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Amandine Thieulent

NINJABABY (critique)

Sortie demain dans les salles françaises de Ninjababy, comédie de mœurs norvégienne et féministe, juste et à l'émotion bien placée. Amandine Thieulent l'a vu et vous en parle pour PETTRI.

« Sperm…that shit sucks. »

Dès l'ouverture de son second long métrage, Yngvild Sve Flikke, réalisatrice norvégienne, donne le ton et nous emmène à la rencontre de la jeune Rakel. Jeune femme vive et nature de 23 ans dont les ambitions sont de profiter de sa vingtaine dans l'insouciance, et surtout, sans responsabilités. Avec des rêves plein la tête, Rakel entend devenir goûteuse de bière, astronaute, bucheronne, globe trotteuse ou bien illustratrice. Et ça tombe bien, car sa grande passion, le dessin, permet à Inga Saetre, l'autrice de bande dessinée éponyme, de signer toutes les animations du film. Car ici, les moods, les pensées et les émotions de notre héroïne sont soulignés par une animation aussi incisive que drôle ; mais également vecteur de poésie, voire parfois de mélancolie.


La vie de la jeune fille bascule lorsqu'elle découvre tardivement sa grossesse. Un déni de six mois qui rend impossible tout avortement, et qui l'oblige à porter cette grossesse à son terme et à accoucher ; en vue d'une adoption. En parallèle, Rakel part à la recherche du père de son enfant. Deux possibilités : « Aikido Mos » le doux et nerdy maître d'arts martiaux qui sent bon le beurre, et « PikkJesus » avec lequel Rakel a entretenu une relation malsaine pendant un long moment. Le film, à la mise en scène plutôt épurée, repose intégralement sur ses personnages touchants et atypiques. Dont le fameux Ninjababy, le petit fœtus animé que Rakel crayonne un peu partout, (baptisé ainsi par son arrivée furtive, évidemment). Très vite, Rakel et Ninjababy interagissent l'un avec l'autre et tissent un lien ténu et complexe, débordant d'amour, de cynisme et d’humour noir.


Ninjababy est avant tout un film féministe nécessaire, qui brosse le portrait d'une jeune femme loin des convenances - et c'est rafraichissant ! Rakel n'est pas apprêtée, et ne cherche pas à l'être. Elle n'a aucun filtre, et se fiche complètement d'être égoïste, bourrue ou vulgaire : les règles, le sexe, les excréments, aucun sujet n'est tabou ! C'est un personnage authentique, et politiquement incorrect qui diversifie les représentations féminines. Brute de pomme et parfois qualifiée comme "dure", Rakel reste un personnage accessible et attachant auquel on s'identifie très vite. Plus précisément, auquel les femmes s'identifient rapidement, car le film questionne forcément le rapport des femmes à leurs corps et leurs envies (ou non) de maternité. Que se passe-t-il quand la grossesse est imposée ? Un sujet difficile, que le film traite en bonne intelligence et avec justesse. L'éventualité de devenir mère et de garder le bébé n'est pas soulevée une seule fois par Rakel. L'avortement étant impossible, le film esquive les faux débats en faveur ou contre le processus. En revanche, il est question la responsabilité de chacun lors d'une grossesse et l'accès à la contraception.


La place des hommes est également centrale dans le film. Les relations sont complexes, subtiles et déconstruites. Elles oscillent entre une colère sourde contre la gente masculine, qui ne se retrouverait injustement jamais dans ce genre de la situation, dans son corps ; ou face à la culpabilité et aux questionnements qui en découlent. Le film met en exergue certaines inégalités homme/femme, mais pas uniquement : il questionne également l'implication des protagonistes masculins auprès de Rakel. Mais évidemment la paternité, est-elle possible sans la présence de la mère ? Les palettes de réactions et émotions proposées au public sont multiples et diversifiées. Enfin, on apprécie le fait qu’aucun des personnages ne tente d’empiéter sur les envies de liberté de Rakel, ses droits et ses choix. Ces messieurs sont ici surprenants et finalement, ce sont eux qui ramènent une certaine forme de douceur à l'ambiance électrique du film.


Ninjababy, est une jolie réussite, tantôt à mourir de rire, tantôt poétique, tout en étant vecteur de questionnement sociaux actuels primordiaux. Le film a également su s'émanciper de ses pairs, tels que Juno, pour trouver une identité qui lui est propre. Et le résultat est aussi jubilatoire que touchant. Yngvild Sve Flikke maîtrise son sujet et nous y entraine avec intelligence, justesse et émotion. À découvrir dans nos salles obscures le 21 septembre !


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