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AMMONITE (critique)

Dernière mise à jour : 25 oct. 2021

Le nouveau film de Francis Lee a été présenté en ouverture du festival LGBTQ+ Chéries-Chéris hier soir. Romance historique très attendue, Pauline Lecocq l'a vu et en parle sur Pettri.

Francis Lee avait emballé le monde entier avec son magnifique premier film, Seule la terre (God’s Own Country) en 2017, qui a révélé les fantastiques Josh O’Connor (connu depuis pour incarner le Prince Charles jeune dans la série The Crown, avec de nombreux prix à la clé) et Alec Secăreanu (présent aussi au générique d’Ammonite dans le rôle du médecin). Il revient avec un deuxième long-métrage de nouveau très terrien et organique qu’il écrit et réalise également.

Les années 1840 à Lyme Regis, ville côtière britannique avec sa célèbre jetée (vue dans La Maîtresse du lieutenant français et Persuasion par exemple). Mary Anning, paléontologue aujourd’hui reconnue comme pionnière, est chasseuse de fossiles. Elle vit avec sa mère et passe ses journées sur la plage à faire son travail. Elles tiennent une boutique pour touristes dans laquelle Mary vend ses trouvailles. Un jour, elle doit s’occuper de l’épouse dépressive d’un paléontologue alors qu’ils sont en visite à Lyme. Une relation inattendue va naître entre ces deux femmes.

Kate Winslet revient au premier plan après quelques seconds rôles (dans la saga Divergente notamment) et en fanfare cette année avec la série Mare of Easttown et ce film. Elle y est absolument incroyable, et aux antipodes de ce qu’elle a joué avant. On peut être un peu décontenancé.e par ses lentilles marron au premier abord (l’actrice a les yeux bleus) mais elles siéent parfaitement à la rudesse de son personnage taiseux et misanthrope. Femme d’action et non de grand discours, elle trouve sa liberté dans son travail et sa passion, même si elle n’est pas du tout reconnue par ses pairs et même spoliée (comme quoi les musées britanniques ont beaucoup de mal à reconnaître les personnes qui leur transmettent leurs découvertes, voir le magnifique film The Dig). On note également les excellent.e.s Alec Secăreanu, James McArdle (vu dans la très belle mini-série Man in an orange shirt), l’incontournable Fiona Shaw (Harry Potter, Killing Eve) et Gemma Jones, qui incarne de nouveau la mère de Kate Winslet, 25 ans après Raison et sentiments (1995) et qui retrouve Francis Lee après son premier film ! Face à Winslet, Saoirse Ronan est parfaite. Elle est d’ailleurs partout ces dernières années, et semble se spécialiser dans les films en costumes (Brooklyn, Mary Queen of Scots, Les Filles du Docteur March…). Dans Ammonite, éteinte et désespérée en premier lieu, elle va devenir de plus en plus lumineuse au contact de Mary. Et sa lumière va se transmettre à cette dernière au cours du film.

L’histoire est ainsi celle d’un éveil, avec des couleurs ternes et gris bleutées dans sa première heure puis avec des couleurs plus chaudes dans sa deuxième moitié qui symbolisent les sentiments grandissants entre les deux personnages qui, grâce à leur contact, se révèlent, s’épanouissent et reprennent goût à la vie. C’est toute la beauté du style de Francis Lee : trouver de la lumière (les sentiments) dans un environnement extrêmement rude. Et c’est de nouveau un pari réussi avec ce deuxième film, remarquable dans sa construction (et sa fin). On pense notamment à des choses assez subtiles en termes d’écriture (les statuettes par exemple). Cependant, on est moins convaincu par le placement de la scène d’amour, qui pour nous arrive un peu tard, mais on apprécie que ce soit les deux actrices qui aient mises en scène et chorégraphiées la scène. La pureté des sentiments rejoint toujours l’aspect charnel et organique chez le cinéaste.

A travers de très beaux paysages, on remarque surtout l’importance du son. En effet, le vent est très présent, voire assourdissant, et nous fait sentir la mer, l’iode et le froid. C’est l’une des grandes réussites du film pour nous, c’est-à-dire d’arriver à capter aussi bien l’environnement, le cadre dans lequel l’histoire se déroule tant du point de vue visuel que du point de vue sonore. D’autant plus que le film comporte peu de dialogues et se concentre sur les actions de ses personnages et le silence parfois. Le rôle du son en devient d’autant plus capital.

Alors peu importe si la vérité historique est mise de côté pour le romanesque (on ne connaît rien de la vie privée de Mary, et on ne sait pas si Charlotte et elle ont eu une relation autre qu’amicale), ce lesbian period drama comme l’a relevé l’équipe du Saturday Night Live (voir ce fabuleux sketch ci-dessous), est très beau et fortement recommandé. Autant vous dire qu’on a plus que hâte de voir le troisième long-métrage de Francis Lee qui, avec son style déjà bien défini, va probablement proposer d’autres très grands films à l’avenir.



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