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RED ROCKET (critique)

Red Rocket est le nouveau film de Sean Baker, réalisateur des remarquables films indépendants Tangerine et The Florida Project. Pauline Lecocq nous explique pourquoi ce long-métrage l’a enthousiasmé.

Mikey Saber débarque dans sa ville natale du Texas après de nombreuses années d’absence. Star du porno à Los Angeles mais sans un rond, il n’a plus que son bagout et son charme pour redémarrer quelque chose. Avec son ton particulier, Sean Baker revient avec ce film, présenté en compétition officielle au festival de Cannes et primé deux fois au festival de Deauville (Prix du Jury et Prix de la Critique Internationale). Sur un point de départ pourtant simple, soit un retour aux sources , le cinéaste déroule un film dont on ne sait jamais où il va pour notre plus grand plaisir, et qui par conséquent surprend souvent. Son cadre déjà : nous sommes à l’été 2016, en pleine campagne présidentielle américaine, au moment où Trump commence à prendre l’ascendant sur Hillary Clinton. En arrière-plan de l’intrigue principale, un intrus débarque en politique et se présente comme homme providentiel, ce qui rappelle le caractère du personnage principal dans un autre milieu. Ce dernier ne cesse de se rendre indispensable tout en menant son petit monde à la baguette en charmant et en manipulant. Porté par le génial Simon Rex qui prête son charisme, sa belle gueule et son bagout à ce personnage qu’on devrait détester mais pour lequel on ne peut s’empêcher d’éprouver de l’empathie, l’acteur nous livre une performance éblouissante de fourberie, de drôlerie, de courage. Il est secondé par de nombreux acteurs et actrices non-professionnel.les, toutes et tous parfaits, et par la lumineuse Suzanna Son, dont l’écriture du personnage et le jeu de l'actrice arrivent à éviter les clichés attendus. Et le film en déjoue mine de rien beaucoup en arrivant à tenir une ligne claire et à s’en tenir à ses personnages, leur complexité, et a fortiori leur humanité. Simon Rex a d’ailleurs expliqué qu’il y a environ 25% d’improvisation à l’écran, car c’était plus facile pour certains acteurs amateurs d’utiliser ce procédé. Le naturel des interactions et des scènes s’en ressent.

La réussite du film tient aussi dans son mélange des tons, car il dépeint une misère sociale certaine. Cette ville de Texas City est composée de banlieues riches et de quartiers pauvres, et l’on s’attarde dans ces quartiers, mais également dans un restaurant de donuts à la frontière des deux. Pourtant, on ne tombe jamais dans le misérabilisme car le réalisateur sait rester à la bonne distance de son sujet grâce à un personnage principal un peu « bigger than life » et à un humour certain dans ses dialogues ou via des situations rocambolesques. En creux se dresse le portrait d’une Amérique tiraillée, menée par des égoïstes qui utilisent les autres pour leur réussite personnelle, en perdant leur humanité et en ne pensant qu’au profit. Tout cela est rondement mené et souvent drôle. Tourné en pellicule, la photographie est toujours travaillée, avec parfois des couleurs vives et pop, élément notable dans ses décors (on pense évidemment au restaurant de donuts). La mise en scène, parfois caméra à l’épaule, colle Mikey et adopte son point de vue à chaque instant, et ce dès son début in medias res. On remarque aussi et surtout un montage malin qui permet de désarçonner certaines situations et d’amener de l’humour. L’utilisation inattendue et à bon escient du tube du boys band *NSYNC intitulé « Bye Bye Bye » vient amener une touche supplémentaire pop et ironique.


Après les réussites Tangerine et The Florida Project, Sean Baker est assurément en train de construire une œuvre singulière, assez unique en son genre : entre drame social se concentrant sur des marginaux et comédie avec des personnages à l’incroyable tchatche, toujours dans un univers aux couleurs bariolées, soit dans ses décors et/ou sa photographie. On note aussi sa volonté de mettre en scène des acteurs et actrices professionnel.les et des amateurs/amatrices, toujours très convaincant.e.s, en particulier dans ce Red Rocket mené par Simon Rex. Pour toutes ces raisons, on vous recommande vivement ce film original, étonnant et détonnant.


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