top of page
Pauline Lecocq

TEMPÊTE À WASHINGTON (critique)

Grand film épique sur le système politique américain et le pouvoir, Tempête à Washington (Advise & Consent) d’Otto Preminger célèbre les 60 ans de sa sortie française aujourd’hui. A cette occasion, Pauline Lecocq revient sur ce long-métrage passionnant et trop méconnu pour PETTRI.

Synopsis : Le Président des Etats-Unis décide de nommer Robert Leffingwell au poste de Secrétaire d’Etat. Cette nomination doit être validée par le vote du Sénat, et c’est là que l’affaire se complique car certains sénateurs, que ce soit du parti de la majorité ou de l’opposition, ne veulent pas nécessairement de cette nomination…


Otto Preminger, dans la même veine que son Autopsie d’un meurtre en 1959, reprend le même scénariste (Wendell Mayes, qui adapte le roman Advise and Consent d’Allen Drury, prix Pullitzer) et s’attaque ici non plus au système judiciaire américain mais au système politique. De la même façon que dans 12 hommes en colère de Sydney Lumet, il s’agit de convaincre, au cas par cas, les hommes-clés d’un vote primordial, ici pour le pays. On est par conséquent dans les coulisses du pouvoir et l’on découvre les rouages de la politique, en se déplaçant dans différents lieux à Washington D.C. …

Il y a beaucoup de personnages ce qui fait qu’on est un peu perdu au début, mais tout se met vite en place. On pourra peut-être regretter que le film soit un peu long et très bavard, mais ce long-métrage propose une réflexion passionnante sur le pouvoir, avec ses conflits de domination et sa manipulation. L’ombre traumatisante du maccarthysme est également présente par le biais d’accusations de communisme portées contre le sénateur nommé par le Président. Ce long-métrage est aussi cité dans le film documentaire The Celluloid Closet (1995) pour sa représentation d’un homme qui cache son homosexualité et qui est victime de chantage. Le film aborde donc des sujets qui, à l’époque, étaient difficiles.

A travers une galerie de personnages tous plus manipulateurs les uns que les autres, des grands comédiens, voire mêmes des monstres sacrés, s’affrontent avec délectation (en particulier Henry Fonda, Walter Pidgeon et Charles Laughton, dont ce fut le dernier film). On peut aussi s’amuser à noter les ressemblances de certains personnages avec des hommes politiques réels, comme le personnage du sénateur Lafe Smith, inspiré par John F. Kennedy (dont l’acteur était le beau-frère à l’époque du tournage). Notons également la présence lumineuse de Gene Tierney (la fameuse Laura du même réalisateur) dans un second rôle, qui faisait son grand retour après plusieurs années sans tourner. D’autre part, Betty White, icône de la télévision décédée récemment, faisait ses débuts au cinéma dans un petit rôle.

Avec un grand format et une mise en scène inspirée (notamment ses plans larges de groupe), Preminger propose une réflexion sur le pouvoir, le système politique américain, la démocratie et également une prise du pouls des Etats-Unis à un instant T. D’une grande précision documentaire (appuyé par un tournage dans les vrais lieux, comme le Capitole), ce film passionnant et brillant sur la mécanique du pouvoir et la manipulation en politique n’en oublie pas d’être épique, avec sa quête et ses retournements de situation. De plus, les dialogues sont brillants et la scène finale est particulièrement incroyable.

Ce film fascinant a évidemment inspiré les grands films politiques des années suivantes, par exemple Les Marches du pouvoir de George Clooney en 2011.

On est en droit de penser que le système de l’époque n’est pas bien différent de celui d’aujourd’hui. De plus, comme nous sommes de plus en plus familier du système politique américain de ce côté-ci de l’Atlantique, alors on peut considérer que ce film est important voire nécessaire en ce moment car il fait écho à ce qu’il se passe aux Etats-Unis ces dernières années (on pense notamment à l’affaire Brett Kavanaugh)…


Un an avant Le Cardinal (autre long-métrage épique sur la religion et l’Histoire), Otto Preminger nous offre l’un de ses meilleurs films, qui demeure pourtant l’un de ses moins connus : tâchons de réparer cette injustice en le (re)découvrant !


Comments


bottom of page