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HATIK - VAGUE À L’ÂME (critique)

Après ses Chaise Pliante et le succès de la série Validé, Hatik arrive avec Vague à l’âme, son premier (double) album, synthèse de ses obsessions formelles et thématiques aux (chan)sons éclectiques.

Après le succès exponentiel de sa série de mixtapes Chaise Pliante et son exposition suite à la série Canal+ Validé dans laquelle il joue le rôle principal, Hatik est désormais une popstar. Mieux, il est nommé aux Victoires de la Musique et il est désormais une figure de proue du renouveau de la scène française, au confluent des genres et des publics. C’est dans cette gloire nouvelle et grand public qu’Hatik et son équipe à Low Wood proposent un premier album, double et éclectique : Vague à l’âme. Sorti au cœur du mois de mars 2021, ce (long) projet est porté dans des singles hybrides entre pop chantée et pur rap, mais aux textes précis et saisissants, avec À la Mélanie ou Mer, qui ouvrent le projet avec calme et force émotionnelle. La référence à Diam’s (son vrai prénom est Mélanie) est à la fois bienvenue et logique venant d’un artiste aussi complexe qu’Hatik. Lui aussi ouvre le rap au mainstream, lui aussi est converti à l’islam, lui aussi a eu le droit à une starification immédiate. Mais le spleen et la rançon du succès sont aussi présents chez lui, comme chez Diam’s. Dans cette chanson piano-voix, il se sert du départ du devant de la scène de l’artiste féminine pour en faire une généralité, un cas d’exemple, pour se substituer à la vie publique et artistique. C’est amusant de voir le premier album d’un artiste ayant tout juste “percé” s’ouvrir par un titre évoquant qu’il en a déjà marre.


Dans Vague à l’âme, on a vite l’impression d’avoir affaire à trois Hatik : le lover plus pop, l’egotrip hybride et le rappeur fan de rap. Les productions sont principalement assurées par le trio MIT, composé de Medeline, Illnght et Traxx, et sont si éclectiques, qu’elles étonnent et détonnent beaucoup au fil de l’heure-quarante où file le double album. Sur beaucoup de styles différents, Hatik se bal(l)ade avec une réelle aisance, notamment de jolies percées fragiles, notamment quand il utilise l’autotune pour signifier une belle tendreté pour dans des parties chantées synthétiques très bien gérées. C’est même le pendant principal de ce disque : de Mer à À ton bras, de Réparer ton cœur à Attrape mon cœur, Clément (son vrai prénom) explore des chansons d’amour (souvent contrarié ou charnel) dont les refrains top-linés vont à coup sûr faire streamer son album ou entrer en playlist radio. Quelques autres titres dans le même style : Toute la vie, Éternel, ou le titre-éponyme de l’album Vague à l’âme. Encore plus pop, on a le droit à Barrières ou Ma P’tite Etoile, assez efficaces. En opposition, ça ne l'empêche pas de kicker sec dans du rap pur et dur, de bonne facture, dans Tu khalass, Costa ou Crashtest notamment. S’il est loin d’être le meilleur sur ce terrain, Hatik gère l’égotrip sur un spectre allant de l’anecdotique au bon, dans Colère ou Sanstitre par exemple. Son rap s’est aiguisé, c’est une certitude. Mais parfois, on sent qu’il cherche la punchline, sans pour autant que ça paye à chaque fois, quelques phases tombant à plat par accident. Mais avec cela, il ajoute encore davantage à son côté fragile, à fleur de peau.


Les featurings sont peu nombreux, 4 artistes sur 3 titres seulement, dont les antillais Kalash, Meryl et Tiitof, et le prodige digital Laylow (dont l’album Trinity est un des highlights 2020). Tou.te.s trouvent leur place, sans pour autant qu’Hatik ne démérite. Vide, le morceau avec Laylow est évidemment une réussite, les voix des deux artistes se mariant à merveille dans une chanson lancinante à la guitare. Dans les morceaux Rappelle moi et Maman qui pleure, en featuring avec ses comparses des Antilles, on a affaire à des titres dansants, aux rythmiques caribéennes, explorant des sentiments amoureux pour le premier (avec Kalash) et dans un côté plus conquérant sur le second, avec un refrain d’une efficacité redoutable de Meryl, comme à son habitude. Pour continuer son exploration des sonorités world, en ouverture de la seconde galette, Hatik tente une incursion plutôt risquée dans ce qu’on pourrait rattacher au raï, avec Habibi, morceau très réjouissant et beau. Parfois, il s’essaye également à des morceaux conceptuels : dans Boum, il imagine sa mort ; dans Daron dès demain, il évoque la paternité. Hatik conclut son double album par une ballade spleenétique aux sonorités dansantes, avec une évocation métaphysique dans En paix, qu’il avait déjà abordé dans le premier titre À la Mélanie : “Comme toutes les autres réponses qui s'trouvent dans ma tête et mon livre”. En espérant que cette exploration artistique lui ait permis de trouver certaines solutions à ses interrogations, qu’il n’aurait pas trouvé dans sa tête (bien faite) et son livre (qui doit lui donner la voie/voix pour trouver ses propres réponses). 29 titres, c’est long. Trop long. Mais c’est aussi un raisonnement pécuniaire pour streamer et affirmer son public qui ne cesse de s’élargir, auquel il veut faire plaisir sans faire de concession, ni personnelle, ni artistique, ni commerciale. Il se dit qu’ils feront un tri dans le tas, finalement assez bon, alors que l'éclectisme de l’entreprise pouvait faire peur.



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