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Pauline Lecocq

COUP DE FOUDRE À NOTTING HILL (critique)

Summum de la comédie romantique, écrit par le géant Richard Curtis et porté par son magnifique duo Julia Roberts-Hugh Grant, Coup de foudre à Notting Hill fête les 22 ans de sa sortie cette année. L'occasion pour PETTRI de revenir dessus et d'expliquer pourquoi ce conte de fées moderne vaut toujours le détour.

“I’m just a girl standing in front of a boy, asking him to love her.” ("Je suis juste une fille qui se tient devant un garçon et qui lui demande de l'aimer.")

On connaît toutes et tous cette réplique de ce conte de fées moderne d’un Monsieur-Tout-le-monde trouvant sa princesse (l’actrice la plus célèbre de la planète) dans la ville de Big Ben.

Ce projet était franchement casse-gueule et aurait pu terminer en téléfilm à l’eau de rose diffusé un jeudi après-midi sur M6 avec un doublage français horrible, négligemment regardé du coin de l’œil par toute créature ayant des chemises à repasser d’urgence. Heureusement il n’en est rien ici. Car il fallait bien un scénariste de génie pour faire de cette histoire un conte universel et Richard Curtis l’a fait. L’homme à qui l’on doit les scénarios de 4 mariages et un enterrement (1994), Le journal de Bridget Jones (2001), et les films Love actually (2003), Good Morning England (2010), Il était temps (2013) et Yesterday (2019), est aux manettes et ça se sent : de la même façon que dans 4 mariages et d’une certaine manière dans Bridget Jones, ce sont des histoires d’amour mais aussi des films de bandes, où la place accordée à l’amitié est presque aussi importante que celle accordée à la romance. De plus, il s’agit toujours d’une Américaine qui vient mettre le désordre dans la vie d’un Anglais rangé. On notera également la place toujours accordée aux personnages marginaux et handicapés, rarement représentés au cinéma, surtout dans des films grand public : un frère muet dans 4 mariages, et ici une meilleure amie dans un fauteuil roulant (la lumineuse Gina McKee). Le long-métrage pourrait d’ailleurs tout aussi bien être une suite de 4 mariages, car la sœur de Hugh Grant ici ressemble vraiment au personnage extraverti de Scarlett dans le film de 1994 (l’actrice Charlotte Coleman étant malheureusement décédée en 2001, et Emma Chambers, qui joue la sœur du personnage de Hugh Grant dans Notting Hill a également disparu cette année). La filiation est donc évidente et assumée.

Mais assez parlé de l’œuvre de son scénariste, revenons-en au film. De façon à la fois très juste et drôle, il propose une belle réflexion sur la célébrité, qui n’a pas pris une ride, bien que les réseaux sociaux aient explosé entretemps. Cependant, cela ne fait que surligner justement ce culte de la personnalité et du glamour auxquels doivent se plier, avec difficulté parfois, les vedettes. Une certaine rançon de la gloire en quelque sorte. En 1999, il s’agissait des journaux people, aujourd’hui ce serait Twitter. Tout passe, rien ne change.

Le temps justement. Le temps qui passe est une thématique capitale chez Richard Curtis (qui se concrétisera avec Il était temps, peut-être son chef d’œuvre). Elle permet d’approfondir les sentiments, de les développer, de les changer parfois. Dans ce film-ci, il y a d’ailleurs un très beau plan-séquence pour symboliser ce phénomène : Will (Hugh Grant) marche dans une rue de Notting Hill (où il y a un marché) au rythme des saisons qui passent sur la chanson « Ain’t no sunshine when she’s gone » de Bill Withers. Moment de grâce absolue.

A ce sujet, on peut remarquer que la réalisation comporte peu de folies, avec alternance de plans larges, moyens et de gros plans, mais possède quelques belles trouvailles comme ce plan de grue vertigineux dans un parc de nuit (vertige d’un amour naissant ?), et quelques longs plans en mouvement (le dernier plan sur le banc par exemple et le fameux plan-séquence représentant le passage des saisons qu’on a mentionné juste avant). Quant au montage, il apporte beaucoup avec un rythme volontairement lent qui étire les scènes pour le meilleur (et grâce au script). Les dialogues sont absolument brillants et sonnent délicieusement british, et les situations sont tantôt hilarantes (l’interview improvisée), tantôt émouvantes (le dîner d’anniversaire).

Au niveau des acteurs, il fallait trouver le duo parfait pour que cette histoire marche. L’aura de star de Julia Roberts et son fameux sourire sont utilisés à bon escient ici, et le charme maladroit de Hugh Grant fait de nouveau mouche. Leur belle alchimie fait que le couple (pourtant au premier abord improbable, elle très sûre d’elle et lui étourdi et impressionné) fonctionne parfaitement. On s’amuse de l’apparition d’Alec Baldwin en petit ami beauf, et on se délecte de la performance de l’incroyable Rhys Ifans ! Véritable acteur caméléon (père bouleversant du héros dans Mr Noboby, duc écrivant des pièces dans Anonymous, et DJ beau gosse (si, si !) dans Good Morning England du même Richard Curtis), il vole toutes ses scènes en campant Spike, colocataire crado mais sincère.

Après tous ces éloges, on pourra simplement regretter que la bande-originale ne soit pas toujours à la hauteur de la subtilité du film (la chanson au moment de la scène de nuit dans le parc, par exemple), avec l’utilisation de certaines chansons pop américaines bas de gamme. Surtout que d’autres choix se révèlent payants : « She », sublime chanson de feu Aznavour ouvre et clôt le film, avec la voix du grand Charles, puis celle d’Elvis Costello. Et c’est en soit très émouvant de l’entendre après la disparition de son auteur-compositeur et interprète, et donne une aura supplémentaire au film.

Ce conte de fées moderne arrive à être crédible et possède un charme fou, tant et si bien qu’on ne peut que céder au plaisir de le voir et de le revoir. De plus, le quartier de Notting Hill et a fortiori la ville de Londres sont également des personnages à part entière de cette histoire et confèrent à l’élégance de l’ensemble. Et puis, qui pourrait résister au sourire de Julia Roberts ?


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