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MINARI (critique)

L’an dernier, on découvrait The Farewell et Tigertail, deux drames indés US très personnels qui prenaient représentaient (enfin) des personnages asiatiques complexes et nuancés. Cette année, c’est au tour de Minari, petite pépite tendre et à la bonté pure toute particulière.

Précédé d’un buzz indé confirmé par un Golden Globe du meilleur film en langue étrangère (ce qui est un peu aberrant, étant donné que c’est un film 100% américain, tourné à la fois en anglais et en coréen), Minari arrive chez nous. Fresque familiale dans l’Arkansas des années 1980, le film fait preuve d’un classicisme doux et d’une belle honnêteté personnelle. Le réalisateur Lee Isaac Chung, à qui on doit le drame Munyurangabo ainsi que la future adaptation de Your Name produite par J.J. Abrams, adapte ici les expériences réelles de sa propre famille à leur arrivée dans une ferme du sud-est américain. Ici, les Yi, jeune couple d’immigrés coréens et leurs deux enfants David et Anne, emménagent dans une grande propriété campagnarde après avoir quitté la grande ville de Los Angeles qui n’offrait que peu d’avenir aux yeux de Jacob, le père de famille. Monica, sa femme, n’était pas entierement d’accord. Pour la tranquilliser, il accepte de faire venir la mère de celle-ci de Corée, pour qu’elle aide avec la maison et les enfants.


De la simplicité de ce récit, Chung tire une fable à la douceur bienvenue en ce moment, tantôt mignonne et drôle, tantôt âpre et déchirante, grâce notamment à une troupe de comédien.ne.s assez grandiose, et une mise en scène à hauteur humaine. S’il explore un récit évidemment et profondément personnel, Chung s’impose une pudeur qui force le respect, mais n’oublie pas pour autant l’émotion, jamais surfaite et un jeu entre les personnages évoquant autant Dostoïevski que le David Gordon Green des débuts (George Washington, All The Real Girls), le gravitas en moins. Parce que Minari n’est pas loin d’être le film dont on avait vraiment besoin en ce moment. Un regard jamais méchant, jamais communautariste, toujours bienveillant et ouvert, sur les différences américaines et ce qui unit tous ces habitants, quelles que soient leurs couleurs, croyances, modes de pensée. Avec un tel pitch, on aurait pu craindre une charge de rednecks sur une famille aux traits différents. Il n’en est rien. Tout respire la bienveillance, et ce même si le film ne manque pas de piquant. En forme d’opéra sur le mode mineur, Minari fait office de réelle réussite tonale, et ce tant par le fond que sa forme.


Minari, c’est un chant passionné et passionnant sur ce que cela signifie d’être américain. Cette famille d’origine coréenne, à en effet des rêves simples d’Americana et de réussite personnelle, qui correspondent ainsi en tous points à ceux des pionniers, qui ne veulent que le bien de leurs enfants et aspirent à une réussite à leur hauteur. Toutefois, la famille Yi veut y parvenir sans pour autant renier ses origines. Traditions, cuisine, remède de grand-mère, les Yi conservent ce qui fait leur identité, jusqu’à la langue, qu’ils parlent majoritairement à la maison, mais que les enfants mettent de côté pour l’anglais, plus aisé pour mettre à part leur mamie notamment. Les passages d’une langue à l’autre sont ainsi très savants et réussis, tant qu’il est assez réjouissant d’entendre le film avec sa mécanique mélodieuse. Parfois, la mise en scène limpide et efficace du film, dénuée d’artifice, se permet des respirations magnifiques, jusqu’à un final opératique, qui se conclue de la plus belle des manières, dans une douce simplicité qui réchauffe le cœur, dans un film dont l'inclusivité promet du beau à l’avenir à Hollywood.

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