Cela fait 35 ans aujourd'hui que sortait La Folle Journée de Ferris Bueller sur les écrans américains. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce film de John Hughes n'a pas pris une ride.
Œuvre étendard de la filmographie de John Hughes, grand pape de la comédie tendre américaine des années 1980, La Folle Journée de Ferris Bueller est un chef d'oeuvre. Bien qu'ayant eu un succès mitigé en France, le film est un carton plein aux États-Unis, devenant vite un des plus gros succès de 1986, l'année de sa sortie – et plus tard un film culte. Très marqué par son époque, tant dans le style vestimentaire de ses personnages que dans son idéologie de fond : entre la génération MTV avec un amas de musiques pop, de l'époque (Oh Yeah de Yello) ou intemporelle (Twist & Shout des Beatles), et l'ultra capitalisme triomphant des années Reagan, typique de la toile de fond des films de cette ère. Le film semble pourtant de prime abord n'être qu'un simple teen-movie en mode « comment... en 10 leçons ? » : ici, notre protagoniste Ferris Bueller va nous expliquer comment sécher les cours pour une journée. Et entre faux appels téléphoniques et gadgets à la MacGyver, le film tient en effet ses promesses. Sans s'y arrêter pour autant. En effet, de cette histoire d'ados à la fin d'une époque, John Hughes tire un véritable miracle de cinéma, fait de mise en scène pure, de montage précis et d'écriture enlevée.
Le procédé de mise en scène le plus immédiat et le plus identifiable est évidemment la fâcheuse tendance de Ferris à briser le quatrième mur, à nous parler directement à nous, les spectateurs, en regardant dans l'objectif de la caméra. Fort de son incroyable lancée dans les trois années qui précédent (Vacation, Sixteen Candles, The Breakfast Club, Weird Science, Pretty in Pink, rien que ça), Hughes écrit Ferris Bueller's Day Off en à peine une semaine, et tourne quasiment le premier jet du scénario, trouvant le film au montage comme à son habitude. Et ici, le moins que l'on puisse dire, c'est que les choix éditoriaux du scénariste de Beethoven sont radicaux et pour le moins originaux. Des inserts courts, du montage significatif à la soviétique, un rythme lancinant et alterné avec le proviseur du lycée et Jeanie, la sœur de Ferris, autant de maniérismes complètement assumés et étranges venant d'une comédie mainstream pourtant immédiatement simple et irrévérencieuse. La faute à une écriture précise et au personnage de Ferris, prodige stylé, insouciant et adorable, dont l'abatage de son interprète Matthew Broderick érige tout de suite en figure pop et culte. Si ce n'était pas assez, un cameo de Charlie Sheen vient égayer la sous-intrigue de Jeanie, tandis que les gadgets de Ferris pour ériger son mensonge présagent ceux de Kevin McCallister dans les deux Home Alone, écrits et produits par Hughes quelques années après. Ce qui étonne aussi, c'est la propension à créer de réelles scènes cultes qui s'amoncellent tout au long du métrage : par exemple, durant une parade dans Chicago et sur Twist & Shout, on assiste à une séquence démente de folie dansante, communicative et collective. Aussi, dans un musée, Hughes se lâche totalement pour créer une scène grandiose, entre farandoles enfantines, picturalité contemporaine, sculptures vivantes, romantisme moderne, abstraction sentimentale. Tout bonnement incroyable. En outre, la multitudes de gags visuels et l'effervescence orale du film sont également un point sur lequel on distingue une patte indéniable et folle – au sens propre de la folie, mais on y reviendra.
Car plus qu'une simple comédie teen, Ferris Bueller's Day Off est d'abord un film sur la dépression, puis sur le poids du regard parental, sur l'amitié et la fin d'une époque. Et ce n'est pas le personnage de Ferris qui évoque le mieux cela, mais celui de Cameron, son ami qui, comme d'habitude, est entraîné dans les frasques du jeune au cardigan panthère. Celui-ci, réellement malade en début de film, abandonné émotionnellement par ses parents, seul et fermé, a tout du dépressif. Le film, c'est son parcours pour sortir de ce mal-être, de cette folie douce, plus que n'importe quoi d'important concernant le personnage du titre. Une théorie va jusqu'à affirmer que Ferris est une manifestation de l'esprit de Cameron, à la manière de *spoiler* Tyler Durden dans Fight Club. Et en effet, les aventures de Ferris, Cameron et Sloane (l'amoureuse de Ferris) semblent trop fantasmagoriques, coûteuses pour des lycéens et trop nombreuses pour se dérouler le temps d'une courte journée scolaire. Aussi, le parallèle entre les deux en début de film (l'un est malade, l'autre fait semblant de l'être), ainsi que les parents irréprochables de Ferris, semblent être un fantasme de ce qu'aimerait Cameron. Il ira jusqu'à dire lors d'une discussion avec Sloane – cette fille trop parfaite pour être réelle, rappelant un peu la création de Weird Science ? – que pour Ferris, tout est possible, tandis que lui n'ose rien faire de cette vie. La morale – et ultime réplique du film – est en effet révélatrice d'où veut en venir Hughes : « Life moves pretty fast. If you don't stop and look around once in a while, you could miss it. » (La vie passe vite. Si tu ne t'arrêtes pas de temps en temps et regarde un peu ce qu'il se passe, tu pourrais la rater.) Donc, c'est simple : séchez l'école ou le travail, parce que ça pourrait être aussi cool que La Folle Journée de Ferris Bueller.
Et n'oubliez pas de rester jusqu'au bout du générique, bien évidemment.
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