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RETOUR SUR LE BFI FLARE, FESTIVAL DE FILMS LGBTIQ+

Dimanche se terminait le BFI Flare, le festival de cinéma LGBTIQ+ de Londres, se déroulant du 17 au 28 mars et à nouveau en ligne comme l’édition de l’année dernière, pour cause de pandémie. La sélection proposait des courts et long-métrages (documentaire et fiction) venus du monde entier, tous encore inédits que ce soit dans les salles ou sur plateformes, dont quelques avant-premières mondiales ! Voici notre bilan.

Sur les 26 long-métrages sélectionnés, nous avons pu en voir la moitié, soit 13 films pour lesquels nous vous donnons notre avis ci-dessous. On regrette de ne pas avoir pu voir The Greenhouse (qui travaille le retour dans le passé, trope dont une autre exploration du temps a lieu dans The Obituary of Tunde Johnson avec la boucle temporelle) et Valentina, Sweetheart, Jump Darling, PS : Burn this letter please, Rebel Dykes


Chouette festival de nouveau cette année, avec des bons films, un accès en ligne efficace, avec en plus la possibilité de voir facilement les Q&A des équipes. Nous avons aussi pu participer au Big Gay Quiz (un super quiz sur des films et séries LGBTIQ+, avec un score moyen de 43/80 !), et regarder une interview passionnante du formidable acteur Russell Tovey (les séries Looking et Years and Years, le film The Pass, la pièce Angels in America) qui revenait sur sa carrière sur grand et petit écran ainsi que sur les planches.


Longs-métrages :


Firebird (Estonie/Royaume-Uni, 107min, Peeter Rebane) :

Estonie, base militaire, 1977, en pleine Guerre Froide. Serguey (Tom Prior) s’apprête à terminer son service militaire mais il rencontre Roman (Oleg Zagorodnii), pilote de l’armée de l’air soviétique, dont il tombe amoureux. Inspiré des mémoires de Sergey Fetisov, il est incroyable de voir que des histoires queer étaient possibles et sont arrivés dans des contextes et systèmes autoritaires et répressifs, et ici précisément en pleine Guerre Froide au sein des forces aériennes soviétiques. C’est là toute la noblesse de cette epic historic drama love story, dont il faut rester jusqu’à la toute fin du générique pour comprendre le propos : rien n’est acquis dans les avancés et les droits pour les minorités. Le film, classique dans sa forme mais pas dans son histoire, est remarquablement filmé, avec une photo sublime, et extrêmement bien construit, ce qui a pour effet qu’on croit à cette histoire (pourtant tourné en à peine 2 mois). On passera sur quelques effets spéciaux un peu cheap (production indépendante oblige) et sur le fait que le film soit en langue anglaise avec des accents russes (le casting est européen, avec des acteurs anglais, ukrainien, russe, estonien…). Tom Prior, également co-scénariste du film (avec le réalisateur), est exceptionnel, au diapason du reste du casting. On aime aussi toutes les références artistiques que le film cite, que ce soit Shakespeare (Romeo et Juliette évidemment, dont le thème de l’eau de la pièce revient aussi dans le film), ou des artistes russes : Tchaïkovski, Stavisky (dont l’œuvre la plus célèbre donne son titre au film), Dostoïevski (avec une remarquable citation tirée des Frères Karamazov). Présenté en avant-première mondiale au BFI Flare, on espère qu’on entendra beaucoup parler de ce beau Firebird cette année ! Notre film préféré du festival !



No Ordinary Man (doc, USA, 84min, Aisling Chin-Yee, Chase Joynt) :

Présenté au festival de Toronto en 2020, ce documentaire, qui revient sur la vie du musicien de jazz Billy Tipton, est une très belle découverte. Il marque d’abord par sa forme originale : à travers un faux appel à casting, Billy Tipton est vu à travers les yeux d’acteurs et hommes trans d’aujourd’hui. Il y a donc une discussion sur hier et aujourd’hui pour les personnages transgenres, notamment sur ce qu’on laisse après notre mort qu’on ne contrôle pas et qui peut être manipulé dans le cas de Billy. Ensuite, dans ce qu’il raconte, c’est très beau et extrêmement intelligent, très éloquent aussi, au plus proche de ce que c’est que d’être humain et dépeignant la diversité des personnes trans qui existe car chaque personne est unique. A travers différentes voix, en particulier le fils de Billy Tipton, ce documentaire émouvant, doux et profondément inspirant est une célébration joyeuse de la transidentité et une belle réussite qu’on vous recommande (et pourquoi pas en double séance avec le film suivant !).



Rūrangi (Nouvelle-Zélande, 96min, Max Currie) :

Caz, jeune homme transgenre, revient dans sa petite communauté rurale natale de Rūrangi, qu’il a quitté il y a 10 ans, sans jamais donner de nouvelles. Il n’a pu faire son coming out qu’après être parti donc personne ne le reconnaît tout de suite. Pourtant il va renouer avec ses proches. Ce film est en réalité une web-série de 5 épisodes réunis pour faire un long-métrage. L’excellent Elz Carrad (Caz) mène un très bon casting. On adore notamment le personnage de Jem (Arlo Green), absolument adorable de gaucherie et de tendresse. Bien écrit, réalisé et joué, avec un mélange de plein de choses, on trouve la fin peut-être un peu forcée (comparée à la délicatesse du reste), et on aurait aimé que le personnage de la meilleure amie soit plus développé, notamment via l’intrigue secondaire concernant la communauté et la langue maori. Pourtant, Rūrangi est une réussite incontestable, un film émouvant et réconfortant, comme sa reprise de l’hymne Smalltown Boy pendant le générique de fin. L’avantage de cette œuvre est qu’elle aura potentiellement une suite, vu que la saison 2 est en développement, alors on a hâte !



Dramarama (USA, 91min, Jonathan Wysocki) :

1994, en Californie. Teen movie vraiment réussi sur un groupe d’amis, theatre nerds, dont la dynamique de groupe est questionnée lors de cette dernière soirée (de murder mystery party) avant que chacun parte à l’université dans des villes différentes. C’est sans doute aussi peut-être la première fois au cinéma qu’il s’agit d’un groupe avec des membres croyants mais en même temps très inhibés, dont le personnage principal qui ne croit plus en Dieu et qui est dans le placard. Bon film, drôle, aux brillants dialogues (avec plein de références au théâtre et au cinéma des années 80 et 90 ainsi qu’à la littérature dans les répliques), avec des personnages plutôt bien écrits (on adore Ally) et bien incarnés par de jeunes acteurs débordant de charisme et de naturel, avec des couleurs chatoyantes. C’est aussi un film très émouvant sur l’adieu à l’enfance et sur la brutale remise en question des rêves par la réalité.



Boy meets boy (Allemagne, 75min, Daniel Sánchez López) :

On ne peut s’empêcher de penser que c’est un peu le nouveau Weekend (Andrew Haigh, 2011). En effet, le film se déroule en une journée, et suit deux jeunes hommes, qui développe une attirance et plus si affinités, tout en confrontant leurs points de vue et leurs personnalités. Inspiré par le mouvement mumblecore, le réalisateur nous livre un instantané d’un moment suspendu, fragile mais assez magique, filmé à l’arraché dans les rues de Berlin, en langue anglaise, avec une photographie lumineuse. Ses deux acteurs, Alexandros Koutsoulis et Matthew James Morrison, sont solaires et ont une belle alchimie. Bonne surprise.



Cured (doc, USA, 80min, Bennett Singer & Patrick Sammon) :

Ce documentaire retrace le combat de militants LGBTQ+ pour enlever l’homosexualité de la liste des maladies psychiatriques au sein de l’American Psychiatric Association. Ce film est bien fait, efficace et classique dans sa forme avec une alternance entre images d’archives et interviews avec les différents activistes (dont plusieurs ont malheureusement disparus avant la fin du montage du documentaire). Il donne une bonne piqûre de rappel sur le fait que la science jusqu’à il y a peu de temps considérait l’homosexualité comme une maladie, basée sur des preuves biaisées ou inexistantes, avec les conséquences catastrophiques que ça a engendré (thérapie par aversion, internement dans des institutions avec traitements aux électrochocs et lobotomie, homophobie intériorisée…). Les activistes sont passionnants et certains événements restent dignes de certains films de fiction (un psy obligé de témoigner masqué par exemple, ou un éminent psy qui réfute catégoriquement l’homosexualité comme autre chose qu’une maladie a un fils homosexuel). A voir !



Sublet (Israël, 90min, Eytan Fox) :

Michael, homme gay marié d’une cinquantaine d’années est journaliste pour le New York Times. Il écrit la chronique « L’intrépide voyageur » et passe 5 jours dans chaque endroit qu’il visite. Il se rend à Tel Aviv pour son prochain papier et loue l’appartement de Tomer, jeune étudiant en cinéma. L’autrice de ces lignes aime beaucoup l’œuvre d’Eytan Fox et avait vraiment hâte de découvrir son nouveau film. Nous avons droit à une balade dans les rues moins touristiques de Tel Aviv et à une confrontation entre deux générations de personnes queer et deux cultures. C’est plutôt réussi, même si on aurait aimé que le film dure plus longtemps pour prendre encore plus le temps d’explorer Tel Aviv et la relation des deux protagonistes. Tous les deux sont d’ailleurs remarquablement joués par John Benjamin Hickey (grand acteur de théâtre et second rôle au cinéma, notamment l’adorable père de Anna Kendrick dans la saga Pitch Perfect) et la révélation Niv Nissim (dont c’est le premier rôle). Sublet nous a rappelé un autre film d’Eytan Fox nommé Yossi (2012), qui traite aussi d’un homme de 40 ans qui va être fasciné par l’insolente jeunesse d’un groupe de jeunes hommes qu’il rencontre, notamment un. On a droit à la même dynamique et exploration entre un homme d’âge mur réservé et triste et un jeune homme exubérant et vivant. Comme si Eytan Fox nous disait qu’on peut trouver un second souffle à notre vie en rencontrant et côtoyant la jeunesse de Tel Aviv et en voyageant, en changeant de cadre et de perspective. Sublet aurait pu être un peu plus abouti, mais reste très agréable à voir, ne décevra pas les fans du cinéaste, et donne envie d’aller visiter Tel Aviv !



Tove (Finlande/Suède, 100min, Zaida Bergroth) :

Ce biopic sur Tove Jansson, la créatrice des Moumines (Moomins), se passe dans les années 40 et 50 au moment où sa carrière de peintre ne décolle pas et où elle développe ses célèbres personnages. Filmé en 16mm, ce biopic est assez classique mais plutôt agréable à regarder et raconté avec beaucoup de délicatesse. On est surpris par la liberté de cette artiste dans sa vie personnelle. Pourtant, le film s’adresse aux aficionados des Moomins car jamais le film n’explique comment elle a eu l’idée de ses personnages et cela peu être un peu frustrant pour des non-averti.es. Alma Pöysti est excellente dans le rôle principal, bien secondé par la fascinante Krista Kosonen et l’adorable Shanti Roney. Ce long-métrage était l’entrée de la Finlande pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère de cette année (mais il n’a pas été retenu dans les nominations). Une belle histoire sur un monument de la culture finlandaise qui a dépassé les frontières de ce pays.



Cowboys (USA, 85min, Anna Kerrigan) :

Etats-Unis, dans une petite ville rurale du Montana, état proche du Canada. Joe est un garçon transgenre. Sa mère ne l’accepte pas, au contraire de son père. Celui-ci décide de partir avec son fils pour échapper à la mère. Film intéressant sur la reconnaissance de la dysphorie de genre, sur la transidentité, et sur la famille. Le cadre (on est chez les cowboys dans les montagnes) et l’angle sont plutôt originaux et le film fonctionne bien même s’il est un peu long. Steve Zahn, acteur de comédie, livre une belle performance en père bipolaire, bien secondé par Jillian Bell, actrice de comédie également (dernièrement dans Godmothered sur Disney+) et la toujours impeccable Ann Dowd. Sasha Knight, acteur trans, fait ici des débuts convaincants en incarnant Joe. Présenté au festival de Tribeca l’année dernière, ce drame/thriller y a remporté le prix du meilleur scénario pour la réalisatrice Anna Kerrigan et le prix du meilleur acteur pour Steve Zahn.



The Obituary of Tunde Johnson (USA, 104min, Ali LeRoi) :

Tunde Johnson, un lycéen noir et gay de 18 ans, issu d’une famille bourgeoise, revit le jour de sa mort, tué par des policiers lors d’un contrôle. Pas mal, bien que les acteurs aient 10 ans de plus que leurs personnages (donc un peu bizarre), le film explore par le système de la boucle temporelle le racisme systémique et l’homophobie. Présenté au festival de Toronto, ce long-métrage n’est pas complètement abouti pour nous même s’il reste un film intéressant car ne versant pas dans le misérabilisme comme peuvent le faire parfois certaines productions indépendantes américaines. Le choix de la boucle temporelle était une façon pour le scénariste Stanley Kalu de décrire la sensation qu’il avait eu lors de plusieurs meurtres de personnes afro-américaines par la police aux Etats-Unis en l’espace de peu de jours. On apprécie également la citation du film de François Truffaut, Les 400 coups, et cette phrase d’un critique décrivant le film : “In the end, you are no longer looking at the film, the film is looking at you » (« à la fin, vous ne regardez plus un film, mais le film vous regarde »). C’est la volonté du film d’Ali LeRoi, et malgré quelques invraisemblances, et surtout un gros bémol pour ses personnages féminins (la mère et la meilleure amie, toutes deux extrêmement agaçantes), on loue l’effort, surtout que le film a été tourné avant le meurtre de George Floyd, même si nous ne sommes pas totalement convaincus.



Poppy Field (Câmp de maci) (Roumaine, 82min, Eugen Jebeleanu) :

Cristi reçoit la visite de son compagnon pendant quelques jours. Mais Cristi est policier et personne ne sait qu’il est homosexuel. Sa vie professionnelle et sa vie privée vont se trouver confrontées lorsqu’il doit intervenir dans une salle de cinéma où la projection d’un film LGBTQ+ a été interrompue par un groupe religieux de militants homophobes. Inspiré de faits réels, la première moitié de ce film (soit 40 minutes) est incroyable, avec le bonheur des retrouvailles entre Cristi et son compagnon et le début de l’intervention de la police dans le cinéma. On a droit a un plan-séquence de folie de plus de 6 minutes, tout en mouvement, caméra à l’épaule, qui alterne le point de vue de Cristi et un point de vue neutre qui dépeint l’arrivée dans la salle de cinéma où la tension monte entre les militants homophobes, les spectateurs dans la salle et la police. Un autre plan-séquence de 8 minutes, complètement fixe cette fois, nous a aussi emballé, car il met en scène une discussion profonde entre deux collègues. La direction d’acteurs est remarquable de bout en bout. Et pourtant, après 40 minutes et un climax, le film stagne et retombe comme un soufflé, dû à un choix d’écriture, si bien qu’on se dit « tout ça pour ça ». Vraiment dommage car la réalisation de Jebeleanu est excellente et tous les acteurs sont très bons, notamment le taiseux mais tellement expressif Conrad Mericoffer, qui incarne Cristi.



The Dose (La Dosis) (Argentine, 93min, Martín Kraut) :

Marcos est infirmier de nuit dans une clinique privée depuis des années. Calme et dévoué à son travail, il aide parfois des patients en fin de vie et en grande souffrance à mourir. L’arrivée d’un nouvel infirmier charmant vient mettre en danger sa position, car celui-ci semble aussi euthanasier des patients mais pas pour les mêmes raisons. Porté par son incroyable acteur Carlos Portaluppi, ce thriller démarre très bien, tout est bien écrit, réalisé, photographié (avec notamment une photographie bleu-gris sombre) et mis en place. L’ambiguïté des rapports entre Marcos et le nouvel infirmier grandit mais malheureusement la deuxième moitié du film est beaucoup moins convaincante. Certaines actions ne nous ont pas paru vraisemblables, par conséquent la deuxième partie nous a laissé sur le bas côté. Vraiment dommage pour ce problème d’écriture car le point de départ avait un véritable potentiel.



Enfant terrible (Allemagne, 135min, Oskar Roehler) :

Biopic du célèbre cinéaste Rainer Werner Fassbinder, metteur en scène des ouvriers, des bourgeois, des marginaux et des rapports de pouvoir, du milieu des années 60 jusqu’à sa mort prématurée en 1982. Enfant terrible (en français dans le texte pour son titre original) a reçu le Label festival de Cannes, il devait donc être présenté l’année dernière mais le festival a été annulé à cause de la pandémie. En reprenant volontairement la forme du dernier film de Fassbinder, Querelle, c’est-à-dire en filmant tout en studio, avec des lumières extrêmement travaillées, Oskar Roehler provoque un effet de distanciation intéressant avec ce qui nous est présenté. Le gros problème, c’est qu’à aucun moment on apprécie sa vision de Fassbinder, ou du moins le personnage qui nous est présenté ici. Le film se déroule ainsi sous nos yeux et nous nous demandons comment un tel homme a pu avoir toute une cour autour de lui vu son comportement tyrannique et malsain dépeint dans le film. On aurait aimé un portrait plus nuancé. Dans le rôle-titre, Oliver Masucci livre une prestation solide, mais certains acteurs semblent un peu enfermés par le procédé théâtral (ou par la direction d’acteurs). La photographie est absolument magnifique, mais le film devient vite anxiogène et répétitif par sa forme et par son contenu. Déception.



Court-métrage :


Malheureusement, comme nous avons préféré privilégier les longs-métrages, nous n’avons pas vu beaucoup de courts. Nous recommandons tout de même le réussi The Act (avec Samuel Barnett, acteur de la série Dirk Gently), qui suit pendant 18min la vie d’un homme gay dans le Londres des années 60, avant la dépénalisation de l’homosexualité en 1967, avec la répression et l’homophobie internalisée de cette époque. Très bien filmé et joué, c'est un beau film émouvant et réussi.




Thank you to the BFI festival for another amazing year, the team behind it and the artists behind the great movies selected!

See you next year/à l'année prochaine !




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