top of page
Jofrey La Rosa

LA COULEUR DE L’ARGENT (critique)

Dernière mise à jour : 6 avr. 2023

Après les échecs publics de La Valse des Pantins et de After Hours, Martin Scorsese se tourne en 1986 vers une suite au très respecté The Hustler (L’Arnaqueur), toujours avec Paul Newman, mais aussi un jeune premier qui a le vent en poupe : Tom Cruise. Critique de La Couleur de l’Argent pour PETTRI.

Après avoir signé des chefs-d’œuvres très respectés tels que Taxi Driver ou Raging Bull, le maestro Scorsese essuie coup sur coup les pots cassés commerciaux de La Valse des Pantins et de After Hours. Si ces deux films plus “légers” sont aujourd’hui très respectés, voire copieusement pompés dans des succès pop (hum-hum le Joker de Phillips, hum-hum l’album de The Weeknd de 2020), ils sont en effet un revers de bâton un peu dur pour un Scorsese pourtant déjà pas au meilleur de sa forme. Il décide donc de se plier à l’exercice de la suite, voire ce à quoi on pourrait référer aujourd’hui comme une legacyquel. Il prend en effet le personnage de “Fast” Eddie Felson, incarné par Paul Newman dans le film de 1961 The Hustler (L’Arnaqueur, dont vous pouvez trouver la critique sur PETTRI), pour l’associer à un jeune rookie du billard : Tom Cruise, qui interprète Vincent Lauria. Affublé d’une petite amie dont il est fou amoureux (Mary Elizabeth Mastrantonio), ce jeune homme est un prodige de la table de billard, qu’Eddie repère et décide de prendre sous son aile, tout en profitant de ses talents pour se faire un bon paquet d’oseille au passage. Et alors, on retrouve avec plaisir le roublard manipulateur (vieillissant) qu’est Eddie, séducteur et brillant, mais tout de même un peu ambivalent.


Pour ses premiers pas dans le cinéma purement commercial, Martin Scorsese ne déroge pourtant pas de son style unique. Avec ses mouvements d’appareil caractéristiques et ses points de montage coup de poing, Marty et sa géniale monteuse Thelma Schoonmaker se régalent à mettre en scène et en rythme les scènes de billard, et mènent un récit simple et efficace de relation filiale, dans un film sportif nuancé et tragique. Toutefois, le fun est tout de même de la partie, et on suit avec plaisir les deux hommes se tirer la bourre autour d’une jeune femme qui s’avère être une pierre angulaire de l’arnaque à l’œuvre dans la méthode de jeu d’Eddie et Vincent. Évidemment, Tom Cruise est une tête brûlée au talent proportionnel à son intrépidité, comme il en interprètera des pelletés dans les années 1980 (Top Gun, Jours de Tonnerre, Cocktail). Mais la rudesse de Scorsese permet à la jeune star, face à une légende qui reprend un de ses rôles emblématiques, de trouver une certaine âpreté dans ce récit qui tire parti d’un film originel déjà plutôt réussi quant à la caractérisation nuancée de son personnage. Et si le motif du billard donne au film un ton de film sportif, adjoint de petites arnaques de petites frappes, c’est bien le portrait de ces trois personnages qui intéresse Scorsese : leurs interactions, leurs oppositions, leurs émotions. Si parfois le film s’égare dans des considérations un peu attendues, le constat global reste prenant et assez sidérant niveau mise en scène. Au final, La Couleur de l’Argent est un Scorsese mineur certes, mais qui témoigne de son amour pour le cinéma hollywoodien classique et néoclassique, dans une peinture sociale, thématique et noire, mais toutefois décomplexée de personnages, d’environnements et de milieux. Un grand petit film, en somme.

Comments


bottom of page