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Jofrey La Rosa

HARRY POTTER ET LE PRINCE DE SANG-MÊLÉ (critique)

Dernière mise à jour : 15 sept. 2022

Sixième semaine du Mardi Potter de PETTRI avec le film Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé !

D'emblée, on peut affirmer tout de suite qu'esthétiquement, on a affaire au plus beau film de la saga Harry Potter. Mais revenons un peu aux fondamentaux. Le Prince de Sang-Mêlé est le sixième roman et film des aventures du jeune sorcier de la maison Gryffondor. Il est encore une fois réalisé par David Yates ; Steve Kloves est de retour au scénario après un épisode d'absence, pour signer l'adaptation du pénultième roman de la saga littéraire de J.K. Rowling. Dans ce film, suite à la mort de son parrain Sirius lors de la bataille contre les Mangemorts du film précédent, Harry regagne Poudlard sous la menace qui grogne désormais haut et fort. Sur place, il trouve un livre de potions appartenant jadis à un certain Prince de Sang-Mêlé, contenant une mine d'annotations et d'astuces magiques intarissables. Daniel Radcliffe (Harry), Emma Watson (Hermione) et Rupert Grint (Ron) reviennent, évidemment entourés de Michael Gambon (Dumbledore), Robbie Coltrane (Hagrid), Alan Rickman (Rogue), Maggie Smith (McGonagall), Tom Felton (Drago Malefoy) et Helena Bonham Carter (l'affreuse Bellatrix Lestrange). Ils sont rejoint par Jim Broadbent, qui incarne un nouveau professeur – une fois n'est pas coutume – de potions : Horace Sulghorn, ayant eu Tom Jedusor comme élève dans sa jeunesse.


L'introduction en dit long sur la saga telle qu'elle est pensée par ses créatifs : dans un ciel nuageux et orageux, le logo Warner. Un flash vient rompre l'obscurité abstraite, pour nous montrer un œil, celui d'Harry, abasourdi. À ses côtés, Dumbledore, face à eux, des journalistes n’arrêtant pas de les photographier, les flashs craquant. Son mentor le prend par l'épaule. Il n'est pas seul. Le retour du ciel nuageux et orageux, accompagné du titre du film. Ce prologue est la conséquence immédiate de la fin du précédent film, dans laquelle Harry voit son parrain Sirius Black, sa seule famille, perdre la vie. La mise en scène de ce volet de la saga est réellement soignée et toujours inspirée, avec des angles, des textures, des valeurs, un rythme et des intentions toujours claires et justes. Ici, pas les Dursley, mais une introduction d'un Harry solitaire, lisant son journal (il est en couverture, « the chosen one ? »), qui drague gentiment une charmante serveuse moldue, avant que son statut de sorcier particulier ne vienne le ramener à sa réalité.


À la musique, Nicholas Hooper est de retour après la jolie partition qu'il a signé pour L'Ordre du Phénix. Ici, c'est le morceau « Dumbledore's Farewell » qui est le point d'orgue, occulte, lyrique et éminemment touchant. C'est le français Bruno Delbonnel qui est nommé directeur de la photographie, dont la filmographie cite des noms tels que Jean-Pierre Jeunet avec Le Fabuleux d'Amélie Poulain et Un Long Dimanche de Fiançailles, Tim Burton avec Dark Shadows, Big Eyes et Miss Peregrine, les Coen avec Inside Llewyn Davis et The Ballad of Buster Scruggs et Joe Wright avec Les Heures Sombres et The Woman in the Window. Connu pour ses palettes de couleurs souvent terrestres, avec des déclinaisons de jaunes, de verts et parfois de bleus, il signe ici une lumière et des images tout simplement somptueuses. Visiblement inspirés par Rembrandt et donc Le Caravage, Yates et Delbonnel jouent constamment sur la lumière et l'obscurité, dont des clairs-obscurs sous-exposés créent de réels tableaux cinétiques. L'esthétique grandiose du film trouve son apothéose dans le climax, se déroulant dans une grotte à la noirceur brisée uniquement par de la lumière aux tons verts désaturés, ces ténèbres gagnant peu à peu nos héros, en proie à de réels défis horrifiques. Car oui, cette scène est digne d'un film d'horreur, tout comme celle où Katie, une jeune fille de Poudlard, est ensorcelée. Le Prince de Sang-Mêlé reste évidemment un film destiné à un public jeune, mais qui vieillit avec ses héros, qui doivent faire face à des choses horribles.

Si nos héros vieillissent, on assiste aussi depuis quelques temps aux émois amoureux qui, peu à peu, et ici plus que jamais, viennent les chatouiller. Le retour du Quidditch dans la saga est ainsi l'occasion de mettre la séduction adolescente et des triangles amoureux en pagaille au centre de l'intrigue, par le prisme de l'adversité sportive. Hermione et Ron se cherchent via leur amourettes avec Cormac McLaggen et Lavender Brown, alors que Harry se rapproche drastiquement de Ginny, qui commençait pourtant l'année avec Dean. Et la jalousie de tout ce petit monde est mise en parallèle avec la rébellion « innocente » de Drago Malefoy, qui fait un pacte avec Voldemort plus pour l'attention de ses parents et de ses pairs que pour réellement faire le Mal. Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom est absent du film, mais présent tout de même via des souvenirs sous forme de flash-backs sur Tom Jedusor jeune, qui échange successivement avec Dumbledore et Slughorn, et par ses sujets, les fameux Mangemorts menés par Bellatrix Lestrange. Une de leurs attaques, sur tous nos héros, tend vers l'abstraction lors d'une poursuite dans un champ de blé qui finit sur un nouvel affrontement magique avec plein de personnages, toujours lisible et palpitant. Jusqu'à cette fin, inévitable, mais somptueuse et tristement belle, grandement pessimiste et sombre. La seule lueur d'espoir, c'est Harry et ses amis, la lumière magique et collective de tout Poudlard, qui éteint la Marque des Ténèbres. Dans ce film, l'unique personnage seul et triste n'est pas Harry, mais Drago, de plus en plus névrotique et passionnant.


Le film a la lourde tâche d'à la fois installer tous les éléments pour le grand final que représente Les Reliques de la Mort, mais aussi placer Harry dans une position héroïque immuable, pour enfin conter les préoccupations de jeunes de 16 ans, tout ça dans un film digeste et agréable. Ce que Yates arrive à accomplir avec ce film est simplement prodigieux. La gestion tonale est un petit bijou à faire des envieux, tant la description des sentiments amoureux d'adolescents, qu'on en voit rarement traitée avec tant de justesse, est aisément contrebalancée par une constante tension des enjeux antagonistes, qui menacent sans cesse nos héros : à l'intérieur (Drago) comme à l'extérieur (les Mangemorts). Après une scène de chaos rappelant beaucoup un attentat dans La Coupe de Feu, on a le droit à deux attaques similaires ici, à la fois dans le Monde magique (chez Ollivander, sur le Chemin de Traverse) et dans le Monde Moldu (la destruction de l'anachronique Millenium Bridge de Londres). Ancrer le récit d'une bataille fantastique telle qu'elle est décrite dans l'univers d'Harry Potter dans les peurs d'aujourd'hui est un moyen d'être plus prégnant quant aux enjeux stellaires qui pèsent sur les épaules d'Harry. Et le thème récurrent de la saga, celui de la solitude héroïque du sorcier à la cicatrice en forme d'éclair, est de nouveau au cœur du récit. Le film débute sur Harry et Dumbledore qui le prend par l'épaule, lui montre qu'il n'est pas seul, alors que les derniers mots du film, de la bouche d'Hermione, disent à Harry que non seulement il n'a pas à vaincre Voldemort seul, mais qu'il ne peut pas faire sans ses amis et alliés. Plus tôt dans le film, McGonagall demande innocemment à Harry, Ron et Hermione pourquoi ils sont toujours là quand il y a des ennuis. Weasley, abattu, répond qu'il se pose la question depuis 6 ans. Leur destin, c'est d'être ensemble, vaincre Voldemort n'est qu'une mission – qui pourrait s’avérer létale il est vrai. La suite au prochain épisode...

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