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NIGO - I KNOW NIGO! (critique)

On connaît Nigo surtout des milieux de la mode, notamment pour avoir créé la marque streetwear Bape ou pour ses collaborations avec Uniqlo ou Adidas. Mais c’est un album en forme de compil qu’il nous propose aujourd’hui. Une œuvre intéressante pour autant ?

Depuis 2021, le styliste japonais plutôt orienté streetwear de luxe est directeur artistique chez Kenzo. Un accomplissement en soi pour celui qui écume les podiums et les maisons de création mode depuis plus de 25 ans. On connaissait déjà son attachement auprès de certains pontes de la musique, comme Pharrell Williams ou Kanye West avec lesquels il s’est beaucoup affiché, allant même jusqu’à créer deux marques avec le premier, Billionaire Boys Club et Ice Cream. Il est aussi le DJ du groupe de hip-hop japonais Teriyaki Boyz. En 1999 et 2000, il sort deux projets de DJing nommés Ape Sounds et Shadow of the Ape Sounds, avant de se consacrer à la mode, jusqu’à aujourd’hui. Avec un album au nom très egotrip (I Know Nigo!), il se place pile-poil au bon endroit d’un rap US très autocentré, et symbolisant parfaitement le pont qu’il entreprend entre la mode et la musique.

C’est entouré d’amis très proches, qui vient apposer son nom, sa marque, son aura discrète et impactante : A$AP Rocky, Pharrell, Pusha T, Tyler The Creator, Kid Cudi, A$AP Ferg, Gunna, Lil Uzi Vert, ses Teriyaki Boyz et le regretté Pop Smoke. Un casting cinq-étoiles pour une compil de rap aux BPM divers, alternant entre du hip-hop classieux east-coast à la A$AP, du hip-pop plus expérimental par les Neptunes, des productions boom-bap actualisées par Kanye ou même de la drill très à la mode. Nigo ne se risque pas à plus et se place comme un directeur artistique, un styliste de la musique, une mascotte qui sait parfaitement s’entourer, pour un disque certes un peu décousu, mais tellement bien produit, qu’il s’agit plus d’un tour d’horizon du bon goût rap actuel, plus qu’un album en bonne et due forme.


Entre un freestyle de l’inénarrable duo A$AP Rocky/Tyler The Creator produit par Pharrell Williams et Chad Hugo et un solo de l’artiste de New-York, le projet démarre sur les chapeaux de roue. Et nous montre à quel point un nouvel album de Rakim Mayers (le vrai nom de Rocky) se fait désespérément attendre. Quatre ans qu’il ne nous a pas gratifié de son talent sans pareille pour produire du rap de qualité sur une galette définitive. Mais à la fois son freestyle de 2019 avec Tyler et Arya, trap vengeresse et lancinante au nom du meilleur personnage de Game of Thrones, A$AP Rocky prouve son aisance (comme si c’était nécessaire) sur du rap bling sans jamais le dénuer de son sens premier. Tyler s’amuse quant à lui avec un titre affolant de facilité et d’efficacité : Come On, Let’s Go. Il le coproduit avec son héros et modèle Pharrell, osant des rappels à Outkast pour un titre concluant parfaitement la compil, en plus d’être probablement un de ceux qu’on retiendra dans l’année rap.

Par deux fois, Pusha T vient découper des prods des Neptunes et de Kanye West, avec sa verve inimitable et sa technique incroyable. En prime, il nous fait un cadeau avec le retour des Clipse, puisque No Malice revient en effet sur Punch Bowl, comme à l’époque, la revanche de la richesse en plus, pour des frissons d’émotions à retrouver les deux frères ensemble et produit par le duo de producteurs le plus marquant de ce siècle. Avec Hear Me Clearly, King Push livre un nouveau morceau efficace, plus proche de ce qu’il peut produire depuis quelques temps avec sa collaboration avec Kanye. Dans Functional Addict, Pharrell dilate un beat minimaliste très late N.E.R.D, avec une rythmique à la fois simpliste et expérimentale, et un couplet parfait de Gunna, toujours très en forme.


Avec Want It Bad, Kid Cudi nous refait sa recette tubesque de Man on the Moon III, avec une production made in Pharrell avec tout ce qu'il a d'efficacité planante et dansante. Mais c’est avec son instru pour Morë Tonight pour les Teriyaki Boyz qu’il fait battre la fête à son plein effet, et qui devrait faire vibrer les dancefloors cet été (et les podiums de Nigo). Place à la drill de Pop Smoke, qui se mue à la trap dans Remember, pour un court détour par les tréfonds de NYC, dans un couplet unique qui fait rétrospectivement beaucoup penser au destin tragique de son interprète. Puis vient Heavy, de la drill pure avec un Lil Uzi Vert un peu en retrait par rapport à ses comparses. Mais peu importe, puisqu'il y a un autre gros morceau sur l’album (en plus de celui de Tyler) : Paper Plates. Un titre faisant la part belle à la fureur folle d'A$AP Ferg, compensée par la douceur aigüe de Pharrell, dans une production ronde et bouncy, qui rappelle les meilleurs bangers du trap lord. Une prouesse sans cesse inventive, tout en contretemps et en martèlement entêtant. C’est violent et précis. Imparable.


Vous l’aurez compris, le nom de Nigo n'est qu'un prétexte, un subterfuge pour une compil de potes menée par un Pharrell en grande forme, et où le pont entre le rap et la mode est de plus en plus infime. Surtout avec de tels noms, qui naviguent souvent dans les listes des gars les mieux sapés du monde, sont des trend-setters autant musicalement que niveau fringues, ou même des icônes et des égéries. I Know Nigo!, c’est autant un plaisir coupable qu’un réel bon moment, parfois brillant et tantôt anecdotique. Tout ça à la fois. Un must, du coup.


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