Après un single et une session live, le groupe Liquid Bear sort en autoproduction son 2e EP Heavy Grounds ce mois-ci. 5 morceaux puissants, marqués par l’année qui vient de s’écouler. Pettri l’a écouté et vous dit tout.
Dès le début du confinement, on s’est demandé à quel point la pandémie et ses conséquences, à commencer par les mesures sanitaires, impacteraient les mentalités. Une interrogation qui touche évidemment la sphère artistique : comment tout cela s’y traduirait, quel genre d’empreinte cela laisserait sur les créations à venir.
Parmi les réponses apportées entre illustrations, séries, podcasts et albums, prêtons attention à celle de Liquid Bear : Heavy Grounds.
Il s’agit du 2e EP du quatuor formé des musiciens Kostia Yordanoff (Chant et Basse), Ilya Franciosi (Guitare et Chœurs), Gaspard Kremer (Claviers) et Adrien Rouyer (Batterie et Chœurs). Issu d’une reformation, Liquid Bear est le point central où se retrouvent les 4 amis aux parcours musicaux variés, cherchant à se distinguer de la scène rock française, plus particulièrement parisienne.
Fin 2018, Liquid Bear se fait connaître grâce à un premier EP remarquable. Unwind mêle rock psychédélique, progressif et stoner, avec des structures musicales, rythmiques complexes, et une technique rigoureuse, le tout sans perdre son auditeur. Une ambition que l’on retrouve de nouveau avec Heavy Grounds.
Son descriptif est éloquent : “Écrit et enregistré pendant la triste année 2020, le second EP de Liquid Bear, "Heavy Grounds", met l'emphase sur un monde en déclin, aux abords duquel une génération sacrifiée se retrouve figée sur place.”
En 2020, le groupe, qui devait entrer en studio en mars, a vu comme beaucoup son calendrier chamboulé. L’EP, déjà avancé dans sa composition, s’en ressent et prend, dans la musique comme les paroles, une teinte plus sombre et violente.
Car c’est bien plus qu’un cri du cœur face à une année, faut-il encore le dire, éprouvante sur tous les plans. La déflagration se fait entendre, portée sur 5 titres par la voix majestueuse et désespérée de Kostia sur fond de guitares lourdes, de solos déchirants et d’orgues saturés. La marque de fabrique est trouvée, et elle est savoureuse. Face à un monde qui va droit dans le mur, le groupe porte les lettres de noblesse du genre progressif avec allure.
En effet, il y a comme un goût de Porcupine Tree, entre In Absentia et Fear of a Blank Planet, mâtiné de Riverside et d’Opeth dans cet EP autoproduit. Loin des structures traditionnelles du rock, la rythmique, les mélodies et les harmonies vocales nous le rappellent, ici, c’est du prog, c’est du stoner, c’est du lourd. Comme dirait l’autre, pas le temps de niaiser.
Premier morceau de l’EP, Goblin Crusher opère une transition grunge avec Unwind, entre lumières et ténèbres, classique et expérimentation. Ainsi s’ouvre une autre dimension de l’univers de Liquid Bear. Il s’agit de trouver sa place dans un monde hostile, et le morceau nous le fait comprendre, cela ne va pas de soi.
On pourrait être tenté de se laisser aller à la passivité, à l’image de la grenouille fumeuse de la couverture de l’EP. Ce serait oublier que tout batracien à qui l’on fait téter des clopes finit par exploser. C’est ni plus ni moins le message de The Frog, où un autre sort peu enviable attend l’animal et celui qui choisit sa voie. Telle est la fable de la grenouille ébouillantée. Ni opposition, ni révolte, juste de vagues interrogations qui se dissolvent lentement dans une eau de plus en plus chaude. On s’habitue, et c’est là tout le drame.
Mais la suite de l’EP a de quoi tenir éveillé. Les chansons Waiting to Burst et Billion of Crabs, toutes en gradation, sont mes coups de cœur à titre personnel. La première a des allures de bande-son de fin du monde, une bulle sur le point d’exploser. La deuxième, plus lancinante, touche aux vies dérisoires face au temps et à la maladie qui s’empare des corps, répandant ses métastases avides de chair et d’os. Le paroxysme est atteint avec le solo d’Ilya et la voix rageuse de Kostia.
Enfin, le titre éponyme, sorti en single, conte l’arrivée d’un marchand de sable. Venu semer son œuvre sur le monde, il se casse les dents en découvrant que ce dernier ne l’a pas attendu pour se détraquer. Ainsi alternent couplets chaotiques et refrains presque sereins en comparaison, servant une conclusion plutôt ironique sur solo de fretless.
Voilà donc la réponse de Liquid Bear à 2020, au monde en miettes et aux générations sacrifiées. La musique est vecteur d’images et d’émotions, avec autant de possibles que de genres et d’influences. Ce que le groupe a parfaitement compris et montre dans ce nouvel EP. Tel le marchand de sable de Heavy Grounds, on ne peut que s’incliner face à ce quatuor prometteur.
Pour commander l’EP en physique ou digital, c’est par ici.
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