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Jofrey La Rosa

5-25-77 (critique)

Projet personnel qu’il porte depuis 18 ans, 5-25-77 est la lettre d’amour de Patrick Read Johnson au cinéma qu’il affectionne. Disponible depuis peu à la vente sur les internets (à la fois en VOD et en physique), PETTRI revient sur cette belle aventure.

Initié en 1999 après sa rencontre avec Gary Kurtz, le producteur légendaire de Macadam à deux voies, Dark Crystal, American Graffiti et surtout de Star Wars et The Empire Strikes Back, ce projet de Patrick Read Johnson n’est sorti qu’en 2022, d’abord dans un cercle limité de salles uniquement américaines, puis en VOD et format physique. Le premier clap est pourtant lancé en 2004, avec John Francis Daley devant la caméra. Le gamin de Freaks & Geeks n’est pas encore celui de Bones, et encore moins le scénariste de Spider-Man Homecoming ou le réalisateur de Vacation, Game Night ou du Dungeons & Dragons: Honor Among Thieves à venir. Il interprète son réalisateur jeune, pas même renommé pour l’occasion, qui découvre avec fracas (et admiration) le 2001 : L’Odyssée de l’espace de Kubrick à 7 ans : un choc, matriciel et fondateur, qui le mène deux ans plus tard à (s’)expérimenter à filmer lui-même des dizaines de geekeries en tout genre, alors que le mariage de ses parents commencent à battre de l’aile. Ça nous rappelle bien évidemment l’actualité cinéma avec la sortie imminente du fabuleux The Fabelmans, d’un cinéaste bien évidemment cité dans 5-25-77.


Entre 1968 et 1977 (et même bien après), le film dresse le portrait complexe d’un jeune homme dysfonctionnel, qui se livre comme rarement, sur sa vie amicale, amoureuse, familiale et passionnelle, au travers d’un film qui file à mille à l’heure, dans un superbe écrin témoignant de l'évolution technologique qui a eu lieu entre les époques de ce qu’il conte, du tournage originel, et de ses reshoots plus récents. 5-25-77 a l’air de ne plus appartenir à notre époque - et ce n'est pas pour me déplaire. On pense à Napoleon Dynamite, Fanboys ou aux films adolescents de Linklater, alors que Patrick Read Johnson nous montre ses premiers tests d’effets spéciaux faits-maison avec malice et humour, entouré d’amis dévoués et, plus tard, de filles qui deviendront fascinées par ce jeune homme quelque peu autistique mais passionné et passionnant. Il se donne à 100% dans son art, relit sans cesse les numéros du magazine American Cinematographer, alors que son entourage se demande où toute cette passion (et le temps qu’il lui dévoue) va le mener. Et puis la maman, avec toutes les meilleures intentions du monde, lui décroche un entretien avec Herb Lightman, rédacteur en chef de son magazine favori, avec pour projet qu’il lui présente son héros : Douglas Trumbull, l’homme derrière les effets spéciaux de 2001, mais aussi de The Andromeda Strain ou Rencontres du Troisième Type, ou de son propre Silent Running, puis plus tard de Star Trek : The Motion Picture et Blade Runner. Une légende, tout simplement. Après ce rendez-vous éclairant, Patrick rencontre un jeune Spielberg en plein tournage de Rencontres, mais surtout Trumbull et les équipes d’ILM, pour découvrir en avant-première le tournage des effets spéciaux de ce qui sera pour Patrick un tremblement de terre : Star Wars.

Dès lors et jusqu’à la sortie, il n’aura de cesse que d’en parler à tout son entourage dans son Illinois rural, dans l’indifférence générale. Et jusqu’au fameux 25 mai 1977 du titre, jour séminal pour lui, durant lequel il ne pourra finalement pas voir son film rêvé et attendu : cette production indépendante est en effet distribuée par 20th Century Fox, mais d’abord dans un circuit très fermé de salles, surtout dans les grandes villes - parce qu’ils n’y croyaient pas, l’histoire est connue. Il faudra à Patrick attendre jusqu’à juillet pour voir le premier Star Wars de George Lucas, devenu un phénomène dingue. Et là, la fascination est à la hauteur de l’attente. Mais entre temps, les crises de cœur et d’amitiés se succèdent, dans un chassé-croisé réjouissant, doté d’une mise en scène inspirée et ultra-rythmée, très fournies et bourrée d’idées, aussi impactante que revigorante dans le paysage du genre coming-of-age. 5-25-77 est finalement une jolie histoire, simple et belle, d’un passionné qui n’aspire qu’à une chose : vivre de ce qui l’anime. Et Patrick y sera parvenu, puisqu’il navigue depuis les années 1980 dans les affres de productions hollywoodiennes plus ou moins inspirées, allant des effets spéciaux (Flic ou Zombie, Bill & Ted's Excellent Adventure, Warlock), au scénario (Cœur de Dragon), et jusqu’à la réalisation (Space Invaders, Bébé part en vadrouille, The Genesis Code ou Angus). Un artisan touchant et généreux, qui signe avec 5-25-77 une œuvre étrange mais passionnante et impressionnante, sous la forme d’un projet personnel et passionnel. Sorte de The Fabelmans sur le mode Boyhood (car tourné sur une douzaine d’années), ça foisonne évidemment de partout, ça va dans tous les sens, c’est trop tout le temps, mais c’est le projet d’une vie, d’un cinéaste qui se livre sur la sienne, qui n’est rien sans le cinéma. Pile-poil dans l’air du temps. Plus que fortement conseillé.

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