Sacha Baron Cohen en activiste et Frank Langella en juge.
Felicità : du point de vue d'une enfant pendant 1h20, ce film doux, drôle et poétique déploie son histoire sur une famille avec une fausse simplicité et une véritable tendresse pour ses personnages, mené par le toujours épatant Pio Marmaï. C'est beau et lumineux, et fortement recommandé.
Le Colocataire (Un Rubio) : En continuant à explorer la tension entre désir, sensualité et amour, toujours avec ce côté parfois voyeur curieux de ses personnages qui s'observent et se jaugent, Marco Berger vient encore nous éblouir en étirant les scènes et les silences, en faisant monter la tension, en filmant les corps comme personne. Ses deux acteurs sont fabuleux, notamment le "rubio" du titre : Gaston Re (prix du meilleur acteur au festival Chéries-Chéris pour ce rôle). On est ravi que le film ait bénéficié d'une sortie dans les salles françaises. La dernière scène est l'une des plus belles de 2020.
Tout simplement noir : cet excellent film à sketchs de et avec Jean-Pascal Zadi (co-réalisé avec John Wax) met en scène les paradoxes communautaires et nous propose un défilé de guests monstrueux, tout en ayant un propos intelligent et en étant extrêmement drôle ! On retiendra la scène de casting avec Matthieu Kassovitz et celle de groupe avec notamment Jonathan Cohen et Ramzy Bedia entre autres.
The Hunt : film de petit malin assez brillant et imprévisible dans son scénario, cet excellent survival questionne nos idéaux politiques et l'Amérique de Trump avec une très grande efficacité. On retrouve aussi une grande actrice qu'on n'avait pas vu au premier plan depuis un moment, et ça fait plaisir ! (attention, ne regardez pas la bande-annonce qui en dit trop !)
Mentions : Tenet, The Gentlemen, Été 85, Mank, Palm Springs, Enragé, Judy, La Communion…
Noémie Contant
Lucky Strike : Super thriller et premier film du réalisateur coréen Yong-Hoon Kim et porté par d’excellents acteurs. Un petit côté Tarantino dans ce film sombre et avec une narration intéressante, découpée en 8 chapitres, où cinq individus n’ayant aucun rapport les uns avec les autres se retrouvent liés par un sac de sport rempli d’argent.
Eté 85 : Adaptation réussie par François Ozon du roman La danse du coucou d’Aidan Chambers, portée par une bande son aux petits oignons.
Peninsula : Suite spirituelle du Dernier train pour Busan, Yeon Sang-ho fait de nouveau mouche avec Peninsula, pur film d’action/zombies, initialement sélectionné au Festival de Cannes 2020.
La bonne épouse : Premier film vu après le déconfinement de Mai, il n’a heureusement pas déçue. Une très sympathique comédie sur un pensionnat de jeunes filles et leurs dirigeantes, où arrive la vague révolutionnaire de Mai 1968. A signaler surtout un final surprenant sur une musique de Grégoire Hetzel.
Mignonnes : On a beaucoup parlé de la polémique autour de Mignonnes cette année : et je crois que le film prend un peu de temps à se digérer. Le fait que j’y réfléchisse toujours maintenant signifie très probablement que c’est un film marquant, qui a ouvert un vrai débat sur l’hypersexualisation des jeunes adolescentes.
The Boys in the Band : Sorti directement sur Netflix, cette adaptation de la pièce broadwaysienne du même nom est portée par un très beau casting (Jim Parsons, Zachary Quinto, Matt Bomer…). Malgré la rigidité qu’impose le format (unité de temps et de lieu), on ne s’ennuie pas en suivant cette soirée d’anniversaire où le linge sale est lavé.
Tout simplement noir : Première réalisation de Jean-Pascal Zady où il brouille les pistes en se mettant lui-même en scène essayant d’organiser une marche des noirs dans Paris. On y retrouve beaucoup de célébrités jouant leur propre rôle avec beaucoup d’auto-dérision : Eric Judor (avec une vraie mention spéciale pour ses excellentes scènes) et son comparse Ramzy Bédia, Fary, Stéfi Selma, Soprano et beaucoup d’autres. On se perd cependant parfois dans son propos.
Un divan à Tunis : Golshifteh Farahani porte cette comédie dramatique sur une psychanalyste revenant à Tunis pour installer son cabinet parmi une population pas encore habituée à consulter des psychologues, avec les retombées du printemps arabe en toile de fond.
Enola Holmes : On connaissait Sherlock et Mycroft Holmes mais moins leur petite sœur Enola, créée par Nancy Springer (d’ailleurs actuellement en bataille juridique avec les ayant-droit d’Arthur Conan Doyle). Là aussi directement sortie sur Netflix, cette enquête menée par Millie Bobby Brown est un bon divertissement pour échapper à la folie de 2020.
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