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THE WEEKND - DAWN FM (critique)

Sorti le 7 janvier, le nouvel album de The Weeknd s’appelle Dawn FM et fait suite à son chef d’œuvre After Hours. De quoi mettre la pression sur l’artiste musical le plus écouté dans le monde ? Pas le moins du monde.

Faire suite à After Hours avait tout du défi. En début de confinement mondial, l’artiste canadien sortait son masterpiece. Un disque hybride très pop, mais avec un concept, une narration, dans un écrin très sombre, malgré une resucée 80’s qui noyait tout ce mal-être et cette descente aux enfers dans des sonorités nostalgiques à la mode. Je ne referai pas le tour de cet album incroyable, puisque je l’ai déjà fait, mais il fallait replacer ce contexte pour appréhender ce nouveau projet, nommé Dawn FM. Dès le titre, on sait plus ou moins où The Weeknd veut nous amener. Mais le savons-nous vraiment ? Parce l’aube voudrait dire qu’Abel Tesfaye sort enfin des ténèbres, après une nuit d’angoisses, de ramifications nocturnes embrumées par les drogues et l’alcool, de relations toxiques et de sexe destructeur. After Hours, c’était un film de Scorsese, l’opulence et la décadence. Dawn FM devrait être le salut. D’autant plus que le FM convoque le côté rayonnant et mainstream de la radio, de son calibrage aussi. Mais dès la pochette de l’album, avec un portrait de l’artiste vieilli, dans une ambiance sombre et bleutée, on a de quoi douter.


Et en effet, même album conceptuel, même nostalgie musicale et de la pop dark, The Weeknd réitère dans un disque ténébreux, mais avec néanmoins de l’espoir. Il fait prendre à son album la forme d’une heure sur une radio, animée par un Jim Carrey qui guide à la fois le personnage de l’artiste et l’auditeur.e dans un purgatoire où il doit faire face à sa propre finalité. Tout un programme. Et The Weeknd impose un amoncellement de titres ultra bien produits, parsemés ça et là d’interventions de son animateur qui tend à faire accepter la mort, non sans une sortie du tunnel possible. Les trois quarts de l’album sont produits par un certain Oneohtrix Point Never, pseudo du musicien synth américain Daniel Lopatin, qui a signé aussi les partitions des derniers films des frères Safdie, dont Uncut Gems, dans lequel jouait The Weeknd. La boucle est donc bouclée. Et si vous connaissez un tant soit peu le cinéma des frères Safdie, c’est rugueux, granuleux, accablant, foisonnant, tout comme cet album, qui nous amène dans un autre monde, définitif.

Mais parlons musique. Entre les sonorités 80’s et 90’s de glam synth, de pop mélodique, de r’n’b sautillant, The Weeknd déploie une panoplie de chants élevés, de flows imparables et de voix différentes, pour permettre à l’auditeur de se laisser aller à l’endroit transcendantal de son art auquel il veut nous faire parvenir. C’est à grands coups de tubes ultra efficaces (Gasoline, Take My Breath, Sacrifice), qu’il entame un disque qui met directement dans l’ambiance, mais toutefois très sombre. Puis, il complexifie son propos, au travers de titres plus réflexifs tel que A Tale by Quincy, qui convoque autant les Daft Punk de Random Access Memories (et leur magnifique Giorgio by Moroder), autant que l’héritage de celui à qui on compare fréquemment l’artiste de Toronto : le King of Pop Michael Jackson. Puis l’album s'engouffre tête baissée dans l’amour et ses travers, d’abord avec son featuring avec Tyler The Creator (Here We Go…Again), puis avec le génial Best Friends dont l’instrumentale m’a rappelé une rythmique de SCH (Ciel Rouge). La jalousie est abordée dans Is There Someone Else?, un titre plus proche de ce que peuvent proposer ses comparses de Toronto chez OVO (Majid Jordan notamment), mais ne perdant pas pour autant la singularité réflexive de ce que propose The Weeknd depuis quelque temps. Un exposé de l’état de l’amour à l’époque de la beauté toute puissante encapsulée dans le motif de l’œil (Starry Eyes), puis il vient annoncer After Life dans une interlude cryptique (Every Angel is Terrifying), qui sera en toute logique le titre de son projet suivant.


Don’t Break My Heart rappelle Starboy, prenant la figure d’une femme hypnotisante, dans un titre encore une fois d’une qualité et d’une efficacité fulgurantes, avant qu’Abel ne déploie le motif de l’amour et des regrets une fois de plus (I Heard You’re Married), invitant Lil Wayne pour un couplet plus syncopé que réelement marquant. Mais toute cette frustration est balayée quand arrive Less Than Zero, où le personnage de The Weeknd arrive à l’acceptation, à sa propre finalité, dans une balade pop avec autant d’espoir qu'intrinsèquement morose. Puis Jim Carrey conclut la narration de cet album morbide avec Phantom Regret, un poème hanté par la mort et la spiritualité, trouvant enfin frontalement le thème central d’un album en forme de purgatoire cathartique. Crépusculaire et (auto)réflexif, Dawn FM est évidemment une incroyable réussite, d’autant plus qu’il fait suite à un After Hours qui montait déjà le niveau d’un artiste en plein momentum, au sommet de sa carrière. The Weeknd réitère et propose un disque aussi complexe que pop, pouvant être joué autant dans les clubs que dans les hospices, pour créer un classique instantané, aussi exigeant que fondamentalement mainstream. Un exploit, encore une fois


Et comme le dit si bien Jim Carrey : “The Weeknd's so good and he plays all week long”.

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