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BATMAN V. SUPERMAN - DAWN OF JUSTICE (critique)

Alors que la Director's cut de Justice League arrive sur nos écrans, PETTRI vous propose de revenir sur le film de Zack Snyder précédent, dans le même univers : le décrié Batman V. Superman, pourtant étonnamment réussi !

Trois ans après Man of Steel et un an et demi seulement avant Justice League, Zack Snyder réalisait Batman V. Superman pour Warner et DC. C’était lui l’architecte principal de ce qui devait être le DC Extended Universe, l’équivalent chez DC du MCU chez Marvel. Depuis, tout a volé en éclat. En effet, durant le tournage de Justice League, sa femme Deborah, productrice de ses films, et lui ont eu à gérer un drame familial qui les a poussé à quitter le projet. Joss Whedon a repris les rennes et le film est sorti à temps, avec un certain insuccès et des critiques catastrophiques. Résultat, le DCEU en a essuyé les erreurs et les exécutifs ont tranché : désormais chaque film de la franchise est indépendant des autres. Mais revenons à Batman V. Superman, premier mash-up de l’univers, qui avait plusieurs défis de taille avant toutes ces déconvenues. D’abord, introduire leur version de Batman, héros le plus emblématique de l’écurie. Pour ceci, ils castent un Ben Affleck massif, qui interprétera un antihéros plus brutal, plus imposant, plus violent. Deuxième défi, assurer une suite logique aux événements destructeurs de Man of Steel, dans lequel Superman (Henry Cavill) et son ennemi Zod (Michael Shannon) détruisent la majeure partie de Metropolis dans leur bataille finale. Troisième défi, mettre en scène leur face-à-face dantesque et inédit, qui s’annonce déséquilibré quand on connaît les capacités d’un certain kryptonien, et du coup lui insuffler de l’enjeu. Quatrième défi, introduire les autres personnages de la Justice League, dont le film arrive très tôt dans la construction de l’univers, puisque les films solos de Wonder Woman, Aquaman, Flash et Cyborg ne viendront qu’après la réunion de tous ces super-héros dans le film suivant. Cinquième et dernier défi si ce n’était pas assez, le film compte plusieurs méchants, ajoutés en sus de l’affrontement de puissants super-héros : Lex Luthor d’un côté, Doomsday de l’autre. Batman V. Superman avait donc tout du projet ultra casse-gueule. Mais qu’en est-il ?


Pour préparer ce papier, on a (re)vu ce que Warner a appelé la “ultimate edition”, soit une version longue du film, qui durait déjà 2h31 au cinéma, et qui finit ici sa course à 3h02, soit une trentaine de minutes de rab pour davantage développer ce monticule de storylines qui semble insurmontable pour le commun des mortels. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Snyder, à qui l’on doit déjà L’Armée des Morts, 300, Watchmen, Sucker Punch et Le Royaume de Ga’hoole s’en tire haut la main. D’abord parce que vu la charge de choses à articuler dans un seul et même film digeste, on ne peut que louer sa manière de découper le film, ainsi que de noter le travail des deux scénaristes crédités, Chris Terrio (Argo, Rise of Skywalker) et David S. Goyer (Blade, Batman Begins). Ensuite, parce qu’il ne néglige en rien son aspect esthétique, si important dans son cinéma. En effet, constante notable depuis ces premiers travaux, le formalisme de Snyder l’emporte souvent sur un cinéma populaire pourtant chargé thématiquement et étonnamment politique. Ici, comme souvent chez Snyder, c’est le chef opérateur Larry Fong (Super 8, Lost) qui s'occupe de la photographie du film. Il avait éclairé magnifiquement 300, Watchmen et Sucker Punch pour le cinéaste, et réitère ici, avec une image argentique grandiose, entre les effets de lumières drus et des couleurs à la désaturation maîtrisée. Et le formalisme de Zack Snyder que Larry Fong s’applique de respecter tend parfois vers de l'abstraction pure, lorsque des faisceaux lumineux viennent remplir le cadre, souvent dans les scènes purement numériques. Cependant, la maestria de la lumière dans ce film se sent jusque dans ses scènes de nuit, à la fois très moderne et foncièrement poisseuse. Toute la dureté âpre de la violence mise à l'œuvre par Snyder est sublimée par Fong.

Si le film était interdit aux moins de 13 ans (PG-13) à sa sortie en salles, la version longue est quant à elle interdite aux moins de 17 ans (Rated-R). La violence qui est à l'œuvre ici est à mille lieues des coups présents dans les productions Marvel, ceux qui ne font pas mal et qui n’ont aucun poids, sans une seule goutte de sang. Snyder, fidèle à ses obsessions graphiques, dépeint la violence comme une caisse de résonance du réalisme cinématographique qu’il met en place depuis ses débuts. Souvent dans son cinéma, la violence est exacerbée, comme dans les combats sanglants de Watchmen ou 300, et ici aussi. Batman est un justicier solitaire qui marque les contrevenants au fer rouge, ce qui conduit ceux-ci à mourir en prison sous des coups de surin, quand Wayne ne les tue pas lui-même. Superman, tel que décrit longuement dans Man of Steel, n’est pas moins qu’un Dieu qui se rêve en humain lambda, aimant ses parents et sa compagne Loïs Lane, qu’on retrouve ici au cœur d’une intrigue mêlant complot, espionnage et journalisme triomphant. Encore un peu trop souvent traitée comme une demoiselle en détresse pour que son amoureux ne vienne le sauver, elle est toutefois parfaitement interprétée par Amy Adams, qui tient un rôle important, juste après les deux mâles du titre, et encore plus si on en croit l’apparition de Flash, qui vient du futur pour prévenir Bruce qu’elle est la clé. De quoi ? On ne saura probablement jamais, vu que les plans de franchise ont été un peu contrecarrés…

Ben Affleck et Henry Cavill, tout en force brute et héroïsme contraint, usés par leur histoire familiale et leur joug de sauveurs, composent de parfaites partitions. Mais c’est bel et bien Jesse Eisenberg qui tire la couette de son côté, aidé par un look illuminé et un personnage toujours sur le fil. Son Lex Luthor est timbré. Mais subtilement. Probablement inspiré des wonderboys de la Silicon Valley, le Luthor d’Eisenberg a le regard fou et le phrasé décousu, des répliques en or massif, les enchaînant avec force et conviction : “The Red Capes are coming” ou “Psychotic is a three syllable word for any thought too big for little minds” sont des lignes de dialogues qui resteront dans l’esprit du spectateur. Si l’usage de son personnage peut paraître par moments quelque peu usuel et brouillon, il n’en est pas pour autant dénué de puissance.

C’est dans la partition à quatre mains de Hans Zimmer et Junkie XL que réside aussi la richesse de ce film. Non pas par sa perplexité, mais par son intensité et son côté comicbook assumé (le thème de Wonder Woman, dément) et la sombreur de leurs arrangements. Toujours aussi puissants, les deux maestros de Remote Control (la société de production fondée par Zimmer) parviennent à la fois à impacter autant qu’à réinventer musicalement des héros pourtant bien connus du public. Et ce dernier a été un peu médisant sur une scène en particulier, pourtant pivot et vraiment émotionnelle : alors mis en défaite par Batman, Superman lui demande juste d’aller sauver Martha, sa mère. Sauf que la mère de Bruce Wayne s’appelle également Martha. Une "coïncidence" qui est pourtant amenée très tôt dans le film, et plutôt finement écrite. L’implant des prénoms est là, le relever au moment le plus chargé émotionnellement peut sûrement perturber la lecture de la scène, mais aucunement par l’auteur de ces lignes… La fraternité des héros se trouve partout, finalement.


Entre un Dieu remis en cause et un riche justicier vieillissant, le film vacille constamment. Aidé par ses ralentis chiadés et des idées visuelles et thématiques toujours appuyées, Snyder transforme l’essai d’un exercice d’équilibriste qui reste longtemps après le visionnage. Le cinéaste arrive à imposer une noirceur à des spectateurs plutôt habitués à l’aspect ‘parc d’attraction’ que peuvent parfois avoir les films Marvel, et à maladroitement et hâtivement y rentrer de nouveaux personnages qui seront dans la suite-réunion du film. Reste à voir ce qu’il fait avec sa version 100% personnelle de Justice League, après la débâcle de la sortie salle finie par un Joss Whedon pas du tout à l’aise avec un ton et une esthétique opposés à sa personnalité joueuse et plus légère. Après la réussite presque prodigieuse de ce Batman V. Superman, on est curieux de voir ce que donne sa version fleuve de 4 heures de ce team-up qui était si indigeste dans sa première version.

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