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Pauline Lecocq

EMMA. (critique)

Dernière mise à jour : 25 oct. 2021

Malheureusement oubliée en France, cette nouvelle adaptation du roman de Jane Austen surprend par son ton décalé, lent et bavard mais ravit grâce à sa reconstitution, sa photographie et le talent de ses comédiens !

Après les nombreuses adaptations, soit en film (avec Gwyneth Paltrow en 1996), en téléfilm (avec Kate Beckinsale en 1996 aussi, pour la chaîne britannique ITV), et en série (dont la plus récente est avec Romola Garai, en 2009, pour la BBC), et deux transpositions modernes, l’une américaine avec la comédie culte Clueless (1995), et l’autre indienne nommée Aisha (2010), Emma revient au cinéma avec cette nouvelle adaptation, réalisée par la cinéaste Autumn de Wilde (connue pour ses clips et ses photographies), dont il s’agit du premier film !

Ce roman est l’un des plus célèbres de Jane Austen (autrice d’Orgueil & Préjugés, et de Raison & Sentiments, entre autres) et raconte les aventures d’Emma Woodhouse, jeune fille de bonne famille qui vit avec son père et qui se mêle de la vie amoureuse de son entourage, se croyant une entremetteuse hors-pair. Son voisin et ami, Mr. Knightley n’est pas convaincu par cette qualité.

Le ton de cette adaptation est ainsi assez singulier, la comédie apparaît à travers des touches de burlesque. On pense notamment aux deux valets (dont Angus Imrie) au service de la famille Woodhouse qui doivent constamment déplacer les paravents pour réchauffer le patriarche. Le film oscille constamment entre comédie burlesque et description sociale de la société edwardienne, les nombreux personnages gravitant autour d’Emma ayant différents rangs sociaux. Cependant, le début est vraiment laborieux au niveau du rythme. Il faut donc s’habituer à des dialogues assez bavards et à une certaine lenteur, voire même distance.

En effet, la réalisatrice désamorce parfois un romantisme qui pourrait poindre (un nez qui saigne lors d’une déclaration par exemple), ce qui n’est pas pour nous déplaire et qui se rapproche peut-être plus de ce que Jane Austen écrivait. On est donc plus proche de Whit Stillman (Metropolitan, Love & Friendship, tous deux des adaptations de Jane Austen) que du romantisme d’Ang Lee (Raison & Sentiments) ou de Joe Wright (Orgueil & Préjugés) en termes de ton. Il faut accepter ce côté bavard et volontairement sans réel enjeu, ce qui crée une drôle de dynamique au film qui manque de rythme. Mais peut-être que c’est dû à l’adaptation d’Eleanor Catton (romancière connue notamment pour The Luminaries, adapté en série cette année d’ailleurs) et à des dialogues très écrits ? On aime pourtant comment la relation entre Emma Woodhouse et George Knightley est construite et s’intensifie tout au long du film.

D’autre part, on a adoré le grand soin apporté aux costumes, aux coiffures et aux décors, notamment avec des couleurs à dominante jaune et pastels, puis quelques teintes rouges sang. Pour nous, c’est la plus belle photographie qu’on ait vu depuis longtemps au cinéma, et nous tenons à saluer le talentueux Christopher Blauvelt (Beginners et plein d’autres chouettes films indépendants) !

Le casting est très bien dirigé. Johnny Flynn (qu’on connaît pour la série Lovesick (anciennement Scrotal Recall) et le film Jersey Affair (Beast)) est parfait pour incarner le digne et droit Mr. Knightley. Tout comme le fabuleux Josh O’Connor en Mr. Elton, aux antipodes de son rôle torturé dans le magnifique film Seule la terre (God’s Own Country, 2017) ou en Prince de Galles dans la série The Crown. Ici, il est très drôle en vicaire amoureux. Miranda Hart est également merveilleuse en Miss Bates, vieille fille bavarde, tout comme l’immense Bill Nighy en père d’Emma. Pour les fans de l’excellente Sex Education, on retrouve deux très bons acteurs de cette série (Connor Swindells et Tanya Reynolds) dans des petits rôles. Mais celle qui est pour nous la révélation de ce film est Mia Goth, l’interprète de la naïve et gentille Harriet qui devient un peu la créature d’Emma. L’actrice fait des merveilles, vole toutes ses scènes et arrive vraiment à nous émouvoir. Enfin, révélée dans les films Split et The Witch et mondialement connue maintenant pour la série Le Jeu de la dame (The Queen’s Gambit) sur Netflix, Anya Taylor-Joy prête son physique étonnant à un personnage qui s’humanise petit à petit et qui apprend à être moins manipulatrice, ignorante et joueuse. Pourtant, on est un peu moins convaincu par son interprétation, mais c’est sans doute aussi parce que cette Emma n’est pas très attachante. Elle est toujours une peste en soi ce qui ne la rend de fait pas sympathique, mais on trouve son évolution un peu rapide.


S’il faut accepter une version volontairement désincarnée et bavarde de cette nouvelle adaptation d’Emma, on rit quand même de nombreuses fois grâce à de bons dialogues et de jolies trouvailles burlesques (les deux valets encore une fois, qui apportent une véritable touche humoristique inattendue et bienvenue) et l'on s'émeut de la destinée de certains personnages. Emma. n’est pas un grand film mais si vous aimez le casting, les films en costumes et les adaptations de Jane Austen, alors il vous plaira sûrement ! Le long-métrage a bénéficié d’une sortie cinéma en Angleterre en février 2020 (vu par l’autrice de ses lignes en salles à Londres à ce moment-là), mais n’a pas pu sortir dans le reste du monde à cause de vous savez quoi. En France, il est sorti le 30 juin en VOD et en DVD le 1er juillet. Peut-être une idée de cadeau pour les fêtes ?

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