Sorti en octobre directement sur la plateforme AppleTV+, le nouveau film de Sofia Coppola est passé quelque peu inaperçu. Mais c'est sans compter sur PETTRI, qui vous en parle ici !
Un nouveau film de Sofia Coppola avec Bill Murray ? Volontiers. Mais avec des glaçons. 17 ans après Lost in Translation et 5 ans après A Very Murray Christmas, les deux se retrouvent à New-York, dans un récit plus simple et épuré que les précédents films de la réalisatrice de Virgin Suicides, The Bling Ring et Somewhere. Produit par A24 pour la plateforme de streaming d'Apple, le film porte sa signature quelque peu arty, comme l'avait d'ailleurs les films de Sofia Coppola jusqu'alors, mais ici, on sent qu'elle fait preuve de dépouillement, dilue son style étiré et contemplatif, pour proposer un film plus immédiatement digeste, très direct, qui pourrait plaire au plus grand nombre. Et ce grâce à un rythme plus appuyé, moins de digression artistique, grâce à un montage désormais plus normatif, et fait la part belle à ses comédiens, auxquels elle fournit un scénario somme toute assez classique.
Laura (Rashida Jones) est une écrivaine new-yorkaise qui approche de la quarantaine, elle a deux enfants avec Dean (Marlon Wayans), un bel éphèbe qui travaille beaucoup depuis quelque temps. Confrontée au syndrome de la feuille blanche, elle doute de son mari, de plus en plus distant. Elle en fait part à son père Felix (Bill Murray), galeriste renommé et coureur notoire, qui lui confirme ses doutes et la pousse à chercher plus loin. Dès lors, père et fille se mettent en chasse de la moindre faute de Dean, de plus en plus suspect, entre déplacements et rendez-vous professionnels à répétitions. Grâce à ses deux comédiens principaux, Rashida Jones et Bill Murray, Sofia Coppola tire son scénario simpliste vers le haut, et ce à la faveur de dialogues très bien écrits et d'une gouache murrayenne au diapason de ce que fait l'acteur depuis près de cinquante ans. Jones, quant à elle, s'en tire plutôt bien, en alter-ego de sa réalisatrice, artiste en panne d'inspiration, mère de famille au mari souvent absent (Sofia Coppola est mariée avec Thomas Mars, le leader du groupe Phoenix, qui signe ici la BO, dont le super titre du générique de fin Identical). Jones reste toutefois dans une certaine zone de confort avec comme à son habitude un rôle un chouia plat et conformiste, un peu trop gentil. C'est en effet l'abattage de Murray, associé à une mise en scène classieuse de la benjamine Coppola, qui fait véritablement le film. Joliment tourné en pellicule, dans un New-York bien mis en valeur, c'est Philippe Le Sourd qui éclaire le film, un chef opérateur français auquel on doit Les Proies, et qui a travaillé avec Wong Kar-Wai, les frères Poiraud ou Cédric Klapisch.
Coppola, là est bel et bien le sujet de ce film, finalement. Parce que si l'auteure du film parle évidemment de sa famille à elle, de son mari et de ses enfants, de son quotidien, elle met aussi en scène sa relation avec son père, que Murray se fait un plaisir de jouer avec aplomb. Un homme vieillissant mais brillant, que tout le monde adore et qui dérange pourtant, poussant son enfant à être meilleure, mais qui cache une certaine tristesse sous-jacente. Si Sofia parle de Francis, elle le fait avec une tendresse qui sonne comme une lettre d'amour d'une fille admirative, qui chérit ses moments avec lui tant qu'il est là. Et quand on sait que le cinéma du père Coppola ne parle pratiquement que de famille, il n'est pas étonnant qu'en vieillissant, celui de sa fille ne vienne boucler la boucle, tout en ouvrant de nouvelles perspectives. In fine, On The Rocks est probablement le film le plus accessible de Sofia Coppola, le plus possiblement universel aussi. Il est même son plus foncièrement réussi depuis peut-être Marie-Antoinette. Il en porte en tout cas la fougue, la maturité en plus.
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