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I FEEL GOOD (critique)

Alors que sort dans quelques jours le nouveau film avec Jean Dujardin (Sur les chemins noirs), revenons sur un de ses rôles récents les plus étonnants avec I Feel Good. Dans cette proposition de Benoît Delépine et Gustave Kervern, il incarne un débile qui touche au cœur et aux zygomatiques.

Pour leur huitième film réalisé à quatre mains, le duo grolandais Benoît Delépine et Gustave Kervern décide d'emmener Jean Dujardin dans un village Emmaüs aux alentours de Pau. Son personnage, idiot magnifique vieillissant, désire vendre des séjours de chirurgie esthétique low-cost à des gens sans le sous, leur promettant monts et merveilles. De ce postulat simple mais qui leur ressemble, les deux réalisateurs tirent un récit à la fois touchant et drôle sur l'humanisme naissant dans un capitaliste qui vendrait père et mère pour devenir riche. Mais c'est sa sœur (Yolande Moreau) qu'il va trouver lorsque lui vient son « idée de génie » pour construire son empire financier. Celle-ci dirige un village Emmaüs, sorte d'utopie de l’entraide où on offre le gîte et le couvert aux gens dans le besoin, contre du travail pour la communauté. On découvre d'ailleurs un lieu très visuel, fait d'une architecture colorée et très particulière ou de wagons de train, qui participe à une certaine poésie présente dans cette comédie sociale, franche et de bonne facture.


Il est assez étonnant de retrouver Jean Dujardin dans un film de Delépine et Kervern. Mais finalement, il est parfaitement à sa place. On a même parfois l'impression de retrouver son personnage de loser fini du segment La Bonne Conscience, réalisé par Michel Hazanavicius pour Les Infidèles, menteur, profiteur, lâche, et amoché. C'est donc un personnage très ambivalent qu'on voit Dujardin faire évoluer, à la fois à contre-emploi et dans un rôle fait pour lui, sorte de capitaliste bouffé par le système, feignant et manipulateur, méchant mais charmeur.


Cependant, on se rend vite compte que le propos louable du film, pourtant drôle, est un peu vain, car déjà vu ça et là dans le cinéma de Delépine et Kervern, fait de petites gens, d'humanisme doux-amer et d'un goût poussé pour la marge. Le ton si particulier de ces cinéastes est à la fois appréciable et quelque peu systématique, enfermant Yolande Moreau dans son sempiternel (et néanmoins agréable) personnage d'ingénue adorable et pleine de cœur. Reste une comédie réussie par bien des aspects, notamment son ton, sa drôlerie quasi constante, et ses cadres, toujours soignés et intéressants. La mise en scène est en effet souvent jolie, et à défaut de réelles fautes de goût, gagnerait à être plus resserrée dans un montage plus concis et direct. Le rythme de certaines scènes, et du film dans sa globalité, n'évite effectivement pas les redites ou certaines longueurs. Notamment ces ellipses en forme de pauses musicales, jouées en live devant les caméras avec des pianos du village, mais aussi des lave-linges. Heureusement d'ailleurs que le troisième acte retrouve un peu de souffle en quittant le village pour montrer aux spectateurs et aux personnages du pays, entre la Roumanie et la Bulgarie. Finalement, l’honnêteté de l'entreprise ainsi que le véritable cœur du film, les gens simples et solidaires, sont si purs et drôles, que Delépine et Kervern évitent de justesse que le film tende vers une certaine lourdeur politique qui aurait été malvenue, tant le message est fort avec un ton si juste.

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