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Sophie Le Gallo

L'AMBULANCIER - L'AMBULANCIER (EP) (critique)

Dernière mise à jour : 9 janv. 2022

Le 26 mars dernier, L’Ambulancier a débarqué avec son EP éponyme, inspirant moult figures de style à base de véhicules et soins infirmiers dans les chroniques musique des webzines francophones. Disons-le de suite : celle-ci ne fera pas exception.

Alors que la sinistrose bat son plein du côté de la culture, une lumière point à l’horizon. Celle du gyrophare de L’Ambulancier, qui fait son entrée dans la chanson française. Mais pas n’importe laquelle, de chanson française. Celle qui se positionne entre engagement, histoires d’amour plus ou moins heureuses, portraits d’époques, et jeu des sonorités sur fond de rock’n’roll. Sauf qu’ici, Alain Souchon aurait tâté du post-punk et des boîtes à rythme après avoir maté Supercopter et les Tortues Ninja. Pour reprendre les mots de l’artiste, “Typiquement le truc qui passerait sur l'autoradio de John Carpenter pendant ses vacances à Bagnolet.”


L’artiste ? Parlons un peu de lui. Voici Palem Candillier, musicien et compositeur particulièrement touche-à-tout. Ancien chanteur et guitariste de groupes parisiens tels So Was The Sun et Uranium Blues, il officie sur scène avec Sophie Le Cam et le groupe Les Reines du Baal (visibles également ici). On lui doit par ailleurs moult chroniques sur La Grosse Radio, une excellente analyse de In Utero de Nirvana parue aux éditions Densité, une à venir sur un certain album des Beatles, ainsi que quelques sketchs audio. Et encore, je ne fais qu’effleurer la surface. On lui trouverait des talents de couturière que ça ne m’étonnerait pas. Mais je digresse.


Auprès de l’Ambulancier, il y a entre autres Hugo Cechosz et Arnaud Bascuñana pour réaliser l’EP, deux connaisseurs en variété notamment francophone : le premier est l’un des membres d’Eiffel et a joué avec Miossec et Arthur H. Le second a collaboré pêle-mêle avec -M-, Tigran Hamasyan, Deportivo, Alexis HK, Les Wriggles, Les Wampas… Du beau monde, donc.

Tout ceci sous la houlette du label Tadam Records, né des suites de l’année 2020, et de son modèle inédit. Le label se veut inclusif, collaboratif, féministe, incluant les artistes dans ses prises de décisions. Voilà qui est rafraîchissant dans une industrie musicale où l’artiste a davantage été considéré comme un objet de marketing, promotion, communication, y compris dans les labels dits indépendants, un produit nécessaire et remplaçable pour le bon fonctionnement de ces petites entreprises.


Pour en revenir à ce fameux EP, l’Ambulancier et ses Brancardiers, Henrique Valadares et Charly Chevreux, donnent le ton dès le premier morceau. Antisystème Solaire trace un portrait de famille des complotistes, sceptiques et pseudo-experts en tout genre qui pullulent sur la toile et diffusent leur parole comme autant de prêches douteux et fatalistes. Mentionnons le clip dédié, qui ravira les adeptes des conférences TED.


Évidemment nous fait entendre un riff nerveux à la Placebo ponctué de boîte à rythme, soulignant la difficulté d’intégrer des groupes sociaux, et surtout de s’y ancrer. Si L’Ambulancier est toujours là pour panser nos plaies, il n’en demeure pas moins solitaire.


Passons à Alignement Désastre, qui aborde une autre difficulté bien contemporaine : celle de s’ouvrir au monde lorsqu’on est pris dans la toile du net. Nos biais sont renforcés, le fossé se creuse entre indignation virtuelle et actions concrètes. On s’indigne devant nos écrans pour mieux s’aligner devant la gravité implacable.


Qu’est-ce qu’on s’amuse sert son propos. D’une voix monocorde, Palem chante le divertissement boulimique, le like compulsif, like qu’on est de plus en plus tenté de gagner en cumulant les provocations, les expressions stéréotypées connues des réseaux et des comportements nocifs. Palem est catégorique à ce sujet : “Le texte parle de notre abrutissement, du fait qu’on se gave de divertissements qui ne sont plus seulement des divertissements mais des injonctions nocives où on nous demande d’être détachés de tout, de relativiser et de rire grassement de la misère et des choses difficiles. J’ai vraiment du mal avec ça, la frontière entre l’amusement inoffensif et l’idéologie est vraiment en train de tomber et ça légitime des comportements insupportables.”

On imagine Alain Souchon se resservir une tasse de café bien serré avant d’écrire les paroles, une clope au bec.


Le clou de la fin arrive avec Monogame, douce-amère pour celui ou celle qui subit une relation libre plus qu’il ou elle en profite. Il n’y a pas toujours que des gagnants dans ces histoires à l’équilibre parfois précaire, ce qu’évoque le polysémique : “Mais dans ma veine/J’ai que nous deux”.

Le clip lui donne une tournure plus grinçante, à vrai dire. Dans une ambiance de thriller angoissante, L’Ambulancier se fait voyeur nocturne, kidnappeur et amateur de clé à molette. On dit que ses victimes sont encore séquestrées du côté du Bois de Boulogne, mais c’est une autre histoire.


Après quinze minutes dans l’Ambulance, on ressort avec l’impression d’avoir fait plein de drifts dans le quartier, et on en redemande. Gardons un oeil attentif sur le conducteur et sa belle équipe, et souhaitons-leur de faire leur entrée sur scène, très vite.


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