Après Hereditary, le surdoué Ari Aster est revenu en 2019 avec Midsommar, conte horrifique en plein jour qui n'en finit pas de passionner et travailler l'esprit de ses spectateurs, longtemps après son visionnage. PETTRI revient dessus à l'occasion du "midsommar", ou le solstice d'été !
Quand on a découvert Hérédité en 2018, rien n’annonçait qu'un premier film, d'horreur qui plus est, ne serait si réussi par les temps qui courent. Mais c'était sans compter sur l'œil du nouveau venu Ari Aster, wonderboy du genre qui transforme l'essai ici avec son deuxième long-métrage Midsommar. Dans ce film, Dani est une jeune américaine qui fait face à un drame familial violent et traumatisant, à moitié soutenue par un petit ami un peu lâche qui l'invite tout de même avec lui dans un voyage en Suède chez un de ses amis universitaires. Ce petit groupe se retrouve donc dans le nord suédois durant l'été où le soleil ne se couche presque plus et où ils font la connaissance de la communauté recluse de leur ami Pelle. Parce que oui, cet ami suédois vient en effet d'une espèce de groupe sectaire hors du temps, tapi dans une vallée verdoyante et à l’architecture géométrique. Mais vous vous doutez bien qu'avec un pitch plutôt commun comme celui-ci, Aster va tirer sur la corde pour en traiter chaque pore de façon éminemment personnelle, familiale et/ou filiale.
Après une ouverture picturale très significative et plusieurs plans-tableaux de nature désaturés et sombres, Aster dilate un prologue foncièrement particulier, entre la tension, la noirceur et la distance comique de la lâcheté masculine. C'est avec une piéta quelque peu forcée que se conclut cette ouverture à la fois précise et nécessaire à ce qui ne sera pas votre film d'horreur habituel. Car une fois le groupe de cinq jeunes gens en Suède, un travail de l'image léché à la limite de la sur-exposition fait son apparition dans le cinéma d'Aster. Ses cadres, toujours soignés, s’accompagnent désormais également d'une caméra virevoltante, avec toujours une lumière superbe de Pawel Pogorzelski, son génial chef opérateur d'Hereditary.
Si Aster a un solide casting masculin, entre Jack Reynor et Will Poulter (tous deux vus dans le Detroit de Bigelow), de Vilhem Blomgren et de l'excellent William Jackson Harper (The Good Place), c'est bien Florence Pugh (Outlaw King, Little Drummer Girl) qui tire son épingle du jeu, entre son visage moderne saisissant, sa folle capacité de scream queen et une aura de sorcière folle. La nuance avec laquelle elle aborde ce personnage touche au sublime, jusqu'à un plan final mémorable. Et s'il est mémorable ce n'est pas vraiment dû à ce qu'il s'est passé avant pour mener à ce plan (et qu'on taira dans ces lignes), mais grâce à la maîtrise totale d'Ari Aster, qui dilate son récit pour mieux choquer, et dans les effets et dans l'émotion, en prenant le temps de mener un récit intense mais simple durant une pourtant étonnante durée de 2h20. Et ce temps, Aster le met à mal en jouant comme un vieux de la vieille sur les codes et les attentes du genre, dans une mise en scène toujours plus inspirée et impressionnante de maîtrise.
Mais c'est bien la gestion tonale folle du film, entre la sidération et le rire (souvent nerveux), qui marque dans ce conte de fées cauchemardesque à la fois précis et sans cesse inventif. Ce film de rupture pervers rappelle tantôt The Wicker Man, tantôt Bergman, dans un écrin entre le drame et l'horreur, allant jusqu'à se permettre quelques soubresauts de gore bienvenus, toujours justes et motivés. Mais Midsommar prouve surtout qu'Aster utilise les codes de l'horreur pour explorer davantage les affres des traumas humains que des jumpscares aisés très à la mode dans les films contemporains du genre. Rien de ça ici (ou dans Hereditary), mais plutôt une plongée dans le deuil et la fidélité, dont la réussite égale voire dépasse le coup d'essai de son auteur. Nous aurions tendance à vous dire d'y aller les yeux fermés, en en sachant le moins possible, mais ça serait un peu mal venu pour un film se déroulant dans une secte, non ?
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