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Pauline Lecocq

DONNE-MOI TA MAIN (LEAP YEAR) (critique)

Dernière mise à jour : 18 mars 2021

Sur un pitch plutôt classique de comédie romantique, ce film de 2010 est une petite merveille dans le genre, notamment grâce à ses deux acteurs à l'alchimie palpable et aux magnifiques paysages irlandais !

Anna, décoratrice d’intérieur new-yorkaise, aimerait se marier avec son petit ami et décide de prendre les devants grâce à une vieille tradition irlandaise qui dit que la femme peut demander en mariage son compagnon. Et celui-ci étant justement en voyage d’affaires en Irlande, elle décide de tenter le tout pour le tout et de lui faire la surprise. Seulement, les intempéries et le climat s’en mêlent et rien ne se passe comme prévu. Elle doit alors se résoudre à demander à Declan, un barman irlandais de l’emmener à Dublin en voiture contre rémunération.

Le genre de la comédie romantique a son lot de bons et de mauvais crus. Ici, on a droit à l’éternelle histoire des contraires qui s’attirent, moteur habituel du genre, représentée par deux personnages aux antipodes : Anna, l’Américaine ultra-optimiste et naïve et Declan, l’Irlandais dépressif et pessimiste. Rien de nouveau sous le soleil mais l’opposition justement fonctionne irrésistiblement bien. En effet, il s’agit d’opposer l’Américaine, ou devrait-on dire la New-Yorkaise BCBG qui affronte les vaches juchés sur ses talons aiguilles à l’Irlandais rustre et taiseux qui marmonne de l’argot dans sa barbe, avec toutes les différences culturelles les séparant qui font mouche ici en ressort comique.

C’est aussi la rencontre du rat des villes et du rat des champs, la tension entre modernité et tradition, supposément représentées respectivement par la ville et la campagne. En effet, point de consumérisme ici mais un retour aux sources et à la nature. On peut y voir ainsi un film critiquant le mode de vie occidental, et notamment nord-américain, avec une dénonciation du matérialisme des USA. Le film n’est d’ailleurs pas tendre avec les personnages de la Grosse Pomme, montrés comme avides de réussite, hypocrites, faussement romantiques, et pour qui l’argent achète tout.

De plus, la critique se joue aussi au niveau du genre en lui-même. Avec surprise, ce long-métrage, qu’on pourrait penser caricatural, va à l’encontre de certains clichés du genre, en particulier de la rom-com américaine qui use et abuse des grandes déclarations d’amour en public. Dans ce film-ci, l’Américaine fera ce cliché mais se verra laisser les bras ballants par la tradition du pays d’accueil avant d’être rattrapée avec une déclaration d’amour à l’irlandaise. Encore une différence culturelle de plus qui finit par rapprocher nos deux protagonistes. On peut aussi souligner qu’une femme qui part à l’aventure par amour, qui accepte de prendre des risques et qui est donc moteur de l’histoire (aussi casse-pieds soit-elle) n’est pas si commun dans le genre de la comédie romantique (d’habitude c’est l’homme).

Le film dépeint également la rencontre de deux solitudes : Anna, qui ne s’adapte pas à son milieu socio-culturel, et Declan qui essaye de sauver son pub en faillite. On se souvient qu’à la question « Si le feu brûlait ma maison, qu’emporterais-je ? ” Jean Cocteau avait répondu « J’aimerais emporter le feu... ». Cette question est posée durant le film et reviendra à un moment crucial durant lequel Anna prendra conscience de son isolement. La mélancolie et la solitude des deux personnages passent aussi par la musique. En effet, la superbe B.O. alterne The Mamas and the Papas, Colbie Caillat ou cette très belle reprise de Nick Cave par Gwyneth Helbert « Only love can break your heart ».

Enfin, ce road-movie à travers l’Irlande propose de magnifiques paysages du pays (que ce soit la campagne ou les côtes). Il dépeint aussi le folklore et les traditions (avec visite de ruines), notamment avec de nouveaux mots de vocabulaire (vous apprendrez ainsi que « Bob » signifie « argent ») et des prénoms qu’on donne aux valises.

On passe rapidement sur la mise en scène d’Anand Tucker, joliment réalisée mais tout de même un peu impersonnelle, dont le point fort est sa belle photographie.

Pour finir, cette histoire ne marcherait pas sans deux grands acteurs. Amy Adams et Matthew Goode ont une vraie alchimie entre eux et suffisamment de finesse dans leurs jeux respectifs pour que leurs personnages ne tombent pas dans la caricature. Amy Adams, qu’on adore, campe avec délice cette jeune femme romantique et volontaire, prolongement de la Giselle qu’elle incarnait dans Il était une fois (avant de passer à des rôles plus graves avec American Bluff et Premier Contact). Et puis, on ne dira jamais assez le talent de Matthew Goode, dont la palette de jeu est l’une des plus grandes que l’on peut voir chez un acteur (voir les films Watchmen, Stoker, Belle ou les séries Pemberley et The Crown) et qui incarne à merveille cet homme brisé par la vie qui ne pipe pas (ou peu) mot. Ils sont parfaitement soutenus par John Lithgow et Adam Scott, impeccables en seconds couteaux.

Par conséquent, on ne comprend pas les mauvaises critiques au moment de la sortie de cette jolie romance car le charme et l’humour sont présents. C’est certes prévisible mais dans son genre, c’est un petit bijou ! Et comment refuser un road-trip cinématographique en Irlande ?



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