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THE PIROUETTES - ÉQUILIBRE (critique)

Quatrième projet du duo de synthpop parisien, Équilibre signe un tournant pour le groupe, qui était alors en couple à la ville, et qui ne l'est désormais plus. La fin d'une ère ou la fin tout court ?


On avait découvert la pop rétro de The Pirouettes en 2014 avec leur tube Dernier Métro, qui citait allégrement les Rita Mitsouko et Étienne Daho. Et le duo parisien, alors en couple, nous offrait un bonbon acidulé qui sentait bon l’époque, avec des thématiques et une frontalité très actuelles, et une néo-nostalgie qui faisait plaisir à entendre. Même son de cloche sur leur premier projet, L’importance des autres, qui leur permit de se faire remarquer, avant la consécration de Carrément carrément, disque dans la continuité, mais où on remarqua le passage au professionnalisme. Album parfait de bout en bout, on pouvait s'inquiéter pour la suite. Mais leur album suivant, Monopolis, était tout aussi réussi, avec qui plus est des tentatives de sonorités nouvelles, des ajouts électro et world, qui portaient bien leur voix angéliques et complémentaires. Mais c’est à la sortie du premier single de ce nouvel album que The Pirouettes annoncent que leur couple n’est plus. Les jeunes amoureux ne le sont plus. Plus assez du moins pour continuer à se dire en couple. Mais que ça n'empêchera en rien au projet Pirouettes de perdurer. En effet, Vickie Chérie et Leo Bear Creek continuent l’aventure à deux, et nous livre avec Équilibre un album de rupture assez fascinant, toujours très réussi, mais qui porte aussi très bien son titre : c’est un réel exercice d’équilibristes que s’imposent ici les anciens amoureux.


Parce que si jusqu’à maintenant, leur pop était bien sucrée, elle est désormais teintée d’une amertume certaine. L’amour persiste, mais plus assez, comme ils le disent dans ce double album qui semble scindé mais pas unilatéral, avec des transfuges de sentiments de l’une et de l’un. Parce que si on a parfois l’impression que chacun a voulu faire son disque au sein de ce double album, les jeunes gens sont toujours présents l’un avec l’autre, dans un échange perpétuel, tantôt en soutien, tantôt en complément. Mais la musique des Pirouettes ne change pas radicalement pour autant, si tant est qu’ils nous font part maintenant de leur rupture, de leur relation “d’ex” et même de leur nouveau(x) crush(s). En effet, dans les arrangements pointus de Comment ça fait, l’ancien couple nous fait part de la première fois qu’ils ont vu leur ex avec quelqu’un d’autre. Le tout avec une voix à fleur de peau de Vickie, qui semble habitée par cette thématique qui touche pile à l’endroit le plus intéressant de la galette. Dans le single Il n’y a que toi, le couple s’ouvre à nouveau dans un constat nuancé et mature de leur fin de relation, où l’autre est sûr et rassure, mais auprès duquel ils ne trouvent plus l’extase amoureuse. Pareil dans Mets les voiles, le couple se déchire, (se) dit des mots durs : “Mets les voiles, laisse-moi évoluer de mon côté / Tu m'as pas déçue tu t'es grillé pour la vie / Tout est foutu j'suis pas là pour être ton amie / On s'entend plus viens on finit la trilogie / J'suis pas têtue j'ai juste, j'ai plus d'énergie / Laisse-moi évoluer de mon côté / J'ai du mal à t'oublier / C'est dur j'ai peur / Fissure au cœur / Mais j'arriverai à t'oublier”.

Sous des nappes synthétiques et des compositions au poil, Leo et Vickie nous offrent de la pop sirupeuse, qui trouve dans Vitamines un côté affriolant, presque suggestif, tandis que Allo est plus connecté, et que Pli du cœur semble plus sombre, presque inquiétant. Le titre éponyme à l’album est plus frontalement similaire à leur musique des prémices, sautillante et efficace, mais au message plus contrasté : “Équilibre, tu es un rêve inatteignable". Leurs singles San Diego, Oulala, Encore un peu d’amour et Lâcher prise sont tous tops, à la fois beaux, dansant, complexes et sans cesse inventifs, et dotés de beaux clips signés Kevin Elamrani-Lince. San Diego contient pourtant une phrase déchirante : “Je m'efface peu à peu de ta vie” et qu’Avant que l’on se lasse ne vienne enfoncer le clou : “L’amour est une impasse”. Sur Ciel Radieux, on est plus introspectif et poétique, où Vickie nous dit “Rien de plus gracieux qu’un adieu en dessous d’un ciel orageux un matin pluvieux”. Visuel et éminemment touchant, ce morceau sample d’ailleurs une tirade on-point de Selena Gomez. Dans Love de moi, des influences plus caribéennes pointent le bout de leurs sonorités, avant qu’Enquête d’amour ne vienne parler jalousie dans le groupe, les deux exs se stalkant, se jugeant sur leurs nouvelles fréquentations et se comparant évidemment. Dans Élevé par des loups, Leo et Vickie se confient joliment sur leur enfance, sur leurs familles issues de la classe moyenne, de la classe “normale”, travailleuse, qui ont toujours tout fait pour eux, dans une rythmique plus urbaine : “J’ai été élevé par des loups, élevé comme un louveteau / Sans vraiment de sous, élevé par des lève-tôt”. Dans Nouveau départ, l’ultime chanson de l’album, Leo et Vickie narrent chacun leur vie avant l’autre, tant différente que tous deux ont été surpris de se plaire (“Me suis senti comme une nouvelle personne / À ton bras et à leurs yeux / Je dois dire que moi-même ça m’étonne un peu / Qu’on soit tombé amoureux”). Ils finissent par conclure leur album et nuancer leurs regrets amoureux : “Si c’est pas celui-là, ce sera sûrement le prochain”.


En définitive, laissons leur (seul) invité Timothée Joly conclure sur ce beau projet, en le citant quand il nous avoue : “Je me sens enfermé dans ma vie / Je me sens enfermé dans mes soucis / Il faut lâcher prise”. Un plus beau constat qu’un individu/un couple ne fonctionne plus ? Ça n’existe pas. Et la musique des Pirouettes n’en est que nourrie, et mieux, prospère dans un magma fusionnel et plus qu’impactant, des émotions tourbillonnant dans leur voix et des notes synthétiques, sincères, justes et puissantes.


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