Pour fêter la sortie de la nouvelle série Prime Video nommé Les Anneaux de Pouvoir (The Rings of Power), dont la diffusion débute demain, nous avons de revenir sur la trilogie de Peter Jackson. Jofrey La Rosa revient sur le premier volet de la grande aventure de Frodon en Terre du Milieu.
C'est en décembre 2001 que sort le premier des trois volets de la saga immortelle Le Seigneur des Anneaux. C'est donc à ce moment-là que le monde découvre les trois premières heures (quatre en version longue) de cette trilogie qui deviendra culte. C'est aussi 4 ans de développement, 2 ans de tournage back-to-back-to-back pour les trois chapitres, ainsi que d'innombrables avancées techniques et technologiques concernant les effets spéciaux numériques, alors en plein boom après Jurassic Park et Titanic. Produit par New Line et Miramax époque Weinstein (oui, oui...), on est assez loin des énormes studios historiques, et même la question du budget semble colossale : 280 millions de dollars pour les trois (très longs) films, là où aujourd'hui le moindre des gros blockbusters hollywoodiens coûte ce prix à produire. Mais le risque était à la hauteur de la faiblesse – relative, on est loin du petit budget – du chèque alloué au réalisateur néo-zélandais Peter Jackson. S'il fait aujourd'hui partie des grands auteurs d'Hollywood, à l'époque, c'est là aussi un pari que de mettre dans ses mains un projet si ambitieux et risqué. Parce qu'à l'époque, le surdoué de la série-Z (Bad Taste, Braindead) et du documenteur (Forgotten Silver) n'a que deux films « sérieux » à son actif, tous produits en Nouvelle-Zélande : Créatures Célestes et Fantômes contre Fantômes – le second étant une comédie noire horrifique co-produite par Universal. Mais le producteur-réalisateur n'a pas froid aux yeux et se jette sur cette propriété de J.R.R. Tolkien, encore jamais exploitée en live au cinéma (des films d'animation avaient été produits à la fin des années 1970).
Et le moins que l'on puisse dire, plus encore 21 ans après, c'est l'incroyable générosité et la constante appétence de ce divertissement. La Communauté de l'Anneau développe ainsi sur près de 3h40 les prémices d'un récit sur le long terme, une aventure épique et inédite, aux multiples personnages, dans un univers riche et précis de fantasy hardcore. Cela semble plutôt normal de nos jours, avec par exemple les succès fous de Game of Thrones ou des films Thor, mais à l'époque le pari est hasardeux, tant l'univers est niche. Mais peu importe, le film et la franchise ont été immensément lucratifs, entraînant même une trilogie préquelle nommée Le Hobbit, centrée sur Bilbo, l’oncle de Frodon et précédent détenteur de l’Anneau.
Le film commence par un prologue en forme de légende épique, dotée de batailles, de Bien contre le Mal, de présentation de peuples en tout genre, de multiples personnages et d'enjeux, qui guideront le récit principal à venir. Virtuose, cette séquence restera dans les annales comme un testament de l'ampleur qu'aura voulu insufflé Jackson à sa saga, le grandiose magique de son sujet se traduisant par une mise en scène toujours inspirée, alternant les drames personnels aux enjeux militaires globaux et immenses, de très gros plans venant magnifiés l'objet de tous les désirs et de tous les malheurs : l’Anneau. Cette introduction passée, Jackson ne se contente pas de tirer sur la corde d’un récit typique du sempiternel voyage du héros théorisé par Joseph Campbell, mais met en scène une aventure colossale, dans laquelle une multitude de personnages bien marqués viennent combattre le Mal symbolisé par Sauron, cet Œil omniscient qui a besoin de l’Anneau pour retrouver l’entièreté de ses pouvoirs maléfiques. Pour incarner Frodon, Sam, Aragorn, Gandalf ou encore Legolas, Peter Jackson s’est entouré d’un casting fou, qui étonne encore aujourd’hui par sa versatilité et son ampleur : Elijah Wood, Viggo Mortensen, Sean Astin, Ian McKellen, Ian Holm, Cate Blanchett, Orlando Bloom, Liv Tyler, Hugo Weaving, Dominic Monaghan, John Rhys-Davies, Sean Bean ou encore Christopher Lee. Tous parfaits, ils brillent par leur implication et l’immédiate caractérisation qu’ils apportent à des personnages très nuancés, à la fois bigger-than-life et très attachants. La communauté que forme les héros est ainsi un véritable travail d’orfèvre de la part des casteurs, tant les neuf personnages, parmi eux deux Hommes, quatre Hobbits, un Nain, un Elfe et un Magicien, sont complémentaires, indissociables et indispensables.
Bourré jusqu’à la moelle d’aventures, ce premier film de la saga enchaîne les séquences d’action à la fois bluffantes et divertissantes, à un rythme effréné, le montage étant sans cesse vif et inventif. Mais c’est bien les effets spéciaux, numériques et réels, qui impressionnent, tant les avancées que ce film a apportées sont énormes : outre le logiciel Massive qui a révolutionné l’imagerie de foules à Hollywood, on assiste à des CGI tous plus beaux les uns que les autres, parfaitement intégrés encore 17 ans après. La faute aussi au magnifique travail du directeur de la photographie Andrew Lesnie, qui a mis en images les trois films de la trilogie - ainsi que ceux du Hobbit, mais en numérique et en 48ips. Son image, léchée et contrastée, de beaux tons verts, bleus, oranges tout à fait magnifiques et des jolies lumières directes ou glowées sont parmi les plus belles du cinéma fantastique de mémoire récente. Avis aux amateurs de low-shutter expressionniste, il y en a une tripotée, sur les méchants Orques au style si soigné. Il faut dire aussi qu’un soin tout particulier a été apporté à toute la direction artistique, tant au niveau des décors que des costumes, du design des personnages ou des créatures aux accessoires et autres armes. Décidément, dans ce premier film de la saga, Jackson n’a rien laissé au hasard : jusqu’à la musique d'Howard Shore, aujourd’hui culte pour une raison, puisqu’elle déploie un nombre fou de thèmes, de motifs et de variations, autour d’une orchestration faisant la part belle à la flûte et au choeurs. Immanquable, toujours indispensable et incroyable, cette première partie d’un récit grandiose est un véritable chef d'œuvre comme on en voit que trop rarement, et le revoir est forcément toujours un plaisir. Faites-le si vous ne me croyez pas.
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