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Jofrey La Rosa

SEX CRIMES (billet d'humeur)

Sorti il y a 23 ans aujourd'hui, Sex Crimes (Wild Things) est de ces films marquants - un thriller érotique comme les années 1990 nous en ont offert à la pelle.

Il y a de ces films qui vous marquent. Il se peut qu’ils ne soient pas si bons que ça, mais font partie de ceux vus dans un contexte si particulier et tellement marqué dans un moment de votre vie, que le souvenir l’emporte probablement sur la qualité réelle du film. Une madeleine de Proust. Sauf que pour le cas de Sex Crimes (traduction du titre original Wild Things), il s’agirait plus de l’adolescence plutôt que de l’enfance – et encore heureux ! En effet, j’ai dû découvrir ce film autour de 2002, sur une VHS enregistrée par mon père depuis la première diffusion télé (sur Canal + ?). Je l’avais vu seul. Imaginez donc un (pré)ado de 13 ans devant cette fameuse scène de ménage à trois... Les sens charnels naissants étaient alors au plus haut. Ça devait être parmi les premières réelles scènes osées que je voyais. Mais coupons jusqu’à une chaude soirée de juillet 2018 : j’avais alors 29 ans et je n’avais toujours pas revu le film. Et soudain, voilà que je le vois passer dans mes suggestions Netflix (il n'est à ce jour plus disponible dans le catalogue du géant américain). Je lance le film avec un souvenir suave et flou des prémices de mon adolescence.

Dès les premières notes du (seul?) génial score de George S. Clinton (à ne pas confondre avec la légende de la funk), on comprend qu’on est pas dans la bluette classique. On est directement replacé dans une ambiance, parce qu’il s’agira bien pour le faiseur John McNaughton d’ambiance que de réelles velléités de repoussements de codes de son genre. Et c’est quoi ce genre alors, me direz-vous? Dans les années 1990, on a vu émerger toute une tripotée de thrillers sexy à l’érotisme plus ou moins clinquant, notamment des films avec Michael Douglas comme Fatal Attraction (Liaison Fatale), Disclosure (Harcèlement) ou Basic Instinct, mais aussi des déclinaisons à foison comme Showgirls, Fear, Indecent Proposal (Proposition Indécente), The Babysitter et même Cruel Intentions (Sexe Intentions). Et donc Wild Things, figure de proue de ce micro mouvement.

Dans ce thriller de 1998, on retrouve Matt Dillon, Kevin Bacon, Neve Campbell et Denise Richards dans une sombre affaire rocambolesque de viols et de gros sous, dans une succession de retournements de situation tous plus tirés par les cheveux les uns que les autres. Le côté ouvertement over-the-top de ses péripéties, le film l’assume à 150% jusqu’à la fin. Une fin où on a le droit à une sorte d'épilogue durant le générique, on dirait presque aujourd’hui des scènes post-générique, où on voit des scènes clés de l'intrigue qui avait été jusqu’alors volontairement omises au spectateur, dans le but de clarifier et de compartimenter une intrigue parfois très elliptique ou énigmatique. Et l’intrigue justement? On nous raconte l’histoire du conseiller d’éducation du lycée de Blue Bay en Floride, Sam Lombardo (Matt Dillon), accusé de viol par deux de ses étudiantes, la cheerleader plantureuse Kelly Van Ryan (Denise Richards) et la white trash Suzie Toller (Neve Campbell). L’enquête est menée par Ray Duquette (Kevin Bacon) et Gloria Perez (Daphne Rubin-Vega) et conduira l’accusé à s’offrir les services de l’avocat Ken Bowden, interprété par un Bill Murray en roue libre, personnage qui inspirera sûrement le Saul Goodman de Breaking Bad et Better Call Saul. Turn-overs en pagaille, narration orientée, interprétation roublarde, tout est délicieusement kitsch sans être ringard, too much et assumé.

Le film se déroule en Floride et prend bien soin de nous plonger dans les marécages humides, sales et dangereux, et ce dès les premières images de son générique de début, qui prend le temps d’installer un décor poisseux à ce thriller brûlant. La faute au chef opérateur Jeffrey L. Kimball, fréquent collaborateur de Tony Scott (Top Gun, Revenge, True Romance) qui, à grand renfort de filtres colorés et de sous-exposition bien sentis, assure une esthétique plus qu’adaptée, bien que constamment à la limite du kitsch elle aussi. En réalité, dans ce film, tout est constamment à la limite, sur un fil du bon et du mauvais goût, tangue et tangue encore, sans pour autant perdre pied. Et ce grâce à tous ses éléments à l’alchimie pointue (mise en scène simple, narration serpentine, acteurs et casting parfaits, esthétique léchée) et ce côté sexy indéniable et sirupeux, dans un film qui ose tout de même un plan à trois plus ou moins graphique entre un homme adulte et deux jeunes femmes de 17 ans...

Au-delà de la version cinéma, il existe bien une version non-censurée (unrated) avec 7 minutes de plus, arrivée sur le marché vidéo et consistant de scènes de sexe plus graphiques, et quelques scènes supplémentaires clarifiants ou compliquants certains aspects de l’intrigue. Encore plus grandiloquente, elle est encore plus agréable, si bien qu’on puisse aller jusqu’à affirmer et conclure que Sex Crimes (Wild Things) est un petit chef d’œuvre d’erotic thriller 90’s, suintant et sexy en diable, kitsch et jouissif. Alors, quoi qu’on en dise, merci Netflix et son Al-Gore-Rythme. J’ai en effet perdu un peu de mon innocence adolescente, mais gagné un film culte, bien meilleur que mon souvenir caliente le laissait supposer.


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