Le nouveau film de Guy Ritchie (Snatch, The Gentlemen) débarque en trombe sur Prime Video ce 7 avril 2023. Operation Fortune: Ruse de Guerre est un film d’action et d’espionnage avec Jason Statham et Aubrey Plaza qui tient toutes ses promesses. Critique de Jofrey La Rosa pour PETTRI.
Quand a été annoncé le projet, on a pu quelque peu se moquer du titre, un peu pompeux et à rallonge, de ce film d’action : Operation Fortune - Ruse de Guerre. De quoi sourire, tout au plus. Puisqu’encore une fois, c’est bel et bien une tentative de franchise qu’essaye de lancer Guy Ritchie, le plus ‘tough guy’ des cinéastes angliches. Je ne cacherai pas mon affection pour son cinéma, ni pour ses postures maniéristes et son côté british bourru, ni pour ses films d’action parfaitement fagotés et décomplexés. De son coup d’essai Arnaques, Crimes & Botanique à son dernier opus en date Un Homme en colère, le londonien fait alterner son cinéma entre figures de gangsters à l’anglaise (Snatch, RocknRolla, The Gentlemen) à des films d’action précieux et ambitieux (Sherlock Holmes, King Arthur: Legend of the Sword, The Man from U.N.C.L.E.). En 2009, si sa tentative de refonte du personnage de Sir Arthur Conan Doyle a été un succès qu’il a poursuivi dans un second volet encore plus réussi (A Game of Shadows), depuis, il semble désespéré de trouver une nouvelle franchise à mettre sur les rails. En vain, puisque tout ce qu’il a entrepris depuis se plante malheureusement - et à tort, parce que ça défonce : King Arthur: Legend of the Sword et The Man from U.N.C.L.E. sont des superbes tentatives, aussi couillues que foncièrement passionnantes, à bien des égards. À côté de ça, il réalise Aladdin pour Disney en 2019, aisément son plus gros succès au box-office malgré le fait que ce soit son pire film, totalement dénué de sa patte. En 2021 sort Un Homme en colère (Wrath of Man), tourné en pleine période Covid, et qui signe ses retrouvailles avec l’action-star qu’est désormais devenu Jason Statham, à qui il a offert son premier rôle en 1998 dans Arnaques, Crimes & Botanique. Un remake de notre Convoyeur national habile et coup de poing, qui montre la synthèse du cinéma de Ritchie : un côté gangster, un côté action pure, pour un polar nerveux et efficace.
L’efficacité semble être le mot d’ordre pour cet orfèvre du style cinématographique, conteur correct qui jongle adroitement entre les saveurs tonales, dans un spectacle de tous les instants, à la direction artistique toujours droit dans ses bottes. Et ce (premier volet de ?) Operation Fortune ne déroge pas à la règle. C’est avec un flegme tout british que Guy Ritchie déploie un récit d’espionnage sur une tonalité d’actioner à la gloire de ses stars : s’il retrouve à nouveau sa muse Jason Statham, à la physicalité agile et follement classe et charismatique dans ses costumes parfaitement taillés, il semble aussi s’être épris de Josh Hartnett, après Un Homme en colère. Il met également en avant l’inénarrable Aubrey Plaza, qui ne cesse de prendre du galon à Hollywood, ainsi que le rappeur Bugzy Malone, déjà présent dans The Gentlemen. Pour clore le groupe d’intervention, c’est Cary Elwes qui vient regrouper tout ce beau monde - un character actor assez dément, tout comme Eddie Marsan qui vient passer une tête. En guise d’antagoniste, Ritchie ramène Hugh Grant, dont il aime définitivement trahir l’image de bellâtre idéal, après ses rôles dans The Gentlemen et The Man from U.N.C.L.E. À la photographie, encore et toujours Alan Stewart, habitué des films de Guy Ritchie depuis un petit moment, tout comme le compositeur Christopher Benstead. Maintenant que l’équipe est montée, on peut commencer la mission.
Sauf que j’ai mis plus de temps à mettre en branle cette critique que Ritchie n’en a mis pour mettre en place son récit. En effet, au bout de quelques minutes à peine, le scénariste-producteur-réalisateur a déjà regroupé son équipe dysfonctionnelle et les a mis en liberté d'exercer leurs talents dans un aéroport. Et c’est parti pour presque deux heures de scènes d’action sous fond d’espionnage, menées tambour battant par un petit malin qui joue avec ses joujous techniques et narratifs comme un enfant surdoué. C’est drôle, impressionnant et divertissant, à tous les niveaux, et on sent que toute la team s’éclate à déployer ce récit certes simple, mais rondement mené et assez jubilatoire. Mais qu’est-ce que ça raconte au juste ? Orson Fortune (Statham) est un as de l’espionnage indépendant, que Nathan (Elwes) appelle à la rescousse à la demande du gouvernement anglais, pour retrouver un MacGuffin quelconque. Pour se faire, il lui attribue une équipe inhabituelle composée d’une belle tech-girl (Plaza) travaillant auparavant pour la concurrence, et d’un gros bras nommé JJ (Malone). Ils vont devoir se jauger en cours de mission, alors qu’ils doivent convaincre un acteur d’Hollywood (Hartnett) de leur prêter main forte pour faire diversion auprès du grand méchant (Grant). Pas plus classique comme synopsis. Mais quelque part entre les Mission: Impossible de Tom Cruise et les Kingsman de son ami Matthew Vaughn, Ritchie préfère les allers-retours narratifs, les grosses mandales dans la gueule et l’action pure et dure. Rien de too-much ou d’invraisemblable, juste des espions qui cassent des bouches et sont doués dans leur domaine. Tant qu’on ne cesse de penser aux bouses comme les Fast & Furious pendant ce film, et qu’on se demande pourquoi ça a plus de succès que cette petite bombe de divertissement qu’est Operation Fortune: Ruse de Guerre.
Avec ses films d’action aux budgets modérés tels que ce film (on parle de 50M$), Ritchie tient sûrement quelque chose. Parce qu’il a la liberté de faire ressembler ses films à sa personnalité et ses obsessions, situées quelque part entre les costumes parfaits, le bon vin, les échecs, les vannes décomplexées et les postures on-ne-peut-plus charismatiques de ses acteur.rice.s. En bon maniériste, ses œuvres sont toujours filmiquement limpides et prenantes, et remplissent toute la checklist de qualité du genre. Operation Fortune ne fait évidemment pas exception, bien au contraire, pour notre plus grand plaisir de spectateurs avides de divertissement. Et le plus beau dans tout ça, c’est que notre dose de Guy Ritchie ne va pas cesser d’être assouvie, puisqu’on retrouvera The Covenant dans les mois qui viennent (film de guerre avec Jake Gyllenhaal), et The Ministry of Ungentlemanly Warfare (film historique avec Henry Cavill) dès l’an prochain, tous deux sur Prime Video. Sans oublier la série tirée de The Gentlemen, qui devrait arriver cette année si tout va bien.
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