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Noémie Contant

FISHBACH - AVEC LES YEUX (critique)

Dernière mise à jour : 9 mai 2022

Cinq ans après un album acclamé par la critique et une excursion dans la série Vernon Subutex, Flora Fischbach, alias Fishbach, revient avec un deuxième album, Avec les yeux. L’attente en valait-elle le coup ? Noémie Contant vous dit tout sur Pettri !

En 2017, Fishbach bouscule le paysage de la pop française en sortant un très réussi premier album, À ta merci. Dans ce disque s’y croisent des influences diverses, parfois dansantes (sur Eternité notamment), souvent plus contemplatives, abordant des thématiques assez graves sur Le Château ou Le meilleur de la fête. Nommée aux victoires de la musique 2018 pour la révélation scène face à Eddy de Pretto et Gaël Faye (finalement victorieux), Fishbach connait un vrai succès critique et public. Puis se fait plus discrète, portant plutôt son dévolu sur la télévision, où elle décroche un rôle dans la série Vernon Subutex adaptée de l'œuvre de Virginie Despentes. Quatre ans plus tard, la voilà enfin de retour avec ce deuxième album, Avec les yeux.

Si le premier album restait en grande majorité mélancolique, Avec les yeux est un déluge d’inspirations et de sonorités différentes. Tellement qu’il m’en est difficile de le résumer en quelques phrases, alors tentons de le faire avec des morceaux précis.


L’album s’ouvre avec Dans un fou rire, troisième titre présenté avant la sortie de l’album. La période que nous avons traversée avec le Covid mais surtout ce qui en a découlé sur les réseaux sociaux est au cœur du propos, comme un ras-le-bol des débats stériles, de l’obligation d’avoir un avis : “J’en ai assez qu’on me dise que dire ou que penser, j’entends tellement de bêtises, à pourrir mes journées. J’sais plus quoi dire, j’ose plus sortir, j’voudrais qu’on m’laisse tranquille, le temps de vivre”. Le tout porté par un côté synthpop très intéressant et surtout avec une voix qui semble expérimenter dans le lyrisme, voire s’amuser. Il y a plusieurs morceaux où l’on semble percevoir cet amusement du chant, notamment les deux suivants.


De l’instinct, tout d’abord, est empreint d’une sensualité, voire d’une sexualité toute animale, comme Fishbach l’affirme bien vite : “Oui j’avoue, j’ai parfois le désir loup-garou”. Tout au long de l’album, les arrangements sont extrêmement réussis, le mixage clean, la voix qui se distingue tout en laissant une part importante à la musicalité : ce morceau en est un parfait exemple. Et pave la voie au tube incontestable de l’album, absolument irrésistible et aux antipodes des morceaux les plus calmes du disque, j’ai nommé Masque d’or. Ici on est dans de la basse qui pulse, du refrain catchy à la Rita Mitsouko, sa guitare funk que Nile Rodgers n’aurait pas reniée, de la voix qui attrape l’auditeurice et continue à s’amuser avec les onomatopées : “Oh ! Que c’est joli cette petite cérémonie ! Oh ! Que c’est joli cette petite mélancolie”. Il est tout bonnement impossible de ne pas taper du pied sur ce morceau imparable, qui rappelle également le dernier album disco-pop de Clara Luciani.


Mais comme dans toute fête, il faut trouver des moments pour se reposer. C’est ce que vient nous proposer le morceau Nocturne, presque cinématographique et tout en subtilité et qui rappelle à certains égards le morceau Feu sur l’album précédent. Il y a une nappe de synthé importante mais également quelque chose de très important : un solo de guitare très technique, exécuté par nul autre que Frédéric Leclercq, multi-instrumentiste français ayant collaboré de nombreuses années avec le groupe de power metal américain Dragonforce. Absolument rien n’est laissé au hasard sur cet album et ce solo de guitar hero est dosé juste ce qu’il faut. La guitare a d’ailleurs un rôle toujours important sur le morceau suivant, Tu es en vie, où Fishbach s’essaie par ailleurs à quelques paroles en anglais, rappelant les influences glam rock qui survolent tout cet album et particulièrement ce morceau.


Les États-Unis ne sont d’ailleurs pas loin non plus dans Quitter la ville, mais dans un tout autre style : ici on pense à la bonne vieille country-folk avec une guitare et plusieurs voix sur un même micro. Ici toutes les voix sont de Fishbach, qui se répond sur des octaves et tierces différentes : “J’aimerais quitter la ville / Pour aller où ? / Mais pas sans toi / Sans toi ça vaut pas l’coup”. Une belle prouesse, portée subtilement par des cuivres. On s’imagine assis dans un gros fauteuil, écoutant cela sur un tourne-disque, peut-être même avec un whisky à la main. D’autant plus que le morceau fait écho à la vie personnelle de l’interprète, qui en 2019 a quitté Paris pour rejoindre le vert des Ardennes dont elle est originaire. D’où peut-être ce sentiment d’apaisement sur ce disque, éloigné de la mélancolie et de la sombreur d’À ta merci.


Fishbach nous emmène dans cet apaisement, dans un univers presque onirique, étrange mais pas forcément effrayant, via Téléportation ou encore Arabesques, piano-voix très réussi vocalement, qui clôt l’album. Durant ces 39 minutes, nous avons voyagé avec elle et on peut dire que le voyage était dépaysant, les paysages divers et le vol sans turbulences. Le titre de l’album vient de paroles d’une fan lui disant qu’elle chantait avec les yeux : après l’écoute de ce disque, on se dit qu’elle chante également avec le sourire sur certains morceaux et avec le cœur sur tous.



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