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Jofrey La Rosa

ADVENTURELAND (critique)

Ça aurait pu être un PETTRI's GEMS, mais Adventureland a le droit à sa critique par son plus grand admirateur. Une comédie générationnelle ultra personnelle réalisée par Greg Mottola, qui avait signé SuperBad deux ans auparavant.

Un chef d'œuvre, point. Il faut développer davantage ? D'accord... Troisième long métrage de Greg Mottola, qui fait suite au succès (et à la réussite) incroyable de Superbad, Adventureland met en scène une arlésienne d'idée de son réalisateur et scénariste, qu'il traîne depuis la fac, s'inspirant de ses propres expériences. Son alter-ego est interprété par Jesse Eisenberg, alors dans une hype pré-Social Network, épaulé par un casting top-notch : Kristen Stewart, Martin Starr, Ryan Reynolds, Kristen Wiig, Bill Hader... Ce film fait partie de ce genre très américain du coming-of-age, qui met en scène un ou des personnages dans un moment charnière de leur existence, souvent l'adolescence, et qui vont passer à un autre âge, une autre étape dans leur vie. Souvent, ce moment se passe lors des derniers moments du lycée, mais ici, même s'il y a souvent confusion, c'est bel et bien après une première phase estudiantine (l'équivalent d'une licence) que James (Eisenberg) revient dans la ville de ses parents pour y faire un job d'été. Bien obligé de travailler en effet, puisque ses parents ne peuvent plus lui offrir le voyage européen promis, dû au licenciement de son père, qui essuie le revers du régime reaganien. Car en effet, même si le film met en scène des situations universelles, il se déroule en 1987, au moment même où Mottola a vécu cet été-clé.


James est le héros un peu gauche de ce film, qui enchaîne autant de titres pop-rock 80's que possible, entre David Bowie, Big Star, The Cure, The Rolling Stones ou Lou Reed. Mais le meilleur ajout musical à ce film reste l'immonde (et à la fois génial) Rock Me Amadeus de Falco, qu'on ne saurait vous conseiller davantage. Mais les 80's, c'est aussi la mode, les couleurs vives et pastelles, les coupes de cheveux, le langage, MTV et les voitures. Autant de choses immuables que quand on a proposé à Mottola de faire ce film mais dans un environnement contemporain (pour des raisons budgétaires et marketing), il a tout bonnement refusé, ne voyant pas comment cette histoire - la sienne - pourrait tenir au 21éme siècle. Et en effet, aujourd'hui le rythme de vie est différent, les interactions entre jeunes aussi, on a l'impression que le temps s'écoule plus lentement, presque à contre-courant d'aujourd'hui.


Mais revenons au principal, le centre de ce film : ses personnages. Parce que si James est si bien écrit, ambivalent et bien interprété, l'attrait absolu de ce film est la précision de ses personnages secondaires. Emily en tête : c'est Kristen Stewart qui porte ce personnage très juste, complètement paumé mais au final assez banal, de jeune femme qui hésite entre ses désirs primaires et son amour naissant, entre sa culpabilité et son chagrin. Stewart, avant la starification twilightienne, donne une dimension interne à tout cela en total accord avec la retenue maladroite d'Eisenberg, et de la mise en scène simple et toutefois très nette de Mottola. Emily est une jeune femme dont le père est un médecin aisé qui l'oblige tout de même à travailler l'été, et dont la mère est morte il y deux ans. Bien avant l'arrivée de James dans ce parc d'attraction un peu pourri de leur ville de province ouvrière, elle entame une relation avec un bellâtre plus âgé et marié, mais dont on devine vite une tendance loser mythomane. Mais quand James et Em tombent doucement amoureux, Em n'a pas la force d'avouer cette relation à son nouveau Jules (ou Jim du coup). Alors évidemment, les allergiques aux tics de jeu de Stewart, fuyez. Mais vous auriez tort, tant son personnage (et elle, et le reste) est magnifique.


Ryan Reynolds assure dans son coin, tandis que le duo comique d'Hader et de Wiig fait des merveilles à chaque apparition. Ces personnages décalés, presque too-much, réitèrent l'exploit de Mottola sur son précédent film (Superbad donc) : les rendre touchant et en constante fluctuation entre l'over-the-top (la moustache grandiose d'Hader) et le détail réaliste précis (les fulgurances tout en retenue de Wiig). Toutefois, c'est Martin Starr, une des révélations de Freaks & Geeks (qu'on retrouvera bien plus tard dans Silicon Valley et le Spiderman du MCU), en sidekick d'Eisenberg, qui donne l'exemple de ce qu'est le film : un jeune homme qui s’apprête à devenir docteur en lettres russes, qui fume la pipe, et qui voit le monde derrière ses lunettes à double foyer, très honnête et foncièrement gentil, et qui se fait rembarrer par une fille à cause de sa confession juive. Parfaitement authentique, ce personnage est un des points névralgiques du métrage, sans pour autant faire d'ombre à son protagoniste, qui garde les rennes sur le récit, tout à la lisière du drôle et du tragique.


La justesse et la beauté de ce film réside à jamais dans l'alchimie indescriptible entre ses comédiens, un metteur en scène alors à son meilleur et le je-ne-sais-quoi intouchable par d'autres, à un autre moment, que ceux-là à ce moment-là. Souvent, dans ce genre de récit indé feel-good des années 2000, il tient à rien qu'un spectateur tombe amoureux du film ou ressente une indifférence polie (voire une détestation). Ici, on ne déroge pas à l'adage : ça sera un de ces choix-là. Par ici, c'est vous l'aurez compris c'est le premier cas de figure. Un film beau comme un premier amour qui dure, pas moins.

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