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L’ARNAQUEUR (critique)

Avant la critique de La Couleur de l’Argent dans le cadre de notre rétrospective Tom Cruise, Jofrey La Rosa tenait à revenir sur L’Arnaqueur, film marquant avec Paul Newman de 1961, dont il est une suite plus ou moins officielle.

“Fast Eddie” Felson (Paul Newman) est un incroyable joueur de billard. Mais c’est surtout un petit arnaqueur, qui arrive toujours à se sortir d'affaires. Jusqu’à son match, interminable et alcoolisé, contre Minnesota Fats (Jackie Gleason). Un joueur tout aussi fort, mais bien plus malin quant à la gestion du match. Ruiné, Eddie abandonne son partenaire Charlie (Myron McCormick) et fait la rencontre de Sarah (Piper Laurie), une jeune femme de laquelle il s’éprend vite. Mais il n’est pas vraiment ce qu’il faut pour cette femme fragile et s’associe avec Bert (George C. Scott), pour enfin se refaire. Un pitch classique de drame criminel, assorti d’un film sportif autour du billard, voilà ce qu’est L’Arnaqueur (The Hustler en VO). C’est surtout un film assez symptomatique du Hollywood de 1961, pile-poil dans le creux de la vague classique, et avant l’arrivée de nouveaux talents qui vont bousculer la fin de décennie. Cependant, il est emprunt de toute la vague ‘rebelle’ à l’œuvre depuis les années 1950, de L’Équipée Sauvage de Marlon Brando ou de La Fureur de Vivre de James Dean ; avec un twist, celui de vieillir un peu le personnage. Eddie est plus âgé que ses comparses dans ces films-là. La trentaine passée, c’est un bellâtre mais aussi une petite frappe, qui connaît sa valeur mais se noie dans des hectolitres de bourbon, séduit une femme et la détruit peu à peu, avant de s’en vouloir quand c’est trop tard.


Un personnage en somme complexe, qu’il s’agit de louer, tant le film repose entièrement sur lui et la performance qu’en fait Paul Newman. Pas étonnant donc que Martin Scorsese se passionne pour cet Eddie dans La Couleur de l’Argent quelques vingt-cinq ans plus tard, en le mettant dans le rôle du mentor. Mais pour l’heure, Newman porte tout entier un film parfaitement mis en scène, avec simplicité et efficacité, avec une certaine modernité mais un noir-et-blanc souvent un peu trop plat, parfois suréclairé, dans un rendu quelque peu disparate pour créer une réelle unité à l’ensemble. Néanmoins, le montage assez rythmé des scènes permet une impression de vitesse, que le flow global du film manque cruellement. Le film est en effet terriblement long et étiré, d’autant plus au (re)visionnage actuel, où tantôt la construction bancale, tantôt la lenteur du récit général, tendent à alourdir. Un peu balourd donc, mais le film s’en sort toutefois grâce à son casting, sa musique originale (signée Kenyon Hopkins) et sa mise en scène on l’a dit.


Mais ce qui accroche réellement le spectateur, c’est les thématiques que le film aborde : la toxicité des relations, l’alcoolisme, mais plus globalement toute l’expérience humaine de gagner et perdre. Le film termine en effet sur le personnage qui se rend derrière la dure réalité et contre ses rêves - fait très rare dans le cinéma hollywoodien. Un film pessimiste ? Sûrement un peu, mais surtout un grand drame, parfaitement interprété et écrit, qui mène son personnage, un anti-héros parfois brillant parfois pathétique, toujours faillible, à une résolution nuancée et plutôt bienvenue. En somme, un film à l’image de son personnage principal.

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