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Jofrey La Rosa

PARTY DOWN (critique S1 & S2)

Alors que Party Down revient avec une troisième saison inespérée 13 ans après l’arrêt de cette série comique, Jofrey La Rosa a décidé de revenir sur les deux premières saisons. L’occasion de revisiter ce qui est devenu un classique du genre au tournant décisif qu’a été la fin des années 2000.

Mi-2007, la série Veronica Mars est annulée après trois saisons de bons et loyaux services, et ce malgré l’insistance des fans. Son créateur Rob Thomas ainsi que ses scénaristes et producteurs John Enbom et Dan Etheridge se retrouvent à tourner un pilote pour une saison 4 centrée sur leur héroïne durant ses années au FBI. Ça ne verra pas le jour (même si l’épisode est trouvable)… Mais bonne nouvelle puisqu’un film en 2014, puis une saison revival en 2019, verront le jour. Mais entre temps, Rob Thomas, John Enbom et Dan Etheridge, accompagnés par l’acteur Paul Rudd (Friends, Ant-Man) créent Party Down. Petite série produite par la grandissante Starz, Party Down regroupe donc ces quatre hommes, tous transfuges de la regrettée Veronica Mars (Rudd jouait dans un épisode de la saison 3). Elle met en scène une soirée par épisode, organisée par une société de traiteur aux nœuds papillons roses pimpants. Sauf qu’à part le manager Ron (Ken Marino), aucun de ses serveur.euse.s n’a envie d’être là – et ne s’en cache pas.

Nous suivons Henry (Adam Scott), ancien acteur qu’on disait ‘nouveau Pacino’, désormais réduit à une catchphrase foireuse de publicité pour de la bière. Il arrive dans ce groupe composé de Constance (Jane Lynch, Glee), ancienne actrice de séries B, de Roman (Martin Starr, Freaks & Geeks), aspirant auteur de SF hardcore, de Kyle (Ryan Hansen, Veronica Mars), beau gosse se rêvant en acteur mais completement dénué de talent, mais aussi et srutout Casey (Lizzy Caplan, The Interview), une jolie comédienne de stand-up qui peine à percer. Plus tard, Constance sera remplacée tour-à-tour par Bobbie (Jennifer Coolidge, The White Lotus) puis Lydia (Megan Mullally, Will & Grace). Tout ce petit groupe doit composer en fonction des commanditaires des soirées, mais aussi et surtout de leurs invité.e.s, toujours un peu foufous. Parmi eux se cachent des guests, qu’on a vu dans une certaine série de détective teen : comme Enrico Colantoni, Jason Dohring, Kristen Bell, Alona Tal, Daran Norris, Joey Lauren Adams, Steve Guttenberg et Ed Begley Jr. Et on peut d’ailleurs y ajouter les réguliers Adam Scott, Ryan Hansen, Jane Lynch et Ken Marino d’ailleurs. Bref, une belle réunion pour une série plus simple (en apparence) que Veronica Mars, permettant beaucoup de folie et de terreau comique à toute une troupe sans cesse agrémentée de talents en guest : J.K. Simmons, Steven Weber, Rick Fox, Jimmi Simpson, George Takei, Andrea Savage, Patrick Duffy, Stormy Daniels, Brad William Henke et même une très jeune Kaitlyn Dever. Mais il y a surtout la crème de la crème comique de l’époque qui vient passer une tête : Ken Jeong, Joe Lo Truglio, Aviva, Michael Hitchcock, June Diane Raphael, Rob Corddry, Josh Gad, Christopher Mintz-Plasse, Thomas Lennon, Paul Scheer, Nelson Franklin, Matt Walsh, Sarah Burns, Rob Huebel, Nat Faxon, John Ross Bowie, Kevin Hart… La liste est longue.

Mais les épisodes, eux, ne le sont pas : entre 25 et 30 minutes pour nous donner le sourire, autour de cette bande aussi drôle que désespérée. En deux fois dix épisodes, ces deux saisons passent vite, trop vite (?), d’autant que le rythme est au cordeau et que les vannes et situations comiques fusent, pour un résultat qui dépasse les espérances de la simple sitcom bon marché. Parce que même si on sent les limites budgétaires de l’entreprise – un lieu unique par épisode, la foule d’invités souvent réduite – Party Down a assez de cœur, d’esprit et de finesse pour faire rire certes, mais aussi, et c’est plus étonnant, émouvoir et même créer un peu de dramaturgie à l’ensemble. Parce qu’au-delà de l’évidente force comique de la série, c’est la tristesse qui en émane en sous-texte qui foudroie le spectateur. Défaite après défaite, les auteurs n’épargnent pas leurs personnages, aussi pathétiques que parfois antipathiques, mais qui reflètent sûrement bien les dessous d’un Hollywood désenchanté, où les parcours sont souvent heurtés, même pour celles.eux qui sont bourré.e.s de talent, comme notre protagoniste Henry :

- Henry, all that talent ! It’s for my experience, 9 times out of 10, if you’ve got the talent, you break through. - Yeah, but what about that one guy ?

Mais en plus, le dessin qui est fait des petites mains à Hollywood est sans appel. Dans la mégalopole qu’est Los Angeles, les fêtes organisées par notre petit groupe sont toutes différentes, allant de la première de théâtre semi-amateur à une wannabe-orgie, en passant par des mariages, une réunion de copro ou le seizième anniversaire de la fille d’un puissant producteur. Ce personnage campé par J.K. Simmons, qu’on croise d’ailleurs plusieurs fois durant les vingts épisodes, montre déjà bien le népotisme et les faveurs sexuelles comme monnaie courante dans le milieu (sans jamais les excuser hein), bien avant le mouvement me too. Et puis il y a le fil rouge de toute cette histoire : le classique “will-they-won't-they” de Henry (Adam Scott) et Casey (Lizzy Caplan). Mais c’est vite balayé pour mieux créer des obstacles à ces deux personnages, aussi beaux que diamétralement opposés au niveau professionnel : si lui est clairement sur la pente descendante de sa carrière d’acteur (ce qui le pousse d’ailleurs à devoir prendre ce job), elle va bientôt connaître le succès, ou l’espère tout du moins. Parce que là est toute la force de Party Down : l’espoir. L’usine à rêves fonctionne encore, et les gens qui la peuplent se font parfois bouffer par le système et ses rouages parfois trop durs pour des gens aussi bons, loyaux ou simplement talentueux. Les personnages de la série sont souvent bercés d’illusions (Roman ne démord pas de sa SF froide, sans succès ; Kyle pense que son look est plus important que le reste ; Casey pense qu’un petit rôle dans un film d’Apatow sera son “big-break”), mais parfois trop désespérés, comme Henry qui accepte finalement le job de manager, pensant pertinemment sa carrière d’acteur derrière lui. Mais à force d’espoir, d’alliances et de talent, le travail finira par payer… peut-être. L’incertitude des personnages de Party Down, pitoyables malgré eux, mais finalement beaux, place la série dans un constant entre-deux. Ce job est temporaire pour la majorité d’entre-eux, sauf probablement pour Ron, inénarrable manager loser porté par le visage malléable du génial Ken Marino (croisé chez David Wain et surtout le Marc originel de Burning Love, série dont s’est inspiré Jonathan Cohen pour La Flamme). Mais les autres, eux, attendent mieux de cette vie… tout en faisant pas grand chose pour changer leur quotidien. Et là est toute la subtilité de la série, qui tente des choses tout en remplissant un catalogue de comédie sitcomesque de télévision, plus crue que la moyenne à l’époque tout de même, et avec une amertume du milieu désabusée qui n’épargne pas ses personnages, plus profonds qu’ils n’y paraissent au premier abord.

Très hâte donc de voir ce que les auteurs leur réservent avec ce revival à venir, en forme de troisième saison spéciale, 13 ans après l’arrêt de la série en 2010, et après avoir longtemps teasé un éventuel film en guise de conclusion…


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